Le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires partage avec regret le constat alarmant qui a été tiré des états généraux de la justice. Les mots sont durs, mais ils correspondent à la réalité : le système judiciaire français est dans un « état de délabrement » tel qu'il est « au bord de la rupture ».
Le projet de loi d'orientation et de programmation qui nous est soumis prévoit une hausse de 9,6 à 10,7 milliards d'euros pour le budget de la justice entre 2023 et 2027. Il faut saluer cette augmentation des crédits – nous en convenons tous –, mais ce budget supplémentaire conséquent ne saurait clore le débat sur la justice de ce pays, bien évidemment. On peut observer malgré tout que l'augmentation du budget consacré à la justice reste limitée, si on la compare avec celle du budget du ministère de l'intérieur.
Au-delà du satisfecit budgétaire global exprimé par le Gouvernement, plusieurs points des deux projets de loi interpellent les membres de notre groupe. D'une part, ces textes comportent des dispositions qui présentent un risque pour les libertés publiques – c'est un débat récurrent. Leur application sur le long terme soulève des interrogations. D'autre part, on ne s'attaque pas suffisamment, selon nous, aux manques d'effectifs dans certains territoires, en particulier pour les juridictions en outre-mer et en Corse. Il faut des effectifs durables et non des mesures temporaires, même si ces dernières, quand elles sont effectives et éclairantes, permettent d'apporter une réponse. Nous demandons des engagements clairs pour ces territoires pour remédier de manière pérenne au manque d'effectifs.
Vous connaissez le contexte corse où le crime organisé, la dérive mafieuse – il faut appeler un chat un chat – doivent être combattus sans relâche, en déployant des moyens dont nous avons besoin, quitte à oser modifier l'arsenal législatif si cela est nécessaire et proportionné. Nous défendons plusieurs amendements importants sur ce sujet grave et le débat continuera sur ce point.
Néanmoins, nous saluons la volonté du garde des sceaux de prendre des mesures pour les territoires exposés à des difficultés d'attractivité : les zones rurales, l'outre-mer et la Corse souffrent d'un manque de personnel. La création du dispositif contractuel de priorité d'affectation pour les magistrats qui accepteront une nomination dans ces territoires peu attractifs va dans le bon sens. Nous espérons que cela participe d'une logique incitative que soutient notre groupe.
Nous avons corrigé en commission le recul voté au Sénat en rétablissant l'article 5 du projet de loi organique. Les sénateurs étaient revenus sur les renforts temporaires de magistrats issus de l'Hexagone, notamment en Corse. Nous le répétons, nous avons besoin d'effectifs permanents plutôt que d'affectations ponctuelles ; cependant, en l'état, ces renforts temporaires sont bons à prendre.
Vous annoncez le recrutement de 1 500 magistrats supplémentaires et d'autant de greffiers. C'est très bien, mais les difficultés de recrutement ne risquent-elles pas d'empêcher le ministère d'atteindre ses objectifs ? À notre sens, il s'agit d'un point crucial. À chaque budget, nous n'avons eu de cesse de souligner le manque d'attractivité des métiers de l'administration pénitentiaire. Nous soutenons votre proposition de créer un statut de surveillant adjoint, mais cette mesure seule ne suffira pas. C'est un travail global qu'il faut mener de fond en comble, tout en s'attaquant au problème de la surpopulation carcérale, au sujet duquel Caroline Abadie a formulé des propositions intéressantes. J'espère qu'elles se concrétiseront durant l'examen de ces projets de loi en séance.
Le groupe LIOT regrette également la densité du texte. L'article 3 du projet de loi d'orientation et de programmation du ministère de la justice comporte plus d'une dizaine de mesures lourdes de conséquences et qui n'ont parfois pas de lien entre elles.
Par ailleurs, si nous soutenons la volonté de réécrire le code de procédure pénale pour le rendre plus lisible, le choix des ordonnances est toujours regrettable.
De manière générale, nous déplorons que chaque texte sur la justice déploie son lot de mesures qui portent une atteinte grave aux libertés publiques. Comme vous le savez, nous sommes opposés à l'article 3. Comment ne pas s'inquiéter de l'activation à distance des téléphones portables et ordinateurs, à l'insu du propriétaire, dans le but de les géolocaliser en temps réel, voire de les mettre sur écoute et de les filmer ?
Jusqu'où irons-nous ? Bien qu'il s'agisse simplement, pour vous, de légaliser des pratiques déjà mises en œuvre, limiterez-vous ces mesures aux grands délinquants ou étendrez-vous ces possibilités de contrôle aux petits délits ?