Publié le 2 février 2023 par : Mme Faucillon, Mme Bourouaha, M. Brotherson, M. Castor, M. Chailloux, M. Chassaigne, M. Dharréville, M. Jumel, Mme K/Bidi, M. Le Gayic, Mme Lebon, M. Lecoq, M. Maillot, M. Monnet, M. Nadeau, M. Peu, M. Rimane, M. Sansu, M. Roussel, M. Tellier, M. William, M. Wulfranc.
Après le 4° du II de l’article L. 114‑4 du code de la sécurité sociale dans sa rédaction résultant de la présente loi, il est inséré un 5° ainsi rédigé :
« 5° Analysant le temps passé à la retraite et le temps passé à la retraite en bonne santé, tenant compte de l’évolution de l’espérance de vie et de l’espérance de vie en bonne santé des retraités, en tenant compte des différences liées au genre et aux catégories socio-professionnelles.
Cet amendement vise à enrichir le travail du Comité de Suivi des retraites, pour renforcer son avis annuel sur l’évolution du système de retraite, par la prise en compte d’une donnée essentielle, celle de l’espérance de vie et plus particulièrement de l’espérance de vie en bonne santé.
En 1945, avec la Sécurité Sociale naît le régime général de retraite sur le mode d’un système par répartition. L’âge de départ est fixé à 65 ans, en réalité les ouvriers meurent avant. Depuis, les réformes visent à ouvrir et étendre ces droits. “Nous ferons de la retraite non plus une antichambre de la mort mais une nouvelle étape de la vie” disait Ambroise Croizat, ministre communiste du travail et de la Sécurité Sociale. Toutefois, depuis 2010 les réformes rallongent la durée de cotisation plus vite que ne progressent l’espérance de vie, et surtout l’espérance de vie en bonne santé. A partir de ce moment le niveau de vie des retraités se dégrade progressivement et relativement à celui des actifs.
La réforme proposée par le gouvernement aujourd’hui est une brutale accélération de la durée de cotisation (décidée par la réforme Touraine de 2014), qui va alors peser sur les personnes aux portes de la retraite, pour qui l’espérance de vie en bonne santé n’a pas progressé de la même façon. Le Conseil d’Orientation des Retraites le dit lui-même, pour toutes les personnes nées entre 1950 et 1975, “les gains d’espérance de vie seraient entièrement consacrés à allonger la durée d’activité après 60 ans”. Alors et de façon mécanique, la durée de la retraite se verrait diminuée pour ces générations, cette retraite constitue ainsi une régression sociale.
Aujourd’hui, 5% des travailleurs meurent avant d’arriver à la retraite, avec la réforme ce seront 6,5% soit plus de 9000 personnes supplémentaires mortes avant d’avoir atteint l’âge légal de départ à la retraite. Surtout, ce sont presque 30% des hommes pauvres et 15% des femmes pauvres qui n’atteignent pas les 64 ans. L’espérance de vie à la naissance des hommes est de 84,4 ans pour les 5% les plus riches contre seulement 71,7 ans pour les 5% les plus pauvres. Plus encore, l’espérance moyenne de vie en bonne santé pour un homme est de 64,4 ans. Toutes catégories sociales confondues, quand l’espérance de vie d’une femme est de 85,5 ans, l’espérance de vie en bonne santé est de seulement 65,9 ans.
Ces chiffres ne doivent pas nous faire oublier que l’âge légal de départ à la retraite ne signifie pas l’âge effectif de départ à la retraite, et ce, particulièrement pour les femmes. En l’état, les femmes partent à la retraite avec déjà un retard de sept mois par rapport aux hommes, allonger l’âge légal de départ à la retraite renforcera mécaniquement ce phénomène: l’étude d’impact qui suit ce PLFSSR prévoit que les femmes de la génération 1980 verront leur allongement de durée de cotisation être deux fois supérieur à celui des hommes nés la même année. Quand elles ne sont pas contraintes de liquider leurs retraites et d’accepter la décote (40% d’entre elles), 20% des femmes doivent attendre 67 ans pour prendre leur retraite. Reculer l’âge de la retraite c’est au mieux fortement diminuer la durée de retraite en bonne santé et au pire la supprimer totalement.
Alors, parce que nous considérons qu’il n’est pas acceptable pour un Etat de définir des politiques publiques et de mener des réformes qui ont pour effet de diminuer le niveau de vie de ses citoyens, de porter atteinte à leurs droits, notamment au droit de retraite en bonne santé. Nous demandons que les critères d’étude de l’évolution du système de retraite soient revus pour ne plus réfléchir en termes purement économiques et statistiques mais prendre en compte la dimension humaine, la réalité des conditions de vie de nos retraités.
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