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Gouvernance de la sureté nucléaire et de la radioprotection – application du cinquième alinéa de l'article 13 de la constitution — Texte n° 2300

Amendement N° 3 (Non soutenu)

(5 amendements identiques : 1 4 6 10 11 )

Publié le 7 mars 2024 par : Mme Taurinya.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia 

Texte de loi N° 2300

Article 1er

Supprimer cet article.

Exposé sommaire :

Par cet amendement, le groupe LFI-NUPES propose la suppression de l'article premier et souhaite s'opposer à la réforme du système de contrôle de la sûreté nucléaire ainsi qu'à la réorganisation de la base légale du Haut commissariat à l'énergie atomique qui deviendrait conseiller du Premier ministre à l'organisation du Conseil de politique nucléaire.

Cet article confirme le pouvoir de nomination du président de la République, selon l'article 13 de la Constitution, sur la présidence de l'Autorité de sûreté nucléaire qui devient "Autorité de sûreté nucléaire et de radioprotection". En supprimant ce pouvoir de nomination sur la présidence de l'Institut de sûreté nucléaire et de radioprotection, il acte l'assimilation de l'Institut de radioprotection et de sûreté nucléaire (IRSN), devant disparaître, au sein de l'Autorité de sûreté nucléaire (ASN).

La réforme du système de contrôle de la sûreté nucléaire répond à un objectif principal : "répondre aux attentes en termes de délais et d'efficacité" et "fluidifier" soit accélérer la relance du nucléaire avec moins de contraintes, dans la continuité du discours de Belfort d'Emmanuel Macron. Elle vise donc à adapter la sûreté à la relance du nucléaire. C'est-à-dire à satisfaire les demandes de l'exploitant, qui sont notamment de minimiser les coûts de la sécurité nucléaire dans la poursuite ou le développement de projets, elles-mêmes alignées avec la volonté politique du gouvernement qui est de fournir de l'énergie à bas prix au mépris de la sécurité et de la sûreté nucléaire.

Les logiques politiques, économiques et industrielles primeraient alors sur la sécurité. Il s'agit d'une orientation particulièrement dangereuse. Auditionné, en 2018, par la Commission d'enquête parlementaire sur la sûreté et la sécurité des installations nucléaires, Nicolas Hulot, alors ministre de la Transition écologique et solidaire, déclarait : "La sécurité prime sur tout : vouloir à tous crins un prix de l'énergie bas, quitte à transgresser certaines règles de sécurité, est un mauvais calcul (...). Aucun argument économique ne peut venir interférer dans cette priorité.".

Cette réforme constitue une rupture avec la structuration historique du système dual de sûreté nucléaire, pourtant particulièrement performant. L'exposé des motifs du projet de loi relatif à l’organisation de la gouvernance de la sûreté nucléaire et de la radioprotection pour répondre au défi de la relance de la filière nucléaire reconnaît que "le contrôle de la sûreté nucléaire et de la radioprotection s’est développé et renforcé" selon un "processus d'amélioration continue" après la création de l'IRSN, en 2002, puis de l'ASN en 2006. La pertinence du système actuel pour ce qui est de sa capacité à assurer la sûreté nucléaire du pays n'a fait l'objet d'aucune remise en question dans quelque avis ou rapport que ce soit.

L'indépendance de l'expert est au fondement du système. Elle permet de garantir que l'objectif de sûreté nucléaire est l'unique critère qui guide la construction et la publication de ses avis. Elle permet le développement d'une recherche autonome et de qualité. Cette indépendance bénéficie également à l'information du public et à la transparence, gage de confiance de la société civile envers les acteurs de l'énergie nucléaire. La disparition de l'IRSN est une régression d'ampleur. L'expert sera exposé à un risque majeur : celui de l'intégration dans son action de la volonté du décideur, l'ASN, elle-même teintée de la volonté de l'exploitant. Trop souvent, l'action de l'IRSN est perçue comme un frein étant à l'origine de coûts supplémentaires, comme une instance conduisant le décideur à prendre des décisions plus sévères. Pourtant, elle ne fait que remplir sa mission : alerter sur les risques pour la sûreté nucléaire. C'est l'IRSN qui a alerté sur les problèmes de corrosion sous contrainte pouvant causer des fissures à la centrale de Civaux en 2021. Certains, ne retenant que le coût de l'arrêt des réacteurs qui a suivi, oublient que la sécurité des populations, la préservation de la santé publique et de l'environnement face à un accident nucléaire n'a pas de prix.

Des groupes de travail visant à améliorer la coopération entre l'IRSN et l'ASN, au nombre de 13, ont déjà vu le jour. Ces groupes ont pu identifier des axes d'amélioration allant dans le sens d'une plus grande fluidité des relations entre les deux organismes qui ne nécessitent pas la fusion des deux organismes. Dans ce contexte, il est tout à fait possible de pérenniser leur existence et de se dispenser de cette fusion.

Par ailleurs, la réorganisation de la base légale du Haut-Commissaire à l'énergie atomique (HCEA) est emblématique du resserrement des décisions sur le nucléaire civile et militaire autour de la personne du président de la République. Ce HCEA, placé auprès du Premier ministre, aura pour mission de préparer le Conseil de politique nucléaire (CPN). Cela confirme donc la volonté du gouvernement d'agir dans le secret, hors de tout contrôle démocratique.

Un sujet si important devrait au contraire faire l'objet d'un large débat à l'échelle nationale. De nombreuses instances appellent à cette mise en débat : c'est le cas de l'Association nationale des comités et commissions locales d'information (ANCCLI) qui souhaite une discussion publique à l'échelle nationale sur la prolongation de l'exploitation au-delà de 40 ans des centrales nucléaires ou du Haut comité pour la transparence et l'information sur la sûreté nucléaire qui préconise un renforcement des dialogues techniques de l'Autorité de sûreté et de l'expert avec la société civile.

Nous pouvons par ailleurs douter de l'utilité réelle de ce HCEA devenu conseiller ministériel davantage que conseiller scientifique et technique du Commissariat à l'énergie renouvelable (CEA). Il devrait ainsi être saisi automatique pour rendre un avis sur la Loi de programmation énergie-climat : or, celle-ci n'a toujours pas été publiée avec plus d'un an de retard, et le gouvernement pourrait ne pas respecter son obligation de faire figurer cette programmation quinquennale dans la loi et se tourner vers la voie réglementaire.

Pour toutes ces raisons, le groupe LFI-NUPES propose de supprimer cet article afin de protéger le système de contrôle de la sûreté nucléaire d'une désorganisation certaine et d'endiguer la tendance antidémocratique en matière de politique nucléaire.

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