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Intervention de Aurélien Pradié

Séance en hémicycle du jeudi 1er décembre 2022 à 21h30
Juridiction spécialisée dans les violences intrafamiliales — Article 1er

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélien Pradié, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

Le débat sur ce point a d'ailleurs déjà eu lieu ici même il y a plusieurs années, quand l'ordonnance de protection a été instituée dans notre pays sous l'impulsion de François Fillon et Nicolas Sarkozy. Cette mesure constituait déjà une dérogation à notre tradition constitutionnelle et, au moment où elle a été créée, de nombreux avocats pénalistes – dont vous faisiez peut-être partie, monsieur le garde des sceaux – se sont élevés contre, affirmant qu'elle constituait une atteinte honteuse aux libertés publiques. Or, qui peut être concerné par une ordonnance de protection ? Des individus dont on est quasiment certain qu'ils ont commis des violences et qu'ils risquent de passer à l'acte – ceux-là mêmes que vous avez défendus tout à l'heure en expliquant à quel point il était grave de leur imposer des contraintes.

Dans le cadre de l'ordonnance de protection telle qu'elle existe actuellement – c'est-à-dire avant qu'on associe cette mesure au bracelet antirapprochement –, il est déjà possible d'imposer à un individu une interdiction d'aller et de venir, sous la forme d'une interdiction d'approcher une victime à moins d'une certaine distance. Cela constituait déjà une atteinte qualifiée d'exorbitante à ce qu'était notre tradition constitutionnelle et aujourd'hui, le bracelet antirapprochement appliqué sous contrainte à un individu faisant l'objet d'une ordonnance de protection n'est qu'une application concrète de ce que dit déjà l'ordonnance de protection.

Le débat, nous l'avons déjà eu en 2019, avec près de quarante heures d'auditions – dont vous ne voulez pas entendre parler, monsieur le garde des sceaux. Je me souviens d'ailleurs très bien qu'en 2019, les bracelets tardant à arriver dans les tribunaux après l'entrée en application de la loi, je me suis moi-même rendu au tribunal de Bobigny, ce qui a permis que, deux jours plus tard, vous interveniez à votre tour pour y faire venir deux bracelets antirapprochement ! Tout cela, nous l'avons vécu sur le terrain ! Nous n'avons pas tous été de grands magistrats ou de grands avocats pénalistes, mais il se trouve que nous sommes législateurs, que nous travaillons depuis des années sur ce sujet et que nous savons comment le faire avancer.

Vous faites tout ce que vous pouvez pour que nous n'examinions pas ce texte parce que vous avez la trouille d'être battus, alors même que nous pourrions avancer sur le sujet. Vous avez évoqué à plusieurs reprises une difficulté, consistant dans le fait qu'un magistrat spécialisé au sein d'une juridiction – vous avez cité l'exemple du tribunal judiciaire de Cahors – ne pourrait être remplacé en cas d'absence. Mais comment faisons-nous aujourd'hui quand le seul juge des enfants d'une petite juridiction est absent ? Eh bien, il se trouve qu'un article du code de l'organisation judiciaire prévoit que, dans le cas d'une impossibilité pour le magistrat dédié de rendre une décision, celle-ci est confiée à un autre. Et figurez-vous que cette solution est appliquée tous les jours dans notre pays !

Monsieur le président Mattei, je rejoins vos propos sur la nécessité d'avancer, mais avez-vous vraiment l'impression que ce soit le cas ? Alors que nous avions tout fait pour que ce texte puisse être examiné sereinement, nous voyons bien maintenant que nous ne pourrons pas le voter. C'est la première fois depuis que je suis député – cela fait six ans, ce qui pourra sembler peu aux yeux de certains – que je vois deux ministres au banc…

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