L'intention de ce texte est d'agir et d'envoyer un signal fort à celles et ceux qui s'engagent, souvent au moment de la retraite, pour faire vivre les valeurs de notre République en assumant des charges électives complexes. Ils donnent de leur temps, ils répondent aux besoins des habitants et sont « à portée d'engueulade ». Ils assument pleinement ce rôle de première main tendue fraternellement à nos concitoyens et de rempart de la République.
Or les conseillers municipaux, les maires et tous les élus de proximité – parmi lesquels les sénateurs et les députés de terrain – voient les actes de violence augmenter, signe d'une société et d'une démocratie qui vont mal : 92 % des élus municipaux ayant répondu à la consultation du Sénat se déclarent victimes d'injures, de menaces ou d'agression physique. Lors la dernière enquête de l'AMF, 63 % des maires ont indiqué avoir été victimes d'incivilités, contre 53 % en 2020. En ayant une pensée pour le maire de Signes, nous connaissons tous des élus qui ont été victimes d'agressions inacceptables. Pour ma part, ce sont les élus héraultais de Montbazin, de Ganges, de Saussines, de Pérols ou de Tourbes – la liste est malheureusement longue. Je pense aussi aux attaques de l'extrême droite visant des réunions publiques, comme celle de mon ami Carlos Martens Bilongo, à Bordeaux, où a été brandi un panneau « Retourne en Afrique ! », ou aux immondes publications contre Raquel Garrido sur les réseaux sociaux. On pourrait multiplier les exemples. Et quand un animateur de télévision estime légitime d'insulter le député Louis Boyard, on comprend qu'une réaction collective est incontournable.
Cette proposition de loi a le mérite d'améliorer l'accompagnement des élus dans la procédure judiciaire faisant suite à de telles attaques. Elle rend plus facile la saisie d'avocats et de conseils pour les élus qui ne disposent pas de ressources locales. Elle élargit la protection aux proches, car on sait que les pressions sur les enfants ou les partenaires sont monnaie courante. Mais si elle permet de mieux répondre au besoin de protection, elle ne réglera pas pour autant le problème. Il faudra aussi renforcer les moyens de la justice pour traiter ces cas.
La perte de compétences des élus et l'éloignement de la prise de décision, dans des intercommunalités toujours plus grosses, n'aident pas en laissant penser que les élus ne servent à rien et que les décisions sont toujours obscures et ne répondent pas aux besoins quotidiens. Cela a valu à un maire de métropole, qui expliquait que la voirie n'était plus de son ressort, d'être agressé. Quand un maire n'a aucun moyen d'exercer ses pouvoirs de police ou d'urbanisme, il se trouve de facto en difficulté pour faire entendre raison sans risquer le conflit.
S'ajoute à cela la fragilisation financière et légale des communes, qui fournit autant d'occasions d'incompréhensions et de conflits. Ce sera le cas pour tel maire qui m'a indiqué devoir renoncer aux petits travaux en 2023, hormis ceux de l'école, pour celui d'une autre commune où la tournée d'enlèvement des ordures ménagères a été supprimée, ou encore pour celui qui ne renouvellera pas deux contrats, pourtant essentiels aux habitants de son village.
Si nous voulons que nos élus de proximité continuent à s'engager et restent les premiers maillons de la chaîne républicaine, ce texte ne doit constituer qu'une petite partie de notre action en faveur des communes en 2023. Il nous faudra faire suivre l'intendance.
Notre groupe se joindra au consensus qui défend les élus de la République.