Les commissions d'enquête font partie des outils les plus aboutis dont dispose le Parlement pour exercer son rôle de contrôle et d'évaluation des politiques publiques. Cet outil est précieux. Pour qu'il le reste, nous devons savoir le mobiliser au bon moment, et non n'importe comment.
Sur la commission d'enquête proposée, je formulerai des remarques de forme avant d'exprimer notre soutien sur le fond.
Sur la forme donc, permettez-moi d'être un peu surpris. Il y a trois façons de créer une commission d'enquête : le droit de tirage, l'adoption d'une proposition de résolution et la constitution de la commission des lois en commission d'enquête – chacun se souvient que ce fut le cas sous la précédente législature, alors que cela ne s'était pas produit depuis longtemps, à l'occasion de l'affaire Benalla.
Sachant que nous sommes déjà en mai, permettez-moi de m'étonner que le groupe Renaissance préfère le vote d'une proposition de résolution en séance publique à la mobilisation du droit de tirage, d'autant qu'il reproche régulièrement aux autres groupes de l'Assemblée de procéder ainsi en inscrivant de telles propositions à l'ordre du jour de leurs niches respectives. Est-il vraiment utile de préserver votre droit de tirage à deux mois de la fin de la session ordinaire ? Ce n'est pas seulement surprenant, c'est aussi une petite alerte. Nous ne pouvons pas admettre qu'il y ait deux poids et deux mesures. Sur des sujets particulièrement importants, nous saurons trouver un consensus et créer des commissions d'enquête sans mobiliser les droits de tirage.
Sur la forme toujours, la commission d'enquête proposée vise des événements particulièrement récents. Contrairement à ce qui fut le cas pour l'affaire Benalla, un grand nombre de faits font l'objet d'une procédure judiciaire, ce qui est les exclut de fait de son champ d'investigation, lequel s'en trouvera largement réduit, du moins tel qu'il est défini. Ainsi, la seule question de la recevabilité de la proposition de résolution, examinée à la lumière juridique et institutionnelle, laisse perplexe.
Sur le fond, s'agissant des mobilisations particulièrement violentes évoquées dans l'exposé des motifs, il est nécessaire que le Parlement se saisisse de la question. C'est pourquoi le groupe Les Républicains soutiendra toutefois la création de la commission d'enquête.
Nous avons de vraies interrogations, s'agissant tant de la violence déployée à l'occasion de ces mobilisations, qui n'est pas nouvelle et va croissant, que de la façon dont l'objet politique créé à Sainte-Soline a été érigé en catalyseur des violences. Il s'agit de méthodes appliquées de façon de plus en plus régulière, à Notre-Dame-des-Landes lors du précédent quinquennat et ailleurs par le passé – je pense au triste exemple du barrage de Sivens. Des choix d'infrastructures pourtant nécessaires sont érigés en symboles et en catalyseurs de la violence de la part de certains mouvements particulièrement structurés.