Projet de loi de finances pour 2024 — Texte n° 1680

Amendement N° AS182C (Sort indéfini)

(7 amendements identiques : CF674C CF673C AS184C AS183C 541C 542C 2702C )

Publié le 2 novembre 2023 par : M. Juvin, M. Ray, Mme Gruet, M. Bazin, M. Dubois, Mme Genevard, Mme Corneloup.

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de Wikipedia 

Modifier ainsi les autorisations d'engagement et les crédits de paiement :

(en euros)
Programmes+-
Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins50 000 0000
Protection maladie050 000 000
Compensation à la Sécurité sociale du coût des dons de vaccins à des pays tiers et reversement des recettes de la Facilité pour la Relance et la Résilience (FRR) européenne au titre du volet « Ségur investissement » du plan national de relance et de résilience (PNRR)00
TOTAUX50 000 00050 000 000
SOLDE0

Exposé sommaire :

Le présent amendement propose de transférer 50 000 000 euros de l’action 02 « Aide médicale d’État » du programme 183 « Protection maladie » vers l’action 14 « Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades » du programme 204 « Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins » qui participe au soutien des mesures du plan soins palliatifs-fin de vie 2021‑2024, en particulier de mieux faire connaître les dispositifs (directives anticipées, personnes de confiance, sédation profonde et continue) et d’outiller des associations d’accompagnement pour faciliter une action d’acculturation des français à préparer leur fin de vie.

Déjà en 2007, la Cour des comptes avait sensibilisé les pouvoirs publics à l’occasion de son rapport public annuel sur « les retards et la lenteur » de la mise en œuvre des démarches palliatives. Elle avait alors appelé à « une politique active » en priorité pour prendre en compte pleinement « la dimension humaine et compassionnelle » de la prise en charge et le développement des « soins palliatifs dans le secteur médico‑social et à domicile ».

Le rapport Sicard remis en 2012 au Président de la République « Penser solidairement la fin de vie » parlait du cloisonnement des institutions et des budgets, d’un manque de cohérence des structures disponibles aboutissant à une inégalité d’accès aux soins palliatifs selon les régions. Compte‑tenu du petit nombre de lits disponibles, le fait d’être accueilli dans un service de soins palliatifs finit par être perçu comme une chance, réservée à un petit nombre. Il est sévère de lire que « tout se passe comme si l’encouragement répété en faveur des soins palliatifs n’était qu’incantatoire ».

En 2015, un autre rapport de la Cour des comptes fait état d’un « recours aux soins palliatifs encore limité ». La Cour considère que les retards sont « loin d’être comblés ». Elle rappelle à l’ordre les pouvoirs publics pour apporter une meilleure réponse aux patients. En effet, elle estime que « l’accès aux soins palliatifs demeure globalement limité, et nettement moins répandu que dans certains pays étrangers. Le développement d’une offre de soins graduée en milieu hospitalier n’a pas permis de résorber les inégalités territoriales. La prise en charge extra‑hospitalière est demeurée le parent pauvre et reste toujours à construire, que ce soit à domicile ou en établissement d’hébergement des personnes âgées dépendantes ».

L’Inspection générale des affaires sociales (IGAS) a inscrit à son programme d’activités 2015‑2016 l’évaluation de l’efficience et de l’efficacité de la prise en charge des soins palliatifs à domicile. Il y est indiqué que soutenir le développement des soins palliatifs à domicile répond à une attente majoritaire des Français, mais ce n’est pas une réalité pour tous. Alors que les structures hospitalières disposent de moyens spécialisés, l’IGAS déplore « un système de soins globalement aveugle lorsqu’il s’agit d’évaluer l’effectivité et la qualité des prises en charge palliative » à domicile. A cela s’ajoute un élément encore plus d’actualité, à savoir le non renouvellement des médecins généralistes et les difficultés de recrutement d’infirmières, d’aides‑soignants et d’auxiliaires médicaux, qui est « une source de préoccupation importante parmi les acteurs de ville en charge des prises en charge palliatives ».

La loi n° 2016‑87 du 2 février 2016, dite loi Claeys‑Leonetti, a confirmé l’importance du droit aux soins palliatifs. C’est même considéré comme une priorité de santé publique. Pourtant, une fois encore, le constat est sévère : « malgré la mise en œuvre de trois plans triennaux consacrés à développer les soins palliatifs, 80 % des personnes malades n’y ont toujours pas accès ». Des disparités importantes étaient signalées : 5 des 26 régions concentrent les deux tiers des unités de soins palliatifs (USP). Il était indiqué aussi la disparité dans le taux d’équipement en lits des unités de soins palliatifs. Des parlementaires s’interrogeaient lors de l’examen de ce projet de loi du fait que la loi de 2005 prévoyant un meilleur déploiement des soins palliatifs n’était pas appliquée et se demandaient si le premier objectif n’était pas déjà une mise en place effective afin de permettre un meilleur recours, une meilleure répartition sur le territoire et une formation plus complète des praticiens.

L’avis 139 du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) publié en septembre 2022 est aussi sans appel. L’une des recommandations est de renforcer les mesures de santé publique dans le domaine des soins palliatifs, vu « la modestie des moyens engagés » jusqu’alors et « la persistance des inégalités d’accès », selon les territoires et les structures. Il est fait état « des situations territoriales inéquitables et hétérogènes selon les structures ». Ce rapport demande l’application d’une « politique résolument volontariste qui n’appelle pas de réforme législative mais qui engage des mesures permettant d’aboutir dans les meilleurs délais à une intégration des soins palliatifs dans la pratique de tous les professionnels de santé et en tous lieux de soins ». Dans ce même avis, on peut lire que : « De notre point de vue, cette évolution ne pourrait être discutée qu’à la condition sine qua nonqu’un certain nombre de prérequis soient d’ores et déjà effectifs :

– la connaissance, l’application et l’évaluation des nombreux dispositifs législatifs existants ;

– un accès aux soins palliatifs et un accompagnement global et humain pour toute personne en fin de vie ».

À la demande du Président de la République, le Conseil économique, social et environnemental a mis en place en décembre 2022 une Convention citoyenne sur la fin de vie. Lors de la remise des conclusions en mars 2023, ses membres ont relayé les préoccupations et le vécu des équipes soignantes et de leurs concitoyens en déplorant « les inégalités d’accès aux soins palliatifs sur le territoire ».

La commission des affaires sociales de l’Assemblée nationale avait décidé en septembre 2022 d’une mission d’évaluation de la loi du 2 février 2016 créant de nouveaux droits en faveur des malades et des personnes en fin de vie, dite « Claeys‑Leonetti ». Lors de la remise du rapport en mars 2023, trois problèmes principaux ont été soulevés dont celui de l’accès insatisfaisant aux soins palliatifs. Le constat est le même que précédemment : si le droit d’accéder aux soins palliatifs a été consacré en 1999 et réaffirmé en 2016, l’accès aux soins palliatifs demeure insatisfaisant, notamment en raison de disparités territoriales. Le Président de la mission, M. Olivier Falorni, a souligné que « nombreuses ont été les personnes auditionnées à indiquer que deux tiers des malades nécessitant des soins palliatifs n’y avaient pas accès ».

A l’époque ministre de la santé, M. François Braun, s’était exprimé sur la fin de vie en affirmant que « la priorité devra être donnée au renforcement de l’existant ». Il demande la consolidation des outils déjà prévus dans les lois et le soutien aux soins palliatifs avant de légiférer.

Malgré les recommandations de tous ces rapports, malgré la mise en œuvre de plusieurs plans nationaux consacrés à développer les soins palliatifs, 80 % des personnes malades n’y ont toujours pas accès. Peut‑on accepter qu’il y ait encore vingt et un départements totalement dépourvus d’unités de soins palliatifs à la fin 2021 ?

D’après le Centre national des soins palliatifs et de la fin de vie en juin 2020, on dénombre seulement 7 500 lits dédiés aux soins palliatifs dans les hôpitaux français - sans compter les lits d’HAD, alors que 150 000 à 200 000 personnes auraient besoin de soins palliatifs en France. L’étude dénonce un manque de personnel formé, d’unités équipées, et des énormes disparités territoriales : si la plupart des départements ont certes plus d’un lit d’Unité Soins Palliatifs (USP) pour 100 000 habitants, 26 départements français ne disposent toujours pas d’un seul lit d’USP.

Pourtant, dès 1999, une première loi « visant à garantir le droit à l’accès aux soins palliatifs » était promulguée : elle était prometteuse. Son article 7 précisait : « Les établissements de santé, publics ou privés, et les établissements médico‑sociaux mettent en œuvre les moyens propres à prendre en charge la douleur des patients qu’ils accueillent et à assurer les soins palliatifs que leur état requiert, quelles que soient l’unité et la structure de soins dans laquelle ils sont accueillis ». L’article L. 1110‑9 du code de la santé publique, reprenant l’article 1er A de la loi de 1999 indique clairement qu’il s’agit d’un droit : « Toute personne malade dont l’état le requiert a le droit d’accéder à des soins palliatifs et à un accompagnement ».

Aussi, le présent amendement d’appel propose d’allouer des moyens supplémentaires pour parvenir à cet objectif.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cet amendement.

Inscription
ou
Connexion