Comment tenir jusqu'à la fin du mois alors que tout augmente ? Telle est la question que se posent nos concitoyens. En raison de revenus trop faibles, l'inflation affecte leur quotidien et les rend, jour après jour, plus vulnérables face aux prix de l'alimentation, des transports, des assurances, de l'énergie, qui atteignent des sommets. Une fois les dépenses essentielles réglées, un Français sur trois dispose de moins de 100 euros dès le 10 du mois. Dans ces conditions, comment faire face à la dépense imprévue – la panne de voiture, la nouvelle hausse de loyer ? Cette situation insoutenable, nous ne devons pas l'oublier. Malgré le bouclier, les loyers, comme en 2022, augmenteront encore de 3,5 % cette année. Certains diront que c'est un moindre mal, que sans cette proposition de loi, la hausse aurait été d'au moins 6 %. Mais pour ceux qui vivent des fins de mois difficiles, c'est déjà trop, car cela peut suffire à les faire basculer dans la précarité. Si nous sommes favorables au bouclier que vous souhaitez instaurer, nous pensons qu'il devrait être accompagné d'une revalorisation des aides personnelles au logement, au moins pour accompagner les plus fragiles. Qu'attend le Gouvernement pour en décider ? Une nouvelle crise sociale ? Une dégradation de la situation économique ?
Par ailleurs, nous savons que si les PME sortent peu à peu de la crise, leur situation reste délicate. Dans un contexte d'augmentation des coûts, et alors que la consommation n'est pas au rendez-vous, une augmentation soudaine des loyers ferait peser un risque important sur leurs finances.
Limiter la hausse des loyers n'est donc qu'une réponse partielle et de court terme. Comme cela a déjà été rappelé, la France doit répondre au problème beaucoup plus large de la crise du logement, et cette proposition de loi, présentée dans l'urgence – à croire que Bercy a découvert le 23 mai que le bouclier sur les loyers prendrait fin le 30 juin –, sans étude d'impact ni consultation des acteurs du secteur, ne le permettra pas. Cette attitude est d'ailleurs révélatrice de la considération que vous portez aux plus fragiles et représentative de votre politique du logement : depuis 2017, vous adoptez une approche comptable et budgétaire qui aggrave les difficultés des acteurs du secteur au risque de nous conduire droit dans le mur.
Du côté du secteur privé, vous n'avez eu de cesse de raboter ou de supprimer des dispositifs d'aide à la construction : alors que l'on doit dire adieu à l'aide aux maires bâtisseurs et que le prêt à taux zéro (PTZ) n'est plus que l'ombre de lui-même, le dispositif Pinel ne sera bientôt plus qu'un lointain souvenir. Les conséquences de cette politique sont bien visibles : la construction traverse une crise grave, et le nombre de réservations auprès des promoteurs est tombé au niveau du printemps 2020, lorsque nous étions au cœur de la crise sanitaire – voyez l'ampleur du marasme.
Du côté du logement social, le bilan n'est guère plus reluisant. Dans la continuité du quinquennat précédent, vous avez décidé de prolonger la réduction de loyer de solidarité (RLS), et donc la ponction de 1,3 milliard d'euros par an sur les ressources des organismes HLM. Résultat : les dépenses d'entretien baissent, la rénovation énergétique des logements sociaux est entravée et la construction neuve chute. Qu'a prévu le CNR pour inverser la tendance ? De l'avis général, il n'a pas été à la hauteur de l'enjeu. Alors que nous attendions tous un changement radical, ses conclusions témoignent d'une incompréhension du secteur. Où est passée la promesse du Président de la République d'un choc de l'offre ? Alors que la crise du logement est là, sous nos yeux, on ne nous propose que des mesurettes, le recyclage et le rabotage d'anciens dispositifs.
Cette proposition de loi ne permettra pas d'inverser la tendance. Dans l'espoir que le Gouvernement s'engage à revaloriser les aides au logement pour celles et ceux qui en ont le plus besoin, nous la soutiendrons néanmoins, car elle permet de limiter les dégâts.