Publié le 2 février 2023 par : M. Rimane, Mme Bourouaha, M. Brotherson, M. Castor, M. Chailloux, M. Chassaigne, M. Dharréville, Mme Faucillon, Mme K/Bidi, M. Jumel, M. Le Gayic, Mme Lebon, M. Lecoq, M. Maillot, M. Monnet, M. Nadeau, M. Peu, M. Roussel, M. Sansu, M. Tellier, M. William, M. Wulfranc.
L'article L. 114-4 du code de la sécurité sociale est ainsi modifié :
1° Au cinquième alinéa du II, les mots : »au 1° « sont remplacés par les mots : »aux 1° et 5° « ;
2° Après le 4° du II, il est inséré un alinéa ainsi rédigé :
« 5° Analysant la situation comparée des pensions de retraite perçues dans l’hexagone et dans les départements et régions d’outre-mer, et examinant la situation du système de retraite appliqué dans lesdits départements et régions d’outre-mer au regard, en particulier, de l’impact de l’économie informelle, des taux de chômage et de la non intégration de la majoration de traitement perçue par les fonctionnaires en service dans le calcul des retraites. » ;
Créé en 2014, le comité de suivi des retraites (CSR) est notamment chargé de rendre chaque année un avis public portant sur les objectifs financiers et sur les objectifs d'équité assignés au système de retraites. S'il considère que le système s'éloigne de façon significative de ces objectifs, le CSR adresse au Gouvernement, au Parlement et aux régimes de retraites des recommandations publiques. Sur la base de ces recommandations, le Gouvernement consulte les partenaires sociaux, puis présente au Parlement les suites qu'il entend donner à ces propositions.
Au regard de la mission de suivi par le CSR des objectifs d’équité assignés au système des retraites et considérant que l’ensemble des outre-mer se caractérise par des inégalités de revenus nettement plus marquées que dans l'hexagone, il apparaît nécessaire d’élargir la palette des indicateurs de suivi du CSR pour une prise en compte à part entière des éléments structurels et conjoncturels caractérisant les territoires d’outre-mer.
D’une part, ces territoires sont touchés par des inégalités de revenus flagrantes.
Le titre de l’étude réalisée par l’INSEE et publiée en juillet 2022 est particulièrement éloquent : « La grande pauvreté bien plus fréquente et beaucoup plus intense dans les DOM ». Concernant les personnes âgées, il y est indiqué des chiffres tout aussi éloquents :
En conséquence de ces inégalités de revenus, la part des ressources issues de pensions de retraite demeure inférieure dans les outre-mer.
À titre d’illustration, à La Réunion, elle est inférieure à 850 euros brut par mois pour 50% des retraités, aboutissant au versement d’une pension 43% plus faible que dans l’Hexagone puisqu’un retraité sur deux perçoit une pension de retraite inférieure à 1 480 euros.
En Guyane, les pensions mensuelles moyennes s’élèvent à 663 €.
À Mayotte, elles sont en moyenne de 282,35 euros, et atteignent les 617 euros au titre d’une carrière complète.
Ce phénomène s'explique également par le fait que l'application de la législation sur les retraites n'est parvenue que tardivement à son régime de croisière dans les territoires d’outre-mer, à partir des années 1960, et que nombre de retraités ont des difficultés à reconstituer des carrières complètes.
Il faut ajouter aux deux remarques susmentionnées un taux de chômage particulièrement élevé.
Ce taux de chômage est la conséquence directe de difficultés structurelles, parmi lesquelles une forte pression démographique, ou bien les problèmes de mobilités pour les actifs éloignés des zones d’emploi.
Est-il normal qu’en Guyane, par exemple, la commune de Maripasoula, de plus de quinze mille habitants, ne soit toujours pas reliée au reste du territoire par la route ?
Au-delà du chômage, les faiblesses de l’offre du marché du travail tendent à favoriser d’autant plus l’activité informelle, qui ne peut être prise en compte dans le calcul des retraites.
En effet, la part de l'économie informelle dans le PIB est outre-mer beaucoup plus importante que dans l'hexagone. Si l’on prend l’exemple de la Guyane, et plus particulièrement de l’Ouest guyanais, qui représente 49% du territoire et où le taux de chômage était quatre fois supérieur à celui de l’hexagone en 2016, une grande partie de l’emploi est informelle. Cette informalité est en partie héritée des modes de vie traditionnels, qui persistent sur le territoire, et s’inscrit dans des secteurs aussi divers que l’agriculture, la pêche, les transports, la construction ou l’orpaillage.
Enfin, il est nécessaire de préciser que le chômage de masse, combiné à un taux de pauvreté particulièrement élevé, impactent directement l’état de santé des populations ultramarines.
Ainsi, dans les années à venir, la croissance du nombre de personnes en perte d’autonomie sera plus forte outre-mer : une hausse de 100 séniors entre 2015 et 2050 se traduira par une augmentation de 28 seniors en perte d’autonomie contre 18 seulement en moyenne nationale. Au cours de cette période, la prévalence de la perte d’autonomie dans les outre-mer augmenterait de 4 % contre seulement 1 % en moyenne nationale.
Pour finir, il apparaît nécessaire de rappeler qu’en outre-mer, les fonctionnaires bénéficient d'une sur-rémunération, c'est-à-dire une majoration de leur traitement brut, justifiée notamment par le différentiel de coût de la vie avec l'Hexagone, qui varie de 40% (Guadeloupe, Guyane, Martinique) à 53% (La Réunion). C’est le cas également de certains contractuels, à l’image des personnels du Centre Spatial Guyanais. Pourtant, cette majoration n’est pas prise en compte dans le calcul de la pension de retraite, générant une baisse de revenu et de pouvoir d’achat impactant économie locale et précarisant ces néo-retraités.
L’ensemble de ces éléments justifient une évaluation fine des situations de ces territoires au regard du système national de retraite, afin que les dispositions soient adaptées à leurs réalités économiques, sociales et culturelles et que l’objectif d’équité prôné par le gouvernement puisse passer de la théorie à la pratique.
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