Publié le 10 juillet 2023 par : M. Mattei, Mme Brocard, Mme Desjonquères, Mme Jacquier-Laforge, Mme Thillaye, M. Philippe Vigier, M. Zgainski, Mme Vichnievsky, M. Turquois, M. Ramos, Mme Babault, Mme Bannier, Mme Bergantz, M. Berta, M. Blanchet, M. Bolo, M. Bourlanges, M. Bru, M. Cosson, M. Croizier, M. Cubertafon, M. Daubié, M. Esquenet-Goxes, M. Falorni, Mme Ferrari, Mme Folest, M. Fuchs, Mme Gatel, M. Geismar, Mme Perrine Goulet, M. Gumbs, M. Isaac-Sibille, Mme Josso, M. Lainé, M. Laqhila, Mme Lasserre, M. Lecamp, Mme Lingemann, Mme Luquet, M. Mandon, M. Martineau, Mme Mette, M. Millienne, Mme Morel, M. Ott, M. Pahun, M. Frédéric Petit, Mme Maud Petit, Mme Poueyto.
I. – Substituer à l’alinéa 9, les quatre alinéas suivants :
« Art. 58‑1. – I. – Les consultations juridiques rédigées par un juriste d’entreprise, ou, à sa demande et sous son contrôle, par un membre de son équipe placé sous son autorité, au profit de son employeur sont confidentielles.
« II. – Pour bénéficier de la confidentialité prévue au I, les consultations juridiques doivent satisfaire les conditions suivantes :
« 1° Le juriste d’entreprise, ou le membre de son équipe placé sous son autorité, est titulaire d’un master en droit ou d’un diplôme équivalent français ou étranger ;
« 2° Le juriste d’entreprise justifie du suivi de formations initiale et continue en déontologie. »
II. – En conséquence, compléter cet article par les dix-neuf alinéas suivants :
« 3° Ces consultations sont destinées exclusivement au représentant légal, à son délégataire, à tout autre organe de direction, d’administration ou de surveillance de l’entreprise qui l’emploie, ou toute entité ayant à émettre des avis aux dits organes, aux organes de direction, d’administration ou de surveillance de l’entreprise qui, le cas échéant, contrôle au sens de l’article L. 233‑3 du code de commerce l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise, ainsi qu’aux organes de direction, d’administration ou de surveillance des filiales contrôlées au sens du même article par l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ;
« 4° Ces consultations portent la mention « confidentiel – consultation juridique juriste d’entreprise » et font l’objet, à ce titre, d’une identification et d’une traçabilité particulières dans les dossiers de l’entreprise et le cas échéant, dans les dossiers de l’entreprise membre du groupe qui est destinataire desdites consultations.
« III. – Les documents couverts par la confidentialité en application du présent article ne peuvent, dans le cadre d’une procédure ou d’un litige en matière civile, commerciale ou administrative, faire l’objet d’une saisie ou d’une obligation de remise à un tiers, y compris à une autorité administrative française ou étrangère. Dans ce même cadre, ils ne peuvent davantage être opposés à l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ou aux entreprises du groupe auquel elle appartient.
« La confidentialité n’est pas opposable dans le cadre d’une procédure pénale ou fiscale.
« IV. – Le président de la juridiction qui a ordonné une mesure d’instruction dans le cadre d’un litige civil ou commercial peut être saisi en référé par voie d’assignation, dans un délai de quinze jours suivant la mise en œuvre de ladite mesure, aux fins de contestation de la confidentialité alléguée de certains documents.
« Le juge des libertés et de la détention qui a autorisé une opération de visite dans le cadre d’une procédure administrative peut être saisi par requête motivée de l’autorité administrative ayant conduit cette opération, dans un délai de quinze jours suivants celle-ci, aux fins de voir :
« 1° Contester la confidentialité alléguée de certains documents ;
« 2° Ordonner la levée de la confidentialité de certains documents, dans la seule hypothèse où ces documents auraient eu pour finalité d’inciter ou de faciliter la commission des manquements aux règles applicables qui peuvent faire l’objet d’une sanction au titre de la procédure administrative concernée.
« Le juge saisi enjoint à l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise de mettre à sa disposition l’ensemble des documents dont elle allègue la confidentialité. Il peut en prendre connaissance seul ou avec l’assistance d’un expert qu’il désigne.
« Après avoir entendu le requérant et l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise, le juge statue sur la contestation et, le cas échéant, sur la demande de levée de la confidentialité.
« Le juge peut adapter la motivation de sa décision et les modalités de publicité de celle-ci aux nécessités de la protection de la confidentialité. » ;
« S’il est fait droit aux demandes, les documents sont produits à la procédure en cours dans les conditions qui lui sont applicables. À défaut, ils sont restitués sans délai à l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise.
« En tout état de cause, l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise peut lever la confidentialité des documents.
« Les dispositions du présent IV s’appliquent en cas d’exercice d’une voie de recours.
« V. – L’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise, ou, le cas échéant, l’entreprise membre du groupe destinataire de la consultation juridique, est tenue d’être assistée ou représentée par un avocat dans les procédures visées au IV du présent article.
« VI. – L’ordonnance du juge des libertés et de la détention peut faire l’objet d’un appel devant le premier président de la cour d’appel ou son délégué. L’appel peut être formé par l’autorité administrative, l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise ou, le cas échéant, l’entreprise membre du groupe destinataire de la consultation juridique.
« Le premier président de la cour d’appel ou son délégué statue dans un délai qui ne peut être supérieur à trois mois.
« VII. – Est puni des peines prévues par l’article 441-1 du code pénal, le fait d’apposer frauduleusement la mention : « confidentiel – consultation juridique – juriste d’entreprise » sur un document qui ne relève pas du présent article.
« VIII. – Les modalités d’application du présent article sont fixées par décret en Conseil d’État, notamment les conditions dans lesquelles l’entreprise assure l’intégrité des documents jusqu’à la décision de l’autorité judiciaire. »
Les entreprises françaises sont soumises à des obligations de conformité de plus en plus exigeantes et touchant un nombre croissant de domaines : gouvernance, droits humains et droits sociaux, devoir de vigilance, protection des données, respect des règles déontologiques, responsabilité sociale et environnementale, lutte contre le blanchiment des capitaux…
Les juristes d’entreprise français sont aujourd'hui dans une situation paradoxale : ils doivent mettre en œuvre ces obligations de conformité de plus en plus nombreuses et donc pouvoir alerter les cadres dirigeants sur les risques juridiques, tout en évitant le risque d'auto-incrimination de leur entreprise.
La France, par l’absence de toute confidentialité des avis des juristes d’entreprise, se singularise parmi les pays de l’OCDE.
Cette situation nuit objectivement à l'attractivité de la France : de nombreuses directions juridiques choisissent de s'établir dans des pays qui bénéficient de ce cette protection ; d'autres sociétés, qui restent en France, font le choix de ne pas recruter de juristes d'entreprise français et se tournent vers des lawyers anglo-saxons.
Et n'oublions pas que lorsque la direction juridique est à l'étranger, le choix du droit des contrats de l'entreprise sera celui d'un droit étranger. Ce n'est pas une question purement juridique : derrière le choix du droit applicable, il y a des emplois et de l'attractivité.
Le Gouvernement est donc favorable à l'introduction d'un legal privilege "à la française".
Certains amendements et sous-amendements déposés pour compléter la version adoptée par le Sénat développent opportunément celle-ci par des ajouts essentiels au bon fonctionnement du dispositif.
L’enjeu est aujourd’hui trop important pour prendre le risque de voir écartées certaines améliorations proposées par les députés parce qu’elles s’accompagnent d’autres moins opportunes. L’enjeu est trop important aujourd’hui pour ne pas proposer une écriture unique, parfaitement lisible de l’entier dispositif. C’est cela qui pousse le Gouvernement à déposer un amendement compilant et coordonnant de nombreuses suggestions des députés pour proposer un dispositif complet.
Cet amendement vise ainsi à proposer une réécriture des conditions devant être satisfaites afin que la note rédigée par le juriste d’entreprise soit couverte par la confidentialité. Cette réécriture a pour but de placer la nature du document au cœur du régime de protection proposé.
En outre, il précise l'application d'un legal privilege dans les matières civile, commerciale et administrative et exclut les procédures pénales et fiscales car elles sont les premières garantes de l’ordre public économique.
Cet amendement clarifie également les conditions de la levée de la confidentialité qui peut être obtenue pour tout manquement pouvant faire l’objet d’une sanction au titre de la procédure administrative concernée, lorsque le document visait à inciter ou faciliter leur commission, et non pas exclusivement, pour les seuls manquements portant sur des matières limitativement énumérées. Il fixe la procédure applicable et ses délais.
Il vise à prévoir, pour l’entreprise qui emploie le juriste d’entreprise, le recours obligatoire à l’avocat en cas de contestation de la confidentialité et lorsqu’elle est prévue, de demande de levée de la confidentialité, devant le juge des libertés et de la détention, comme en procédure de référé (où elle s’applique par l’effet du droit commun au demandeur comme au défendeur). La nature des procédures et les enjeux le justifient. En revanche, les administrations demeurent dispensées de cette obligation, en application du droit commun, dans chacune des deux procédures.
Il encadre enfin, par parallélisme des formes, le délai de la procédure d’appel à l’encontre des ordonnances du JLD. Il serait en effet vain de fixer un délai en première instance, si aucun délai précis n’est spécifié en phase d’appel. L’ordonnance de référé rendue par le président du tribunal judiciaire sera soumise, conformément au droit commun, à la procédure ordinaire dite à bref délai des articles 905 et suivants du code de procédure civile.
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