Publié le 18 novembre 2022 par : Mme Battistel, M. Potier, M. Delautrette, M. Hajjar, Mme Jourdan, M. Leseul, M. Naillet, M. Bertrand Petit, les membres du groupe Socialistes et apparentés.
Pour une durée de quarante‑huit mois à compter de la promulgation de la présente loi et pour les infrastructures reconnues prioritaires pour la décarbonation de l’industrie dans les conditions prévues au I avant l’expiration de ce délai, il est fait application des dispositions suivantes :
I. – Lorsqu’un projet d’adaptation ou de création d’ouvrages du réseau public de transport d’électricité est développé afin de permettre la réduction des émissions d’un ensemble industriel fortement émetteur de gaz à effet de serre, ce projet peut être qualifié d’infrastructure électrique prioritaire pour la décarbonation de l’industrie par arrêté du ministre chargé de l’énergie, sur proposition du gestionnaire du réseau public de transport d’électricité.
L’ensemble industriel fortement émetteur mentionné au premier alinéa est constitué d’une ou de plusieurs installations soumises à l’autorisation prévue à l’article L. 229‑6 du code de l’environnement et dont les émissions conjointes de gaz à effet de serre ont dépassé cinq cent mille tonnes équivalent dioxyde de carbone au cours de l’une des cinq années civiles précédant la date de la demande de qualification du projet en tant qu’infrastructure électrique prioritaire pour la décarbonation de l’industrie.
En raison de l’urgence et de l’intérêt général qui s’attachent à leur développement, les infrastructures électriques prioritaires pour la décarbonation de l’industrie bénéficient des dérogations procédurales prévues aux III à X du présent article. Ces dérogations sont strictement proportionnées aux besoins de ces projets.
II. – La création d’infrastructures électriques prioritaires pour la décarbonation de l’industrie fait l’objet d’une concertation préalable sous l’égide du représentant de l’État dans le département dans lequel se situe le projet.
Cette concertation associe les élus, associations, organisations professionnelles représentatifs des populations concernées. Elle permet une information et une participation du public dans le respect des droits mentionnées aux 1° , 3° et 4° du II de l’article L. 120‑1 du code de l’environnement. Le gestionnaire du réseau de transport d’électricité établit un dossier de concertation qui comprend notamment les objectifs et caractéristiques principaux du projet.
Les dispositions prévues au chapitre premier du titre II du livre premier du code de l’environnement ne sont pas applicables.
III. – L’instruction du projet mentionné au I peut être dispensée de la procédure définie par les dispositions de la section 1 du chapitre II du titre II du livre Ier du code de l’environnement. Cette dispense est accordée par le ministre chargé de l’environnement.
L’autorité compétente, avant d’accorder la première autorisation relative au projet, transmet au ministre chargé de l’environnement et met, selon les modalités prévues à l’article L. 123‑19‑2 du code de l’environnement, à la disposition du public :
1° Le projet de décision dispensant, à titre exceptionnel, le projet de la procédure préalable définie à l’article L. 122‑1 du code de l’environnement et les motifs justifiant une telle dispense ;
2° Un dossier établi par le porteur de projet présentant une analyse des incidences notables du projet sur l’environnement et la santé humaine assortie, le cas échéant, des mesures de compensation qu’il prévoit ;
3° Les raisons pour lesquelles l’application de la procédure définie à l’article L. 122‑1 du code de l’environnement porterait atteinte à la finalité poursuivie par le projet.
Avant la délivrance de la décision de dispense, le ministre chargé de l’environnement informe la Commission européenne du projet de décision et lui communique les informations mises à la disposition du public.
IV. – Les projets d’infrastructures électriques prioritaires pour la décarbonation de l’industrie déclarés d’utilité publique constituent des projets d’intérêt général au sens de l’article L. 102‑1 du code de l’urbanisme.
V. – Lorsque les projets d’infrastructures électriques prioritaires pour la décarbonation de l’industrie sont situés dans le périmètre d’une réserve naturelle nationale ou régionale classée en application de l’article L. 332‑1 du code de l’environnement, les travaux nécessaires à leur réalisation sont dispensés du régime particulier pouvant être mis en place par l’acte de classement prévu à l’article L. 332‑3 du même code et du régime particulier défini dans le périmètre de protection pouvant être mis en place au titre des articles L. 332‑16 et L. 332‑17 du même code.
VI. – Les constructions, installations et aménagements nécessaires à la réalisation des infrastructures électriques prioritaires pour la décarbonation de l’industrie sont dispensés de la délivrance d’un permis de construire prévue à l’article L. 421‑1 du code de l’urbanisme.
VII. – Les infrastructures électriques prioritaires pour la décarbonation de l’industrie sont dispensées de l’approbation par l’autorité administrative prévue par l’article L. 323‑11 du code de l’énergie ainsi que des autres formes d’instruction auxquelles cet article renvoie. Elles sont néanmoins conformes aux réglementations techniques applicables.
VIII. – Les infrastructures électriques prioritaires pour la décarbonation de l’industrie sont dispensées du respect des dispositions du chapitre Ier du Titre II du Livre Ier de la partie législative du code de l’urbanisme lorsque leur localisation répond à une nécessité impérative justifiée par un bilan technique, financier et environnemental.
Les lignes électriques sont réalisées en souterrain, sauf à démontrer que l’enfouissement s’avère plus dommageable pour l’environnement, ou techniquement excessivement complexe ou financièrement disproportionné par rapport au passage en aérien.
La déclaration d’utilité publique ou, à défaut, la première autorisation relative au projet, est refusée si les infrastructures ne respectent pas les conditions prévues au présent article. La déclaration, ou l’autorisation, soumise pour avis à la commission départementale de la nature, des paysages et des sites, peut comporter des prescriptions destinées à réduire l’impact environnemental des infrastructures.
IX. – Les infrastructures électriques prioritaires pour la décarbonation de l’industrie existantes peuvent être exploitées, sans formalité particulière dans toute la plage de variation du niveau de tension pour lequel elles ont été régulièrement autorisées. Cette plage de variation s’apprécie à la date de l’entrée en vigueur de la présente loi.
X. – Les cours administratives d’appel sont compétentes pour connaître, en premier et dernier ressort, des recours juridictionnels formés contre les décisions relatives aux infrastructures électriques prioritaires pour la décarbonation de l’industrie. La liste de ces décisions est fixée par décret en Conseil d’État.
XI. – Lorsqu’une infrastructure électrique prioritaire pour la décarbonation de l’industrie permet le raccordement d’au moins deux installations, et que tout ou partie de cette infrastructure répond à la définition d’un ouvrage d’extension pour le raccordement d’une installation au sens de l’article L. 342‑1 du code de l’énergie, la contribution mentionnée à l’article L. 342‑7 du code de l’énergie est applicable aux demandes de raccordement formulées y compris après la mise en service de ladite infrastructure, pendant une période fixée par délibération de la Commission de régulation de l’énergie sans pouvoir excéder dix ans.
XII. – En raison de l’urgence et de l’intérêt général qui s’attachent à la décarbonation de l’industrie, lorsque la somme des demandes de raccordement excède la capacité d’accueil locale du réseau public de transport de l’électricité, le préfet de région peut déclarer un ou plusieurs demandeurs prioritaires pour l’accès à ce réseau.
Cette décision, prise après avis de la Commission de régulation de l’énergie, est fondée sur les critères suivants :
1° La réduction des émissions de gaz à effet de serre ;
2° Les bénéfices attendus en termes d’emploi et de souveraineté industrielle ;
3° La recevabilité au regard des aides publiques, si de telles aides ont été sollicitées ;
4° La libre disposition de l’emprise foncière ;
5° Le stade d’avancement de l’instruction administrative.
Ce droit d’accès prioritaire s’exerce vis-à-vis des autres demandeurs qui n’ont pas encore conclu la convention de raccordement mentionnée à l’article L. 342‑4 du code de l’énergie et modifie, le cas échéant, leurs conditions d’accès au réseau.
Le présent amendement des députés Socialistes et apparentés et travaillé avec RTE vise d’une part, à créer un régime procédural simplifié en matière d’autorisations administratives, afin d’accélérer le raccordement au réseau électrique des installations industrielles les plus fortement émettrices de gaz à effet de serre et, d’autre part, à permettre aux gestionnaires de réseau d’anticiper certains travaux de raccordement avant d’avoir reçu des demandes des producteurs ou consommateurs. Les mesures proposées permettront ainsi non seulement de raccourcir de plusieurs années les délais de raccordement des industriels déjà engagés dans l’électrification de leurs procédés, mais aussi d’anticiper les besoins futurs en pré-équipant certaines zones.
L’électrification des procédés industriels est un vecteur majeur de décarbonation, en particulier au sein des bassins industriels historiques et des grandes zones industrialo-portuaires (par exemple Dunkerque, Fos, Le Havre). Ce mouvement, largement soutenu par l’État à travers la Stratégie nationale bas carbone et par la Commission européenne, va nécessiter une adaptation massive et surtout rapide du réseau public de transport d’électricité. Or, l’obtention des autorisations administratives nécessaires à l’adaptation du réseau public de transport d’électricité requiert en moyenne, pour les projets de grande ampleur, cinq années d’instruction, avant même de pouvoir commencer les travaux qui s’étendent ensuite sur deux ans et demi en moyenne. Ces délais sont bien souvent supérieurs au temps de développement des projets industriels de décarbonation, ce qui peut retarder leur mise en service et ainsi l’atteinte de l’objectif de neutralité carbone.
L’objectif des mesures proposées étant de permettre la réalisation en urgence de projets industriels nécessaires à la décarbonation de l’industrie, inédits par leur nombre et par leur taille, il est proposé de limiter leur application dans le temps. La durée de 48 mois a été retenue, compte tenu du fait que plusieurs années peuvent être nécessaires aux porteurs de projet pour décider du lancement des projets industriels de décarbonation. Il est proposé que les projets concernés conservent le bénéfice des mesures de simplification au-delà de ce délai de 48 mois, dès lors qu’ils auront été reconnus prioritaires par arrêté ministériel avant l’expiration du délai prévu par la loi.
Il est tout d’abord proposé de créer une qualification spécifique – les « infrastructures électriques prioritaires pour la décarbonation de l’industrie » – applicable aux projets d’ouvrages du réseau public de transport d’électricité nécessaires à l’électrification des installations les plus fortement émettrices de gaz à effet de serre. Cette qualification est strictement encadrée par un critère quantifiable et objectivable : il s’agit des installations industrielles soumises à des quotas d’émissions de CO2 et qui émettent individuellement ou collectivement un volume supérieur à cinq cent mille tonnes équivalent dioxyde de carbone chaque année. Cette qualification sera reconnue au cas par cas par l’État, sur proposition du gestionnaire de réseau public de transport d’électricité et après vérification des critères prévus par la loi.
La qualification d’infrastructure électrique prioritaire pour la décarbonation de l’industrie emporte, ensuite, un ensemble de simplifications procédurales. Celles-ci sont justifiées par l’urgence et l’intérêt général qui s’attachent à la réduction massive des émissions de gaz à effet de serre et aux forts enjeux en termes de croissance économique et de maintien d’emplois industriels sur le territoire national. Elles ne modifient pas les exigences applicables au fond mais permettent d’accélérer les délais d’obtention des autorisations administratives nécessaires, notamment au titre du code de l’environnement et du code de l’urbanisme, au travers de dérogations strictement encadrées et proportionnées aux besoins de chacun des projets.
Sont ainsi prévues :
- une disposition prévoyant une concertation préalable menée sous l’égide du préfet, sans saisine de la commission nationale du débat public. Cette concertation simplifiée et accélérée inclurait à la fois les parties prenantes (élus, associations, organisations professionnelles) et le public. En prévoyant une information et une participation du public en amont de l’autorisation des projets, les dispositions proposées préservent pleinement le principe de participation du public inscrit dans la Charte de l’Environnement et la Convention d’Aarhus ;
- une disposition prévoyant la possibilité, pour le ministre en charge de l’environnement, de remplacer le processus d’évaluation environnementale par une démarche simplifiée d’analyse des incidences environnementales, sur la base d’une transposition en droit national de l’article 2, paragraphe 4, de la directive 2011/92/UE du 13 décembre 2011 concernant l’évaluation des incidences de certains projets publics et privés sur l’environnement, qui autorise un État membre, « dans des cas exceptionnels », à exempter d’étude d’impact un projet spécifique ou à aménager la forme de cette étude. Une transposition de ces dispositions semblerait d’autant plus justifiée que la Cour de justice de l’Union européenne en a déjà admis l’application à des projets énergétiques : elle a en effet considéré comme entrant dans le champ des « cas exceptionnels » prévus par la directive la nécessité d’assurer la sécurité de l’approvisionnement en électricité. Enfin, Dans sa décision n° 2022‑843 DC du 12 août 2022, le Conseil constitutionnel a admis le bien fondé d’un dispositif similaire mis en place par la loi n° 2022‑1158 du 16 août 2022 portant mesures d’urgence pour la protection du pouvoir d’achat, en raison du champ d’application matériel et temporel restreint des mesures dérogatoires mises en œuvre. En l’espèce, les mesures proposées par le présent amendement ne concernent qu’une catégorie restreinte d’ouvrages (ceux permettant le raccordement d’installations industrielles dépassant le seuil de 500 000 tonnes d’émissions annuelles de Co2), leur application est limitée dans le temps (48 mois) et elles sont justifiées par l’urgence climatique. Elles respectent ainsi les exigences de la Charte de l’environnement et du droit de l’Union européenne ;
- une disposition prévoyant que les projets qualifiés d’infrastructures prioritaires pour la décarbonation de l’industrie constituent des projets d’intérêt général au sens du code de l’urbanisme et bénéficient ainsi d’un régime procédural simplifié et accéléré en matière de mise en compatibilité des documents d’urbanisme ;
- une disposition prévoyant un régime simplifié pour le projet lorsqu’il est situé dans le périmètre d’une réserve naturelle nationale ou régionale ;
- une disposition dispensant les postes électriques faisant partie du projet de l’obtention du permis de construire prévu par le code de l’urbanisme ;
- une disposition dispensant les lignes électriques aériennes faisant partie du projet de la procédure d’approbation de projet d’ouvrage ainsi que des consultations prévues par le code de l’énergie ;
- une disposition permettant au projet de déroger à l’ensemble des régimes prévus par la loi littoral. A cet égard, si l’article 16 du présent projet de loi introduit un assouplissement de la loi littoral s’agissant de l’implantation des ouvrages du réseau public de transport d’électricité, cette dérogation est limitée, dans les espaces identifiés comme remarquables (ERL), aux seules « lignes électriques », ce qui exclut, de fait, les dérogations pour les postes électriques. Pour être pleinement effective et ne pas entraver le développement des projets nécessaires à la décarbonation de l’industrie, la dérogation doit s’appliquer à l’ensemble des infrastructures électriques prioritaires pour la décarbonation de l’industrie ;
- une disposition permettant une exploitation des infrastructures prioritaires existantes dans le domaine de tension dans lequel elles ont été régulièrement autorisées, même si les valeurs des domaines de tension ont évolué. Ces domaines de tension sont définis par des textes réglementaires pris en application du règlement (UE) n° 2016/1388 de la Commission du 17 août 2016 établissant un code de réseau sur le raccordement des réseaux de distribution et des installations de consommation ;
- une disposition prévoyant la compétence de premier et dernier ressort des cours administratives d’appel pour l’ensemble des autorisations administratives relatives au projet ;
- Une disposition permettant de répartir le coût des infrastructures électriques prioritaires entre les bénéficiaires des nouvelles capacités ainsi créées, y compris après que l’ouvrage électrique a été mis en service, dans un souci d’équité entre projets industriels, de réduction des charges à couvrir par les tarifs d’utilisation des réseaux et de mutualisation des ouvrages créés, permettant ainsi d’en réduire l’empreinte environnementale. Le bien-fondé d’une telle mesure a d’ores et déjà été admis par la Commission de régulation de l’énergie dans sa décision n° 2022‑260 du 12 octobre, qui relève que, dans les zones industrielles en décarbonation, « La mise en place d’un cadre optimal et pérenne permettant le lancement des études et travaux des ouvrages mutualisés sans attendre toutes les demandes de raccordement, et qui seraient préfinancés par le gestionnaire de réseau avant d’en répercuter les coûts sur les utilisateurs susceptibles d’en bénéficier, nécessite des évolutions des dispositions du code de l’énergie » ;
- Une disposition permettant de garantir que la capacité d’accueil du réseau existante ou créée soit allouée en priorité aux projets industriels de décarbonation les plus avancés et les plus efficaces Or, dans le cadre juridique actuel, dont l’objectif initial était l’ouverture à la concurrence du marché de l’électricité, la capacité disponible est réservée puis allouée au premier arrivé. Cette capacité est par ailleurs cessible, ce qui pourrait alimenter un phénomène de spéculation. Il est ainsi proposé que le préfet de région, en cas de risque de saturation des demandes de raccordement et après avis de la Commission de régulation de l’énergie, puisse accorder un droit d’accès au réseau prioritaire à un projet industriel qui le justifierait.
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