Publié le 2 février 2023 par : Mme Faucillon, Mme Bourouaha, M. Brotherson, M. Chailloux, M. Castor, M. Chassaigne, M. Dharréville, M. Jumel, Mme K/Bidi, M. Le Gayic, Mme Lebon, M. Monnet, M. Maillot, M. Lecoq, M. Nadeau, M. Peu, M. Rimane, M. Sansu, M. Roussel, M. Tellier, M. William, M. Wulfranc.
Dans un délai de six mois à compter de la promulgation de la présente loi, le Gouvernement remet au Parlement un rapport sur la réduction des critères de pénibilité du compte professionnel de prévention mentionné à l’article 9 de la présente loi. Ce rapport mesure plus largement l’opportunité d’intégrer de nouveaux critères de pénibilité.
En 2017, le gouvernement Macron avait fait retirer quatre critères de "prévention" professionnelle sur 10 : manutention manuelle de charges, postures pénibles, vibrations mécaniques, et agents chimiques dangereux. Par la même occasion, et aux antipodes des réalités du monde du travail, le terme de "pénibilité" a été supprimé car il sous entendait l'idée que "le travail serait pénible".
Cet amendement vise à mesurer l'impact de la suppression de ces critères. Aussi, la volonté des rédacteurs de cet amendement est de veiller à ce qu’un travail de réflexion soit mené quant à la pénibilité particulière, et souvent ignorée, à laquelle sont confrontées les femmes, notamment dans les métiers du soin et du lien où elles sont largement majoritaires. Les rédacteurs croient qu’il est temps, d’une part, d’étendre la compréhension du phénomène de pénibilité à sa dimension psychologique et d’autre part d’entamer un travail de revalorisation et de reconnaissance de ces métiers féminisés.
Le départ à la retraite pour raison de pénibilité est déjà difficile à obtenir, les critères sont restreints et les taux trop élevés. La pénibilité existant dans les métiers du soin et du lien, du service à la personne, constitue l’angle mort des normes et réglementations à ce sujet. Lorsque consultés sur leurs conditions de travail, les travailleurs du soin et du lien font l’état de contraintes physiques fortes, imputées notamment au port de personnes. Si le port de charges lourdes est compris et admis par tous (sauf par le gouvernement qui l’a supprimé du C2P en 2017) comme un facteur de pénibilité au travail, le port de personnes était et demeure absent de sa définition. Pourtant, ce geste et cet effort abiment les corps. Le taux d’accidents du travail dans les services d’aide à la personne s’élève à 5,2% quand la moyenne ailleurs est de 3,8%, surtout, le taux de fréquence est supérieur de 36% et le taux de gravité de 64%. L’espérance de vie d’une infirmière est de plus de 6 ans inférieure à la moyenne des femmes, pourtant elles ne sont plus considérées comme fonctionnaires de catégories actives et ne bénéficient alors plus du régime de retraite préférentiel. Plus encore, 20 % des infirmières et 30 % des aides-soignantes partent à la retraite en incapacité.
Mais la pénibilité n’est pas que physique. La charge émotionnelle peut être définie comme ce qu’il faut endosser, supporter cacher, feindre… Nombreux de ces métiers appellent les travailleurs être confrontés quotidiennement à des situations de souffrance et de détresse. L’isolement professionnel qui caractérise aussi ces métiers ne permet pas au travailleur d’avoir de réels temps de relaxe, de décompression, d’extériorisation de la souffrance accumulée: les journées sont longues, morcelées et solitaires. Parmi ces métiers nous pouvons penser aux aides à domicile qui travaillent auprès de personnes âgées, handicapées ou des familles en difficultés, leur apportent une aide matérielle et morale et permettent aux personnes dépendantes de conserver leur autonomie et leur dignité. Une étude de la Direction de l’Animation de la Recherche, des Etudes et des Statistiques (DARES) du ministère du travail reconnaît les risques psychosociaux de ces métiers. Les effets du stress sur la santé sont connus, ces métiers (infirmières, assistantes sociales auxiliaires de vie) connaissent aussi les taux les plus importants de dépression et d’épuisement professionnels.
Aussi, porter la question de la pénibilité suppose de la lier à une caractéristique propre des ces métiers: le temps partiel. Les travailleurs, surtout les travailleuses puisque les femmes représentent plus de 90% de travailleurs de ce secteur, se voient imposer des temps partiels qui, au-delà de diminuer leurs cotisations et droits à la retraite, ne leur permettent pas de vivre. Nombreuses sont alors celles qui se retrouvent en situation de “multi-salariats”. Situations coûteuses en temps et en énergie, cause d’émiettement du travail et de multiplication des taches. Faute d’opérer une réforme d’ampleur sur les conditions de travail, il est urgent de prendre en compte ces facteurs pour permettre aux personnes de partir plus tôt à la retraite.
L’absence d’une perspective genrée quant à la pénibilité est à la fois un manquement est un danger. 40% des femmes partent à la retraite avec une carrière incomplètes, contraintes par la pénibilité non reconnue de leurs métiers. La retraite est devenue un nouvel âge de la vie, tous les travailleurs et toutes les travailleuses doivent pouvoir l’atteindre et en profiter en bonne santé physique et mentale. Rendre cette réforme plus “juste” c’est avant tout veiller à l’égalité des droits concernant la retraite.
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