Publié le 26 avril 2024 par : Mme Belluco, Mme Pochon, M. Fournier, Mme Arrighi, M. Ben Cheikh, Mme Chatelain, Mme Garin, M. Iordanoff, Mme Laernoes, M. Lucas-Lundy, Mme Pasquini, M. Peytavie, M. Raux, Mme Regol, Mme Rousseau, Mme Sas, Mme Sebaihi, M. Taché, Mme Taillé-Polian, M. Thierry.
Après l’article L. 654‑3‑2 du code rural et de la pêche maritime, il est inséré un article L. 654‑3‑3 ainsi rédigé :
« Art. L. 654‑3‑3 – Un abattoir paysan, fixe ou mobile, est un abattoir dont la gouvernance garantit une place décisionnelle majoritaire et directe aux agriculteurs du territoire, exerçant une activité d’élevage, qui en sont utilisateurs. Il s’approvisionne en animaux issus du bassin d’élevage dans lequel il est situé.
« Les animaux qui y sont abattus :
« 1° sont acheminés directement depuis des exploitations agricoles, sauf exceptions précisées par décret concernant les structures collectives de regroupement ou d’acheminement des animaux, dont le périmètre d’activité ne dépasse pas le bassin d’élevage ;
« 2° ou sont abattus directement dans les exploitations agricoles.
« Les viandes issues d’un abattoir paysan sont exclusivement destinées aux circuits courts. Un abattoir paysan respecte un tonnage annuel maximum et une cadence d’abattage maximum garantissant la protection des animaux et des conditions de travail adaptées, précisés par décret.
« Les modalités d’application du présent article sont définies par décret. »
L’objet de cet amendement est de définir les abattoirs paysans, pour pouvoir par la suite y adosser des politiques volontaristes afin de les développer.
La France compte environ 230 abattoirs d’animaux de boucherie, soit 18 fois moins qu’en Allemagne, 13 fois moins qu’en Autriche ou encore 7 fois moins qu’en Italie. Il existe ainsi un abattoir pour 70 000 unités gros bétail élevées en France, contre un abattoir pour 1 000 à 10 000 unités de gros bétail élevées en Allemagne, en Autriche ou en Italie.
Face au manque de solutions d’abattage, de nombreux éleveurs et éleveuses se sont mobilisés pour maintenir en place des abattoirs ou en créer de nouveaux. Il peut s’agir de la reprise d’abattoirs fixes menacés de faillite ou en faillite (ex : Le Vigan dans le Gard, Guillestre dans les Hautes-Alpes, Rostrenen dans les Côtes d’Armor), de la création de nouveaux abattoirs fixes (ex : Saint-Auban l’Ouvèze dans la Drôme), ou encore de la création d’outils d’abattage mobile ou semi-mobiles – qui est à l’étude dans une vingtaine de
territoires depuis l’expérimentation sur les abattoirs mobiles instaurée par la loi du 30 octobre 2018 pour l’équilibre des relations commerciales dans le secteur agricole et alimentaire et une alimentation saine, durable et accessible à tous, dite « loi EGALIM 1 ».
La participation des éleveurs et éleveuses à la gouvernance, voire au fonctionnement des abattoirs, permet une meilleure adéquation de l’offre d’abattage avec les besoins exprimés sur le territoire (en particulier pour l’approvisionnement des filières territorialisées et des circuits courts) et une réappropriation par les éleveurs et éleveuses de cette phase ultime de l’élevage qu’est la mise à mort des animaux. Dans un contexte de très forte concentration de l’aval de la filière viande (40 % des abattoirs ont fermé au cours des 20 dernières
années en France) et de désengagement progressif de nombreuses collectivités des services d’abattage de proximité, la mise en place d’abattoirs paysans constitue une solution d’avenir pour les territoires d’élevage. On assiste actuellement à une nouvelle phase de concentration de l’abattage par les groupes agro-industriels sous le double effet d’une baisse de la consommation de viande et d’une hausse des cours des animaux vivants.
L’absence de reconnaissance des spécificités de ces abattoirs, gérés par et pour les éleveurs et éleveuses, les met en difficulté, tant au niveau de la reconnaissance de leur rôle pour les territoires que pour la mise en œuvre de réglementations adaptées telles qu’elles existent dans de nombreux pays européens (Danemark, Slovaquie, Estonie, Espagne, Grèce, République tchèque…).
Le rapport prévu par l’article 73 de la loi EGALIM sur l’expérimentation de l’abattage mobile a été remis au Parlement, et montre que l’abattage mobile peut dans une certaine mesure répondre au défaut de maillage territorial en abattoirs. Les abattoirs mobiles sont donc bien inclus dans la définition proposée ici.
L’objectif de cet amendement est de donner une définition législative des abattoirs paysans, afin de doter la puissance publique d’un outil pour piloter son action dans ce domaine et d’impulser l’adaptation de la réglementation actuelle aux moyens et spécificités de ces abattoirs – tel que le permet la réglementation européenne. Et ce, tout en respectant les mêmes exigences en termes de sécurité sanitaire, d’hygiène, de protection animale et de protection de l’environnement que la réglementation générale sur les abattoirs.
Faute d’abattoirs et de stratégie pour réduire la consommation carnée sur notre territoire, nos concitoyens continueront à manger autant de viande, mais de plus en plus difficile à abattre, et donc à produire sur le territoire. Aussi, la relocalisation de l’élevage doit passer par le soutien à un maillage territorial en abattoirs, qui passe par la définition et la promotion d’abattoirs paysans, mobiles et fixes.
Cet amendement a été travaillé avec la Confédération Paysanne.
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