Publié le 9 novembre 2022 par : Mme Garrido, Mme Abomangoli, M. Alexandre, M. Amard, Mme Amiot, Mme Amrani, M. Arenas, Mme Autain, M. Bernalicis, M. Bex, M. Bilongo, M. Bompard, M. Boumertit, M. Boyard, M. Caron, M. Carrière, M. Chauche, Mme Chikirou, M. Clouet, M. Coquerel, M. Corbière, M. Coulomme, Mme Couturier, M. Davi, M. Delogu, Mme Dufour, Mme Erodi, Mme Etienne, M. Fernandes, Mme Ferrer, Mme Fiat, M. Gaillard, Mme Guetté, M. Guiraud, Mme Hignet, Mme Keke, M. Kerbrat, M. Lachaud, M. Laisney, M. Le Gall, Mme Leboucher, Mme Leduc, M. Legavre, Mme Legrain, Mme Lepvraud, M. Léaument, Mme Pascale Martin, Mme Élisa Martin, M. Martinet, M. Mathieu, M. Maudet, Mme Maximi, Mme Manon Meunier, M. Nilor, Mme Obono, Mme Oziol, Mme Panot, M. Piquemal, M. Portes, M. Prud'homme, M. Quatennens, M. Ratenon, M. Rome, M. Ruffin, M. Saintoul, M. Sala, Mme Simonnet, Mme Soudais, Mme Stambach-Terrenoir, Mme Taurine, Mme Taurinya, M. Tavel, Mme Trouvé, M. Vannier, M. Walter.
Supprimer les alinéas 2 à 5.
"Par cet amendement, nous nous opposons aux pratiques d'utilisation de la reconnaissance faciale.
L’article 55-1 du code de procédure pénale prévoit la prise de signalétique par les officiers de police judiciaire en enquête de flagrance, à savoir la photographie du visage et les empreintes digitales, de toute personne « susceptible de fournir des renseignements sur les faits en cause ou sur toute personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner qu'elle a commis ou tenté de commettre l'infraction.»
L’article 55-1 précise que ces opérations sont effectuées lorsqu’elles sont «nécessaires à l'alimentation et à la consultation des fichiers de police selon les règles propres à chacun de ces fichiers ». Même s’ils ne sont pas cités explicitement, les fichiers concernés sont, d’une part, le Fichier automatisé des empreintes digitales (FAED) et le Fichier de traitement des antécédents judiciaires (TAJ) qui contiennent respectivement les empreintes digitales et les photographies des visages des personnes visées ci-avant.
Le FAED prévoit déjà des dispositions réglementaires encadrant les opérations de comparaison des données et d’identification des personnes, et ne semble donc pas être concerné par les modifications apportées par l’article 11.
En revanche, les dispositions législatives et réglementaires encadrant le fichier TAJ ne prévoient ni finalité d’identification (sauf pour les personnes disparues) ni modalité de comparaison de données. En effet, l’objet initial de ce fichier était de recenser des antécédents judiciaires pour les besoins d’enquête. Mais force est de constater qu’en pratique, ce fichier est devenu une base de données tentaculaires utilisée principalement pour identifier n’importe qui dont une fiche aurait été crée au sein de la base de données, et ce, de façon totalement illégale.
En effet, selon un rapport parlementaire des députés Didier Paris et Pierre Morel-À-L’Huissier du 17 octobre 2018, le fichier TAJ comporterait 18,9 millions de fiches, ce chiffre ayant probablement dû augmenter depuis, soit près d’un Français sur trois. Aussi, selon ce même rapport, le fichier comporterait près de 8 millions de photographies de visages de personnes, ce chiffre devant également être réévalué.
Or, cela est trop souvent méconnu mais le fichier TAJ est devenu un outil de surveillance de masse puisqu’il contient un logiciel permettant à la police et à la gendarmerie d’effectuer des opérations de reconnaissance faciale. Les millions de photos qu’il contient peuvent ainsi être comparées à des images issues de flux de vidéosurveillance ou encore des réseaux sociaux. Selon un récent rapport du 10 mai 2022 remis par les sénateurs Marc-Philippe Daubresse, Arnaud de Belenet et Jérôme Durain sur la reconnaissance faciale, cette technologie a été utilisée 498 871 fois par la police nationale et environ 117 000 fois par la gendarmerie nationale durant l’année 2021, c’est à dire plus de 1600 fois par jour.
Pourtant, l’utilisation de ces outils de reconnaissance faciale est totalement illégale en ce qu’elle n’est aucunement encadrée et viole frontalement les règles de protection du droit à la vie privée et des données personnelles, garanties aussi bien par la Constitution que par les textes européens.
Or, les dispositions faisant l’objet de cet amendement de suppression ont pour objet de modifier indirectement les finalités et modalités de ce fichier afin d’y ajouter la «comparaison et l’identification des résultats des opérations de relevés signalétiques», en d’autres terme des opérations de rapprochement et comparaison des photographies.
Cette modification, introduite par la commission des lois du Sénat, vient donc tenter de rendre légitime la technologie de reconnaissance faciale et de compenser l’illégalité de ces pratiques extrêmement dangereuses. Les motifs de l’amendement les ayant ajouté démontrent directement cette intention de « rafistolage » puisque les rapporteurs au Sénat expliquaient vouloir faire « bénéficier de cette simplification les opérations de comparaison des prélèvements signalétiques aux différents fichiers biométriques, dont le régime juridique est actuellement sujet à plusieurs interprétations ».
Non seulement cet ajout ne suffit en rien à pallier l’illégalité de cette pratique, qui fait d’ailleurs l’objet actuellement d’une plainte devant la CNIL, mais n’est pas à la hauteur du débat public, politique et juridique que mérite cette technologie.
Nous demandons donc la suppression de ce passage qui vise uniquement à protéger les pratiques d’utilisation de la reconnaissance faciale, alors que cette technologie devrait être interdite au regard des dangers intrinsèques qu’elle comporte, une telle proposition d’interdiction étant d’ailleurs en passe d’être adoptée au parlement européen.
Cet amendement des député·es du groupe parlementaire LFI-NUPES a été travaillé avec La Quadrature du Net, association de défense des libertés fondamentales dans l'environnement numérique. "
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