Le présent budget traduit notre ambition de donner à la justice les moyens nécessaires à l'accomplissement de sa mission, telle qu'elle s'est manifestée à l'occasion des États généraux de la justice et de l'élaboration de la loi d'orientation et de programmation.
Ce projet de budget renforce fortement la hausse des crédits entamée l'an dernier, au bénéfice de plusieurs objectifs prioritaires : réduire les délais d'audiencement et les stocks d'affaires en attente ; améliorer les conditions de travail des agents de l'institution judiciaire et mieux accompagner les justiciables.
Les effectifs seront augmentés en priorité au sein des juridictions ; les salaires des agents seront revalorisés ; les crédits pour l'accès au droit et l'aide aux victimes augmenteront, tout comme ceux dédiés à l'immobilier judiciaire et à la transformation numérique.
La hausse du budget alloué à la justice judiciaire est de 9,5 % en crédits de paiement, afin de recruter pas moins de 1 300 personnels l'an prochain, dont plus de 300 magistrats, 340 greffiers et 513 personnels d'encadrement, pour former de véritables équipes autour du magistrat. Ces recrutements s'inscrivent dans l'objectif de recruter plus de 1 500 magistrats et 1 800 greffiers supplémentaires d'ici à 2027. Enfin, les mesures de revalorisation salariale lancées en 2023 connaîtront leur première année pleine en 2024.
Les crédits consacrés à l'accès au droit et à l'aide aux victimes augmentent de 2,8 % par rapport à l'année dernière, avec un effort important en faveur du réseau judiciaire de proximité, qui bénéficie pour sa part d'une hausse de près de 10 %. L'objectif est d'offrir un maillage territorial plus fin, en créant notamment de nouvelles permanences pour les maisons de la justice et du droit. L'aide aux victimes est également renforcée afin de soutenir le réseau d'associations locales qui accompagnent juridiquement, socialement et psychologiquement les victimes.
Notre collègue Sarah Tanzilli a choisi de consacrer la partie thématique de son rapport à l'immobilier judiciaire et à la numérisation de l'institution judiciaire.
S'il peut sembler aride au premier abord, ce thème est pourtant essentiel : il serait en effet regrettable de recruter aussi massivement que nous le faisons pour que les personnes recrutées ne disposent ni des outils, ni des locaux adaptés à l'accomplissement de leurs missions. On note ainsi une augmentation de près de 35 % des crédits de paiement dévolus à l'immobilier judiciaire. Celui-ci est soumis à des contraintes d'ordre symbolique, des contraintes de volume et des contraintes d'ordre sécuritaire.
Les acteurs de la justice sont légitimement attachés à ce que nos tribunaux soient installés au cœur de la cité et incarnent la solennité de leur mission. Toutefois, cela peut entraîner des tensions entre geste architectural et besoins du personnel. Les conditions de travail doivent impérativement être prises en compte lors de la mise en chantier des bâtiments.
Un autre défi est celui de l'arrivée des nouvelles recrues, qui aura un fort impact sur les besoins en surfaces disponibles au sein des juridictions, dont certaines sont déjà exsangues. Plusieurs leviers sont utilisés : la densification des espaces existants, le partage de bureaux, ou encore la réserve foncière ou immobilière. Malgré cela, des prises à bail sont inévitables, au moins temporairement, pour trouver de la place à chacun. La rapporteure pour avis souligne la nécessité de prendre en compte le principe de mutabilité des services publics, afin de ne pas s'engager dans des opérations immobilières majeures qui deviendraient un fardeau sur le très long terme, si elles s'avèrent inadaptées aux changements de la justice au cours des prochaines décennies.
La gouvernance de l'immobilier judiciaire est complexe et peu lisible pour les acteurs de terrain. Les premiers pas vers une déconcentration de la décision au niveau local sont donc bienvenus.
Enfin, les enjeux de sécurité au sein des juridictions ont entraîné le renforcement des contrôles, la multiplication des badges d'accès et la séparation stricte entre locaux professionnels et lieux accessibles au public, ce qui a pu créer une forme de frustration chez les auxiliaires de justice, notamment les avocats, qui ont parfois du mal à accéder aux bureaux de leurs interlocuteurs. Les besoins des justiciables, en particulier des victimes, doivent également être pris en compte dans la gestion de l'immobilier judiciaire. La fédération France Victimes a notamment regretté que les bureaux d'aide aux victimes ne disposent pas de locaux dans chaque juridiction, et que victimes et accusés puissent souvent se croiser dans les espaces communs.
La rapporteure pour avis souhaite enfin nous alerter sur le besoin d'une salle dite « des grands procès », puisque celle qui a été construite à l'occasion du procès des attentats du 13 novembre ne pourra pas être conservée plus d'une année. Les procès en appel des attentats et les contentieux de masse qui risquent de se multiplier à l'avenir renforcent ce besoin. Une grande salle d'audience, qui a également une portée symbolique forte, doit donc être pérennisée.
S'agissant de la numérisation de la justice, il convient de souligner que le premier plan de transformation numérique a porté ses fruits en accordant au personnel des outils physiques adaptés à ses besoins.
L'effort du second plan de transformation portera principalement sur le développement et le renforcement des applicatifs métiers. En la matière, il y a, n'ayons pas peur des mots, une vraie souffrance du personnel face à des logiciels peu fiables, sous-dimensionnés et parfois peu ergonomiques. Il est urgent d'assurer aux professionnels de bonnes conditions de travail. C'est aussi une question de bonne gestion des deniers publics : il serait dommage de recruter des gens pour qu'ils dépensent leur énergie et leur temps de travail à trouver des solutions pour contourner des outils numériques inadaptés. Il pourrait être utile à l'avenir de s'appuyer sur des applicatifs peut-être moins ambitieux, mais plus fiables dans leur utilisation. En outre, une consultation approfondie des utilisateurs finaux de ces logiciels, durant leur conception et tout au long de leur utilisation, serait bénéfique. La rapporteure pour avis salue par ailleurs l'internalisation partielle des capacités numériques, avec des recrutements de personnels techniques pour accompagner les juridictions dans le déploiement et l'entretien des nouveaux outils.