À travers ce projet de loi, nous nous replongeons dans l'une des périodes les plus sombres de l'histoire de notre pays, période pour laquelle il est si difficile – et nous l'avons à plusieurs reprises mesuré dans nos débats – de trouver les mots justes.
Les mots justes pour retracer la douleur de ces familles, qui, du seul fait de leur confession, ont subi les pires atrocités : déchirées, contraintes à l'exil, aux ventes forcées ; spoliées, envoyées sans ménagement vers les camps de la mort, échappant parfois, avec l'appui de femmes et d'hommes qui refusaient de détourner le regard, à cet abominable voyage vers l'enfer, mais marquées à tout jamais, dans leur âme et dans leur chair, par ces années de larmes et de honte.
Les mots justes pour décrire la folie criminelle de l'occupant et qualifier la responsabilité de la France, de l'État français, de son administration, de ses lois antijuives, tirant leur funeste légitimité d'un vote de l'Assemblée nationale, réunie en juillet 1940 dans le théâtre du Grand Casino de Vichy, conférant les pleins pouvoirs à Philippe Pétain, par 569 voix pour et 80 contre – la France, disait Jacques Chirac, dans son discours marquant et fondateur, lors de la commémoration de la rafle du Vel' d'Hiv', « patrie des Lumières et des droits de l'homme, terre d'accueil et d'asile, accomplissant l'irréparable, livrant ses enfants à leurs bourreaux ».
En ce jeudi 13 juillet 2023, à trois jours de la Journée nationale à la mémoire des victimes des crimes racistes et antisémites de l'État français et d'hommage aux Justes de France, voulue par le président Chirac, cette loi que nous nous apprêtons à voter définitivement, si elle ne peut réparer l'irréparable, permet de rendre aux victimes des persécutions antisémites qui ont eu lieu entre 1933 et 1945 un peu de leur histoire, de leur dignité, de leur intimité, et un peu de justice.
Ce sont 78 000 appartements de Juifs français ou résidant en France qui ont été pillés, et au moins 100 000 œuvres d'art volées, mal acquises, disséminées, ainsi que des millions de livres, de partitions, d'instruments de musiques arrachés à leurs foyers.
En dérogeant à l'un des articles les plus essentiels de notre code du patrimoine, en levant le caractère inaliénable des œuvres et objets d'art qui se trouvent dans nos collections publiques, nous œuvrons pour faciliter la restitution de ces biens culturels aux familles spoliées, leur rendant ainsi un fragment de leur histoire, de leur dignité et de leur postérité.
Nous pouvons nous réjouir que cette loi ait été votée à l'unanimité en première lecture, tant ici, à l'Assemblée nationale, qu'au Sénat, chaque chambre apportant des compléments utiles et parfois significatifs au texte initial. Nous pouvons aussi nous réjouir – et je remercie ici chacun de ses membres – que la commission mixte paritaire ait permis d'aboutir à la version qui nous est proposée ce matin. C'est la preuve que, au-delà des positionnements politiques, sur une question si sensible de justice, l'histoire, la recherche et les faits l'ont emporté, et que notre pays, en affrontant sa part de responsabilité, notamment depuis le discours fondateur de Jacques Chirac au Vel' d'Hiv' en 1995, a grandi.
Nous pouvons enfin saluer l'avancée que nous avons collectivement impulsée pour que les institutions culturelles, de nos musées à nos bibliothèques, pour que la recherche universitaire et les formations de l'enseignement supérieur s'engagent, avec des moyens renforcés, dans un chemin d'avenir : la recherche de provenance.
Au nom de mon groupe, je souhaite donc vous remercier, madame la ministre, pour votre détermination à défendre ce texte auquel le Président de la République tenait beaucoup, et de l'avoir fait avec précision, conviction et sens du dialogue. Je vous félicite également d'avoir quelque peu bousculé l'agenda du Parlement et du Gouvernement afin que ce projet de loi soit adopté au plus vite.
Je tiens aussi à vous remercier, madame la rapporteure, chère Fabienne Colboc, pour votre engagement, votre ouverture d'esprit et le soutien que vous avez apporté à mon travail d'amendement. Plus généralement, je salue tous les collègues, sur tous les bancs, qui se sont impliqués sur ce texte, avec une pensée particulière pour Caroline Yadan – je sais que ce projet de loi touche à la fois sa raison de législatrice et son cœur d'enfant et d'adulte.
Je suis donc honoré de confirmer que bien évidemment, et sans aucune forme de réserve, le groupe Renaissance votera le texte issu de la commission mixte paritaire. Nous n'oublierons jamais.
Le 15/08/2023 à 10:54, Aristide a dit :
Légitimer la collaboration, c'est devenir un peu collabo soi-même.
Le 15/08/2023 à 10:57, Aristide a dit :
J'espère qu'on ne va pas enseigner aux élèves à devenir collabo dans les écoles, dans les collèges, dans les lycées de la République, même dans les facultés, la France mérite autre chose que ce révisionnisme historique.
Le 10/08/2023 à 13:12, Aristide a dit :
la Résistance est légitime, et le régime de Vichy ne l'est pas, répétez après moi...
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