La réunion commence à vingt-et-une heures trente-cinq.
La commission auditionne Mme Agnès Firmin Le Bodo, ministre déléguée auprès du ministre de la santé et de la prévention, chargée de l'organisation territoriale et des professions de santé.
Madame la ministre, nous avons plaisir à vous retrouver parmi nous, dans cette belle commission que vous connaissez parfaitement bien, puisque vous lui avez beaucoup apporté lors de la précédente législature.
Nous poursuivons ce soir nos travaux sur le projet de loi de finances (PLF) pour 2023, avec l'examen des crédits de la mission Santé, qui sont à l'ordre du jour de la séance du 3 novembre 2022.
Permettez-moi, en préambule, de vous faire part de mon immense plaisir d'intervenir devant la commission des affaires sociales, à laquelle j'ai été très fière d'appartenir. Pour avoir été des vôtres, durant cinq ans, je mesure l'exigence du mandat de parlementaire et, oserais-je le dire, particulièrement dans cette commission qui m'est chère.
La commission des affaires sociales est celle qui s'attache à protéger les personnes au quotidien, dans leur complexité, de leur naissance à leurs derniers instants. Les débats y sont souvent vifs, parce qu'ils traitent de l'humain jusque dans son intimité, mais toujours de haute tenue. Je m'efforcerai d'apporter à la représentation nationale toutes les informations en lien avec la fonction que j'ai l'honneur d'occuper, au sein du ministère de la santé et de la prévention.
La mission Santé se compose, à compter de 2023, de trois programmes, placés sous l'autorité de François Braun, le ministre de la santé et de la prévention. Il s'agit du programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins, dont est responsable le directeur général de la santé. Les deux autres programmes sont placés sous la responsabilité du directeur de la sécurité sociale. Ce sont les programmes 183 Protection maladie et 379. Ce dernier, créé en 2023, vise à compenser à la sécurité sociale le coup des dons de vaccins à des pays tiers et à reverser les recettes de la Facilité pour la relance et la résilience européenne perçues dans le cadre du plan national de relance et de résilience (PNRR) au titre du volet investissement du Ségur de la santé.
Le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins a pour finalité d'améliorer l'état de santé générale de la population. Il s'agit de réduire les inégalités sociales et territoriales de santé, avant la mise en place de plans et de programmes pilotés au niveau national. La sécurité sanitaire est également un champ important du programme pour garantir la protection de la population face à des événements sanitaires graves, la pandémie de covid-19 par exemple.
Trois objectifs figurent dans ce programme. Le premier est de prévenir le développement de pathologies le plus en amont possible, comme le permet la campagne de vaccination contre la grippe. Le deuxième est d'assurer à tous un égal accès aux soins, sur l'ensemble du territoire, à l'image du soutien apporté à l'agence de santé de Wallis-et-Futuna. Le troisième est de préparer, de coordonner et de piloter les opérations de gestion de crise sanitaire, en lien avec l'ensemble des institutions et opérateurs impliqués, en anticipation stratégique des risques. Le financement du système d'information, qui concourt à la mise en œuvre, au suivi et au pilotage de la campagne vaccinale contre la covid-19, illustre ce troisième objectif.
Depuis la loi de finances pour 2021, l'ensemble des crédits alloués à la politique de prévention menée par l'État, l'assurance maladie et les collectivités territoriales, fait d'ailleurs l'objet d'une annexe dédiée, dite « jaune » budgétaire. Les exercices 2020, 2021 et 2022 ont été fortement marqués par la gestion de la crise du covid-19.
L'année 2023 devrait être une période de transition, même si de grands événements sportifs, en particulier la Coupe du monde de rugby à l'automne, justifient d'ores et déjà de réfléchir aux mesures de prévention à mettre en œuvre. La réflexion se poursuivra quant à la contribution de chaque opérateur aux efforts requis par la programmation pluriannuelle 2023-2027 des finances publiques.
Le programme 183 Protection maladie est mis en œuvre dans des situations qui relèvent de la solidarité nationale, en complément des politiques de sécurité sociale. Il contribue, essentiellement, à financer l'aide médicale de l'État (AME), dont la gestion est assurée par la Caisse nationale de l'assurance maladie. Destinée aux publics les plus défavorisés, cette aide vise un objectif à la fois humanitaire et sanitaire.
L'AME de droit commun a été instaurée en 2000. Elle assure la protection des personnes étrangères démunies qui vivent en France en situation irrégulière et qui ne peuvent pas être prises en charge par la protection universelle maladie. Elle protège les personnes concernées en leur permettant d'accéder aux soins préventifs et curatifs. Elle joue ainsi un rôle important en matière de santé publique, en évitant que des affections contagieuses, non soignées, ne se propagent. Enfin, elle permet une prise en charge des malades en amont, ce qui évite les surcoûts liés à des soins retardés ou pratiqués dans l'urgence.
Depuis 2020, le Gouvernement a mis en place des mesures destinées à accentuer les efforts fournis en matière de gestion des dispositifs et de régulation de leurs dépenses. Il s'agit en outre de renforcer les contrôles dans le cadre de programmes d'action ambitieux. Les projets de centralisation de l'instruction des demandes d'AME et de traitement des factures de soins urgents ont ainsi renforcé l'efficience des dispositifs, en dégageant des gains financiers, grâce à une gestion plus efficace.
D'autre part, la lutte contre les abus et les détournements du dispositif a été renforcée, afin de veiller à la juste attribution de l'AME et d'en garantir l'accès aux seuls ayants droit. Pour cela, plusieurs actions ont été engagées : obligation de déposer une demande d'AME, en personne, à la caisse primaire d'assurance maladie (Cpam) ; détection des dissimulations de visas grâce à l'outil Visabio, qui permet de vérifier si les demandeurs ne disposent pas de visa, auquel cas ils seraient en situation régulière et, donc, non éligibles à l'AME ; application d'un délai d'ancienneté à l'AME de neuf mois pour la délivrance de certaines prestations programmées ; demande d'un accord préalable au service du contrôle médical de la Cpam pour les cas les plus urgents. L'année 2023 sera consacrée au suivi de ces mesures de renforcement des contrôles.
Le programme 183 finance également le Fonds d'indemnisation des victimes de l'amiante (Fiva). Créé en 2001, cet établissement public administratif assure la réparation des préjudices subis par les victimes de l'amiante. La nocivité de ce matériau a été mise en évidence par des études scientifiques, notamment par un rapport de 1996 de l'Institut national de la santé et de la recherche médicale (Inserm). Son utilisation a été interdite en 1997.
Le Fiva est l'organisme d'indemnisation complémentaire pour les victimes reconnues atteintes d'une maladie professionnelle. C'est aussi l'unique organisme qui indemnise les personnes ne bénéficiant pas d'une couverture contre les risques d'accidents du travail et les maladies professionnelles. C'est le cas notamment de celles qui souffrent de pathologies causées par une exposition domestique ou environnementale à l'amiante.
Enfin, le programme 379, créé par le PLF 2023, va permettre à l'État de reverser à la sécurité sociale les crédits européens perçus dans le cadre du PNRR, au titre du volet investissement du Ségur de la santé. L'année prochaine, une somme de 1,13 milliard d'euros sera ainsi versée aux établissements de santé et aux établissements médicaux sociaux. Ce programme ne porte donc pas, en tant que tel, de politique publique.
Les trois programmes que je viens d'évoquer participent pleinement, en complément des crédits mobilisés dans le cadre de la loi de financement de la sécurité sociale (LFSS), à la mise en œuvre de la politique globale de santé. Politique dont les objectifs sont de développer la prévention, d'assurer la sécurité sanitaire et d'organiser une offre de soins de qualité, accessible à l'ensemble de nos concitoyens.
La désertification médicale et les difficultés d'accès aux soins constituent une préoccupation majeure des Français. Notre système hospitalier est gravement malade et se dégrade depuis des décennies. Dans le même temps, le tissu de médecine de proximité, dans les villes et les villages de France, se délite.
Les Français se heurtent à des difficultés quotidiennes, du simple problème d'ordonnance au renoncement aux soins. Faute de service de proximité, faute de moyen pour y accéder, faute de médecin sur leur territoire, de nombreux Français subissent le recul des services de soins. Ce qui peut parfois avoir des implications très graves, comme la perte de chances d'être pris en charge pour une maladie qui aurait dû être traitée plus tôt.
Le sentiment d'abandon en la matière correspond à un abandon réel. La colère de la population est palpable. Ainsi, dans ma circonscription, une manifestation historique pour sauver les services hospitaliers de Langres a réuni, en juin dernier, plus de 2 000 personnes, alors que la ville compte un peu plus de 7 000 habitants. Cet exemple témoigne de l'urgence criante de la situation.
Mais avant de poursuivre sur ce sujet central, voici un avis concernant les crédits de la mission Santé du PLF 2023. Les crédits basés sur des indicateurs généralistes ne tiennent pas compte des spécificités et disparités sociales et territoriales.
Le programme 204 Prévention, sécurité sanitaire et offre de soins est en augmentation, grâce surtout à la progression des crédits pour la prévention des risques liés à l'environnement et à l'alimentation et pour la préparation des crises sanitaires. Si ces deux objectifs sont importants, trop peu d'éléments se trouvent dans les documents budgétaires pour que l'on puisse véritablement comprendre à quelles mesures concrètes ces crédits seront consacrés.
Le programme 183, qui recouvre principalement les dépenses liées à l'AME, est en augmentation de plus de 12 %. La hausse de l'AME est supérieure à celle de l'ensemble de la mission Santé. Le nombre de bénéficiaires de l'AME était de plus de 380 000 en 2021, contre 208 974 en 2011 – soit une augmentation de 82 % en dix ans. Dans ces conditions, il paraît nécessaire de remettre en cause la prise en charge de certains soins composant le panier de l'AME : dentaire, obstétrique, gynécologie, optique, etc.
Il apparaît indispensable de réformer cette aide, dont la vocation a été largement dévoyée, pour revenir à son objectif initial. C'est-à-dire apporter uniquement des soins à caractère urgent et lutter contre les maladies contagieuses, importées de l'étranger, afin de protéger les Français et la santé publique. En 2021 d'ailleurs, la Cour des comptes avait déjà alerté sur l'augmentation exponentielle de l'AME. Au-delà des montants, la dimension de contrôle est largement suffisante. Seuls 14 % des dossiers d'AME sont aujourd'hui contrôlés et aucune augmentation n'est prévue à cet égard.
Les comptes publics doivent bénéficier d'une bonne lisibilité, comme la Cour des comptes le recommande. Or l'ajout du programme 374, qui traite du remboursement à l'assurance maladie du coût des dons de vaccins à des pays étrangers, ne facilite pas la bonne lecture de l'évolution des crédits de la mission Santé. Il fait plus que doubler, artificiellement, la masse des crédits affectés à cette mission.
Avis défavorable, donc, sur les crédits de cette mission Santé, car ils ne correspondent pas, pour l'essentiel de ce budget, aux demandes et aux besoins de nos compatriotes.
Les Français nous hurlent leur désarroi, quant à l'accès aux soins dans de nombreux territoires. Le Gouvernement doit les écouter. Lors des auditions que nous avons effectuées, de nombreux constats ont été partagés, de nombreuses pistes de solutions ont rencontré une forme de consensus. Le temps du constat est maintenant révolu. Il est temps de passer à l'action.
Le constat chiffré, d'abord, est sans appel. En France, il y a 87 médecins pour 100 000 habitants, mais avec de très fortes disparités territoriales. La moitié des médecins ont plus de 60 ans. Ce sont 6 millions de Français qui n'ont pas de médecin traitant, alors que 10 % d'entre souffrent d'une affection de longue durée (ALD). Des milliers de nos concitoyens renoncent aux soins chaque année. Il y a une rupture d'égalité entre les territoires dans l'accès aux soins, rupture grandement due à la métropolisation des services de santé. Cela conduit souvent à des différences d'espérance de vie.
Les problématiques d'accessibilité aux soins doivent être évaluées au niveau départemental ou en fonction des bassins de vie, et non au niveau national, ni même régional. Le renoncement aux soins est plus fréquent chez les personnes modestes qui se trouvent dans une zone de faible densité médicale, où les risques de mortalité sont plus élevés.
La télémédecine est une solution très partielle et insuffisamment efficace. C'est un outil parfois utile, notamment pour la télésurveillance postintervention ou pour les consultations simultanées avec des spécialistes. Mais le lien social et humain avec un professionnel de santé reste primordial. Plus globalement, c'est la revalorisation des professions médicales qui permettra de renouer avec l'attractivité les métiers de la santé.
Parmi les solutions à développer, il nous faut agir sur les déterminants de l'installation des médecins. Le premier d'entre eux est le lien avec la zone d'installation. Or les étudiants en médecine sont très urbains et majoritairement issus de classes moyennes supérieures. Deuxième déterminant : la présence de services publics et d'infrastructures médicales, qui participent à l'attractivité d'un territoire.
Il faut aussi agir contre l'éloignement des lieux de formation et des territoires, grâce notamment à un recours accru aux stages. Les stages pratiques de formation peuvent être développés bien en amont dans le cursus, dès les premières années d'études. Les étudiants y sont favorables. On constate, en revanche, un décalage entre le nombre, suffisant, d'étudiants qui souhaitent effectuer leur stage en zones sous-dotées et le nombre, insuffisant, de maîtres de stages volontaires dans ces territoires. Pour inciter les médecins à devenir maîtres de stage, il faut valoriser la mission, essentielle, de transmission du savoir et de pratiques empiriques.
L'augmentation des moyens donnés aux étudiants pour se déplacer – indemnité de transport – et pour se loger lorsque les stages sont éloignés des lieux de formation, est également une solution. Comme peut l'être l'ouverture de centres de formation dans les zones moins bien dotées.
Quant à l'ajout d'une quatrième année d'internat en médecine générale, proposé par le Gouvernement, il n'a d'intérêt que si cette année supplémentaire profite prioritairement aux zones dans le besoin.
Pour les médecins en exercice, il faut poursuivre la libération du temps médical, grâce notamment à la délégation de tâches aux infirmiers en pratique avancée et aux assistants médicaux. On doit également poursuivre les mesures d'exonération et de cumul emploi et retraite, afin que les médecins retraités n'aient plus à acquitter les cotisations de retraite qui ne leur ouvrent aucun droit. Il importe encore de fixer les conditions de préavis après le départ d'un médecin en zones sous-denses.
Enfin, pour ce qui est du mode de régulation des médecins, sommes-nous encore dans un temps où l'incitation suffit ou devons-nous, au vu du degré d'urgence, introduire des dispositifs plus contraignants pour une période provisoire comme celle, sensible, qui court de 2022 à 2030 ? Si la suppression du numerus clausus a été positivement accueillie, elle doit être nécessairement assortie d'un mode de régulation territoriale, pour inciter à l'installation dans les zones qui ont le plus besoin et pour aboutir à une répartition géographique maîtrisée.
Ce débat doit être posé sans tabou, c'est pourquoi cet avis budgétaire liste les nombreuses idées et pistes de solutions à court, à moyen et à long termes, qui ont été évoquées lors des auditions.
De nombreux Français n'ont plus accès aux soins minimaux dans les déserts médicaux, qui concernent beaucoup de territoires. Les Français sont pourtant censés être les premiers bénéficiaires de la solidarité nationale qui, par définition, doit être nationale. Financer des soins au titre de l'AME pour plus de 1 milliard d'euros – un montant en augmentation –, cela au bénéfice d'étrangers clandestins qui violent notre droit, constitue un choix politique très contestable. La générosité de la France ne peut se faire au détriment de nombreux nationaux, qui ont tous droit à un accès aux soins de qualité et de proximité.
Lorsque le pays n'exerce plus totalement cette mission de santé publique et de protection de la vie des Français, par renoncement, par choix ou par incompétence, alors l'État a failli gravement et met en danger nombre de nos concitoyens.
Être Français est une chance, un privilège, qui implique un certain nombre de droits auxquels nos concitoyens peuvent prétendre. Les Français cotisent et paient des impôts pour avoir accès aux soins. Et ils nous élisent pour les défendre.
Endiguer la désertification médicale, avec rapidité et efficacité, est un impératif. Le Gouvernement n'a plus le droit à l'erreur. Il faut réduire cette fracture médicale, dont sont durement victimes les zones périphériques. Il faut mener des politiques de rééquilibrage, en privilégiant une logique de bassin de vie et non de métropolisation des services publics. C'est une question de justice territoriale.
Concernant le mode de régulation et d'installation des médecins, qui ont une mission de service public à assurer, de nouvelles actions d'incitation maximale sont nécessaires. À défaut, nous nous dirigerons inéluctablement vers un système de coercition, qui n'est pas souhaitable.
La France est, malheureusement, un pays en voie de tiers-mondisation médicale. Des milliers de femmes et d'hommes y renoncent, chaque année, à se soigner. Au nom de la protection de la santé de tous les Français, imagine-t-on un « quoi qu'il en coûte » contre la désertification médicale, des mesures contraignantes temporaires pour installer des médecins en zones sous-dotées ?
Pour assurer la bonne coordination des services au plus près des réalités, l'État doit faire confiance aux communes, aux départements et aux acteurs locaux de la santé. L'enjeu est de sauver notre système de santé et notre tissu territorial d'offre de soins.
C'est impératif, c'est urgent et les Français nous le demandent.
Les crédits de la mission Santé s'élèvent cette année à 3,36 milliards d'euros, soit une augmentation de plus de 159,44 % par rapport aux crédits ouverts l'an dernier. Cette hausse est celle des programmes 183 et 204, mais s'explique principalement par la création du programme 379, qui n'appelle pas de remarques particulières.
Sur le programme 183, concernant l'AME et le Fiva, on remarque la progression d'un budget essentiel, pour des raisons humanitaires, sanitaires et économiques. L'AME répond à la solvabilité d'une demande de soins qui doit être honorée, en respect des conventions humanitaires européennes et internationales, qui constituent le droit universel à la vie et à la santé. Cette augmentation est en large partie due, comme le note le rapporteur, à un effet de rattrapage des soins, à la suite de la crise sanitaire, mais aussi à une hausse des tarifs hospitaliers et à une augmentation du point d'indice.
Sur ce sujet, on a tout à fait le droit d'être dans l'opposition par principe. On peut aussi regarder de manière pragmatique les conditions d'accès à l'AME, mieux encadrées depuis la réforme de 2019. Sont ainsi vérifiés, désormais, les conditions de ressources, de séjour, d'octroi et de renouvellement ainsi que le périmètre réel de la prise en charge des soins. On peut aussi voir le nombre de dossiers contrôlés. Nous pouvons et nous devons débattre, comme nous le faisons chaque année. Et il faudra pouvoir tirer un bilan sur cette réforme.
S'agissant du programme 204, celui-ci n'épuise pas à lui seul le financement de la prévention par l'État, qui se retrouve dans vingt-quatre programmes recensés par le « jaune » budgétaire Prévention en santé. C'est bien là la transcription de la formule : la santé dans toutes les politiques ! Ce programme complète également, avec une augmentation non négligeable des crédits de certaines actions, les dépenses de l'assurance maladie. Remarquons d'ailleurs que certains amendements dont nous allons discuter relèvent bien du projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLFSS) et non du PLF.
La Cour des comptes le rappelait dans un rapport publié il y a un an : le problème n'est pas tant le niveau de financement de la prévention que la multiplication des circuits de financement, et donc des circuits de décision. Cette situation nuit à l'organisation de la politique et, partant, à son efficacité. Madame la ministre, peut-on espérer, à moyen terme, une restructuration du mode de financement de la prévention et espérer une pluriannualité de ce financement ?
Ma deuxième question concerne la subvention pour charges de service public à l'Institut national du cancer (Inca). Les crédits et le plafond d'emplois de l'Inca sont les mêmes que ceux votés en 2022. Seront-ils suffisants, alors que la nouvelle stratégie décennale appelle au lancement d'un nombre important de mesures, soit quarante-deux en 2023 ?
Enfin, nous sommes quelques-uns à nous inquiéter de la situation de l'Établissement français du sang (EFS). L'EFS fait face, notamment, à des pénuries de professionnels, qui peuvent affecter les réserves de sang, déjà sous forte tension. Comment le Gouvernement entend-il soutenir l'EFS ?
Au-delà de ces questions, les crédits de la mission Santé étant essentiels à notre politique de prévention et de protection des plus fragiles, je ne doute pas que nous nous retrouverons sur le vote de cette mission. Le groupe Renaissance votera ces crédits.
Le Conseil économique, social et environnemental pilote depuis la mi-septembre une convention citoyenne sur la fin de vie, sujet ô combien complexe. Les lois de 2005 et de 2016 concernant le droit des malades et la fin de vie défendent les principes de non-abandon, de non-souffrance et de non-acharnement. Elles permettent d'accompagner des personnes en fin de vie, mais n'autorisent pas à donner la mort.
La vie humaine est la valeur suprême de notre civilisation. On ne peut pas nier, cependant, la demande sociétale de légalisation de l'euthanasie, même si sa mise en pratique est loin d'être simple.
Le manque de moyens dans les services de soins palliatifs entraîne une inégalité d'accès à un accompagnement de qualité en fin de vie. Il fait prioritairement améliorer cette prise en charge. Les soins palliatifs doivent pouvoir offrir à chacun des conditions de vie dignes au soir de l'existence. Or vingt-six départements ne disposent toujours pas de tels services. Seulement 100 000 personnes peuvent en bénéficier, alors que 300 000 en ont besoin.
Les lois qui existent apportent des solutions aux angoisses de nos concitoyens. Elles permettent de « démystifier » la fin de vie et de faire confiance aux soignants. Mais ces lois peinent à devenir effectives, car les moyens de développement des soins palliatifs ne sont pas mis en place.
C'est la crainte de la souffrance qui a, pour beaucoup, justifié la demande d'aide à mourir. Aujourd'hui, cette demande fait place à une revendication idéologique de respect du libre-arbitre et de droit de disposer de soi-même, jusque dans les conditions de sa propre mort. Si le respect de la dignité est souvent avancé pour justifier cette demande d'aide à mourir, peut-on réellement apprécier cette dignité à l'aune de l'autonomie apparente d'une personne ? Doit-on estimer qu'une personne très dépendante n'est plus digne de vivre ?
Organiser la mort d'une personne pour répondre à son manque d'autonomie n'est-il pas dangereux pour la communauté ? Le risque n'est-il pas de créer une société qui ne protège plus les plus vulnérables ? L'aide à mourir doit-elle être intégrée au champ de soins ? Demander aux soignants de provoquer la mort n'est-il pas contraire à l'esprit même de leur métier ? Et dès lors, quelle place donner à l'accompagnement des malades ? La crainte sera alors de les enfermer dans une solution unique ; la relation de confiance qui existe entre le patient et le soignant en sera faussée.
L'interdit de tuer permet au malade d'exprimer son hésitation entre son désir de mourir et celui de vivre. Quand un malade arrive en soins palliatifs et qu'il exprime son souhait d'en finir, l'équipe accueille ce souhait en s'interrogeant sur la demande sous-jacente. Les témoignages révèlent que la plupart des malades n'ont, en réalité, pas envie de mourir.
Nos concitoyens veulent être plus autonomes, plus libres et pouvoir décider de leur propre fin. Certains soignants pensent cependant qu'il y a un risque à considérer que provoquer intentionnellement le décès d'une personne est un geste médical.
Madame la ministre, pensez-vous qu'il soit possible d'élaborer une approche de la fin de vie qui concilie la demande de la société et la crainte de certains personnels soignants ?
Le 12 mars 2020, Emmanuel Macron nous disait : « Ce que révèle cette pandémie, c'est que la santé gratuite, sans conditions de revenus, de parcours ou de profession, notre État-providence ne sont pas des coûts, des charges, mais des biens précieux, des atouts indispensables quand le destin frappe. » Je crois qu'en 2020, et on peut tous être d'accord, Emmanuel Macron avait les bons mots. Il était en phase, en vérité, avec ce que demandait la population. Et d'ailleurs, si pour beaucoup de soignants le covid-19 a été un moment de souffrance, il a aussi été un moment d'immense espoir. L'espoir d'un État qui se préoccuperait enfin de la santé. Fini le Président qui vient expliquer aux soignants qu'il n'y a pas de problème de financement, mais que ce ne sont que des problèmes d'organisation. Fini le Président qui, lorsqu'il dit aux médecins qu'il compte sur eux, ces derniers peuvent lui répondre : « vous pouvez compter sur nous, mais l'inverse reste à prouver... ».
Mais bon, comme le disait Clemenceau, on ne ment jamais autant que durant les guerres ou les élections. Ça tombait bien, on était en guerre et pas très loin des élections. Et donc, que s'est-il passé depuis ces bons mots ? Les soignants ont tenu, ou tenté de tenir, et le Gouvernement a trahi. Oui, il a trahi et, collectivement, tous ses membres ont trahi.
Que s'est-il passé depuis 2020 ? Les plans hospitaliers n'ont pas cessé ; les restrictions budgétaires existent encore ; les soignants sont dégoûtés et finissent par partir vers le libéral, l'intérim, voire par changer de métier. D'ailleurs, Olivier Véran nous a même expliqué, dans Le Journal du Dimanche, qu'il allait contacter Pôle emploi pour essayer de les convaincre de revenir. À tel point qu'en octobre 2021, avant un autre pic de l'épidémie, le Conseil scientifique faisait état de 20 % de lits fermés faute de soignant. D'ailleurs, même sur les réanimations, qui étaient la variable d'ajustement du confinement – plus elles étaient saturées, plus on était confinés –, la Cour des comptes expliquait qu'entre juillet et octobre 2020, elle n'avait pas relevé de décision annonciatrice de modification structurelle pour les soins critiques. Et qu'aucune décision n'avait été prise qui pourrait indiquer que les pouvoirs publics envisageaient une évolution.
Sur les autres services, ce n'est guère mieux : les lits d'hospitalisation complète ferment, comme le confirment les chiffres de la direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (Drees), qui ont été rectifiées ensuite : 4 900 lits supprimés en 2020 et 4 300 lits supprimés en 2021. Ce sont les chiffres de la Drees, donc de votre ministère...
Aujourd'hui, que préparez-vous ? Des économies et des concertations. Des économies, comme si nous n'avions pas eu de covid-19, pas eu de fermeture des urgences cet été, comme si tout s'était bien passé. Alors qu'il a été expliqué à la Commission des comptes de la sécurité sociale qu'il faut augmenter l'objectif national de dépenses d'assurance maladie (Ondam), de 4 % par an, pour suivre l'évolution des besoins, on nous propose, dans la programmation budgétaire pour 2024-2025, de passer sous les 3 %. Traduction : premièrement, vous sous-investissez dans l'hôpital ; deuxièmement, vous économisez sur l'hôpital et sur la santé.
Mais nous avons de la chance puisque, en parallèle, il y a le Conseil national de la refondation (CNR). Après avoir acté le budget, après avoir préparé votre budget de la sécurité sociale, après avoir avoué que vous alliez utiliser l'article 49, alinéa 3, vous menez des concertations ! Vous concertez, après avoir décidé de tout. Tout est déjà gravé dans le marbre et vous voulez faire croire aux gens qu'on peut encore discuter.
Pour éviter ces discussions qu'à mon avis, de toute façon, vous n'avez pas tellement envie d'avoir, mon groupe politique a organisé, cet été, le recueil de doléances dans quatre-vingts établissements de santé. L'opération, qui s'appelait « Allô Ségur », nous a permis de recueillir cinq cents témoignages. Je vous livre les résultats, pour nous faire gagner du temps.
Les deux tiers des soignants sont soumis à des risques psychosociaux. Les soignants font leur métier, mais ils ont souvent l'impression de maltraiter les gens. Il y a une perte de sens. Certains nous expliquent qu'ils passent leur temps à s'excuser, parce qu'ils n'ont pas le temps de s'occuper des patients. À Limoges, il n'y a pas si longtemps, une personne a passé quatre-vingt-seize heures sur un brancard. On nous raconte que des chimiothérapies sont déprogrammées au dernier moment. Imaginez le stress que cela peut provoquer ! Je pourrai vous faire parvenir le rapport si vous le souhaitez...
Plutôt que de mener des concertations, j'aimerais retrouver le François Braun de 2019, que je vous cite : « Un plan Macron pour les urgences s'impose [...] , pour que les urgentistes ne soient plus les funambules d'un système de soins abandonnique, pour que l'hôpital public retrouve sa place en tant que pilier de la République. L'avant-garde de l'hôpital et souvent du système de soins vous alerte sur cette nécessité historique. L'hôpital public brûle à petit feu, les soignants sont sacrifiés sur l'autel d'une finance aveuglée par l'activité et une tarification désuète. »
Si jamais vous retrouvez le François Braun de 2019, ramenez-le nous, nous en aurions bien besoin...
Il faudrait que l'on comprenne, dans notre pays, que si la santé c'est l'hôpital et les systèmes de soins, c'est aussi la qualité de l'air que l'on respire, de l'alimentation que l'on mange, de l'eau que l'on boit. Elle dépend aussi de la présence ou non de phtalates dans notre environnement.
Tout le monde le dit, il vaut mieux prévenir un cancer que d'essayer, ensuite, de le guérir. Pourtant, quand on voit les chiffres du programme de prévention, on est très troublé. S'il augmente de 1,56 %, en réalité et compte tenu de l'inflation, il baisse. Les moyens qui sont mis à disposition sont trop faibles. Or, il faut vraiment mettre l'accent sur la prévention, car sinon notre système curatif n'y arrivera pas.
Pour ce qui est de l'AME, son caractère massif et son augmentation inexorable – + 155 % en quinze ans – sont préoccupants. Il est vrai que quelques mesures ont été prises, mais elles ne sont pas structurelles. Nous allons faire des propositions en ce sens, car l'augmentation de l'AME absorbe la quasi-totalité du budget, si l'on met de côté les crédits sur les vaccins, opération d'ordre entre le budget de l'État et le PLFSS. L'AME, c'est 83 % du budget dont nous discutions ce soir. Il faut la réformer.
Il faut évidemment se préoccuper des fraudes, vous l'avez dit. Mais nous n'y arriverons pas si nous n'aidons pas massivement les pays d'origine des personnes qui sont en situation irrégulière, si nous n'aidons pas massivement leurs hôpitaux. Si nous ne le faisons pas, nous continuerons à avoir une immigration de recherche de soins, fort légitimement d'ailleurs, parce que les gens veulent se faire soigner. Et puis il faut faire de la prévention. Je suis très frappé qu'il n'y ait pas de consultation de prévention à l'entrée dans le système. Cela fera l'objet d'amendements que nous allons proposer.
Il faut également évoquer tout ce qu'il n'y a pas dans ce projet de budget. Commençons par la question du covid long. Il s'agit probablement de l'épidémie qui nous menace et qui, en réalité, est déjà présente, même si nous ne la voyons pas. En France, on a cette particularité de ne pas mesurer les choses. Les Britanniques, eux, le font. Ils ont ainsi mesuré que 1,8 million de leurs concitoyens souffraient d'un covid long à trois mois, et 800 000 d'un covid long à un an. Il y a donc 800 000 Britanniques qui supportent des séquelles qui les empêchent de reprendre une activité normale. Ce n'est pas seulement un problème de santé, c'est aussi un problème social. Et c'est même, quasiment, un problème économique. En ce qui me concerne je ne sais pas, en tant que médecin, où envoyer un covid long. Il faut vraiment se préoccuper de ce problème.
Ce budget n'aborde pas non plus la question de la rémunération des professionnels la nuit et le week-end. C'est ce qu'on appelle la permanence des soins. François Braun a pris une très bonne mesure cet été en doublant la rémunération des professionnels de santé pendant ces périodes. Il ne faut surtout pas arrêter, car il s'agit d'un point crucial quant à l'acceptabilité de la dureté du métier.
Rien sur les soins palliatifs, alors que l'on va ouvrir le débat sur l'euthanasie, rien sur les déserts médicaux ou encore sur la santé mentale. Il y a quelques années, on a imaginé l'Inca et ça a bouleversé la prise en charge des cancers. Il faut aujourd'hui imaginer un dispositif similaire pour la santé mentale. Nous devons mettre un terme à la paupérisation du système de soins psychiatriques et psychiques en France.
Enfin, il n'y a rien non plus sur la mortalité infantile, qui pourtant ne fait qu'augmenter depuis une dizaine d'années dans notre pays, d'une manière très préoccupante. Il faut au moins analyser les causes de cette progression.
Vous pouvez compter sur Les Républicains pour faire de nombreuses propositions pour tenter d'améliorer ce projet de budget.
Je rappelle que cette audition porte sur les crédits de la mission Santé, pas sur le PLFSS .
Je concentrerai mon propos sur le programme 204, qui rassemble les actions des pouvoirs publics visant à améliorer l'état de santé général de la population. Cela avec un souci de réduction des inégalités sociales et territoriales de santé qui, nous le savons, sont grandes. Or quelques points méritent d'être précisés.
Pour la mission Santé, deux indicateurs très subjectifs et déclaratifs sont utilisés : l'état de santé perçu par les répondants et l'espérance de vie sans incapacité. Concernant le programme 204, les indicateurs sont le taux de couverture vaccinale contre la grippe, le taux de participation au dépistage du cancer colorectal, le pourcentage de distribution d'eau potable présentant des dépassements des limites de qualité microbiologique et la prévalence du tabagisme.
S'agissant de l'action 11 portant sur le pilotage de la santé publique, les deux tiers des crédits sont consacrés aux actions contentieuses. Pour ce qui est de l'action 14, relative à la prévention des maladies chroniques, 80 % des crédits sont destinés à l'Inca, 10 % à la lutte contre le tabagisme et l'alcoolisme et 2 % à la santé mentale, qui s'adresse à 7 millions de patients et coûte 2 milliards d'euros par an.
Avec vous, madame la ministre déléguée, alors députée, et d'autres collègues nous avons obtenu un « jaune » budgétaire concernant les actions de l'État, de l'assurance maladie et des collectivités en faveur de la prévention santé. À ce jour, il recense les dépenses suivantes : 3 milliards d'euros dans le budget de l'État pour la prévention ; 1,4 milliard pour les collectivités et 1,3 milliard dépensé par l'assurance maladie.
Qu'a donc confirmé la récente crise de santé publique ? Que nous devons agir à l'échelle de la population et pas seulement à celle de l'individu. Que nous devons le faire sur les déterminants de santé. Que nous devons aller vers les populations les plus éloignées du système de santé. Que les déterminants éducatifs, sociaux et environnementaux comptent pour 80 % dans notre état de santé contre 20 % seulement pour le système de soins.
Face à la fragmentation de la politique en faveur de la prévention, comment faire pour mieux définir des objectifs, pour lui donner un pilote – État, assurance maladie ? – et un cadrage national ? Comment choisir les bons indicateurs pour la piloter ? Comment unifier les outils de communication et rassembler tous les financements, divers et variés ?
Concernant l'AME, nous la considérons comme essentielle. Elle ne sera jamais remise en cause sur les bancs des démocrates. Se pose la question de la carence de trois mois pour les migrants. Pour nous, ils devraient bénéficier dès leur arrivée d'une consultation de dépistage.
Je salue par ailleurs l'arrivée du nouveau programme 379, qui est destiné à mettre en place la partie investissement du Ségur de la santé. Pouvez-vous nous donner des précisions quant au fléchage des 2 milliards d'euros de crédits de cette mission, notamment pour ce qui est du volet de transformation numérique des établissements ?
Le groupe Démocrate (MoDem et Indépendants) votera bien évidemment les crédits de cette mission. Il regrette cependant l'insuffisance des crédits affectés au programme prévention. Ils auraient permis l'émergence d'une politique nationale d'ampleur, comme le laisse présager la dénomination de votre ministère.
En matière de santé, il faut faire preuve d'humilité. Nombre de gouvernements et de majorités se sont cassé les dents sur ce sujet compliqué.
Les médecins qui vont prochainement exercer ont fait leurs études entre 2007 et 2013. Nous verrons s'ils sont plus nombreux cette année et à l'avenir qu'ils ne l'étaient au cours des années passées. Peut-être constaterons-nous concrètement, et avec humilité, que les certitudes d'aujourd'hui renvoient à des erreurs d'hier.
Je n'avais pas compris qu'on discutait, ici, de l'ensemble de la politique de santé. Si c'est le cas, je voudrais saluer la position commune aux sept ordres des professions de santé, remise il y a quelques jours. C'est une première. On peut trouver qu'il n'y a pas encore de réponse immédiate, mais il y a un engagement de l'ensemble des professionnels de santé à réfléchir et à travailler ensemble.
Pour m'être heurté aux syndicats de médecins un certain nombre de fois, je sais à quel point ce ne sont pas toujours les plus faciles à faire bouger. Donc bravo pour ce résultat qui permet, au moins, de nourrir l'espoir. Les professionnels de santé semblent avoir été convaincus qu'ils avaient aussi une part de responsabilité, par leurs actions et leur positionnement. Convaincus aussi que les réponses aux problèmes ne pouvaient pas toujours être apportées seulement par l'État et le Gouvernement, mais devaient l'être aussi par celles et ceux qui font la santé sur le terrain.
Concernant la mission Santé, il y a effectivement des raisons particulières qui expliquent l'augmentation de 159 % du budget dont le montant s'élève à 3,4 milliards d'euros. Mais, globalement, l'ensemble des budgets augmentent et l'effort est continu. Certes, on peut estimer que cela ne va pas assez vite ni assez loin. Moi, je préfère dire que l'on va progressivement vers la résolution des problèmes.
Faut-il juger la qualité de notre système de santé en matière de prévention à l'unique ligne budgétaire qui figure dans ce texte ? Je ne le pense pas. Comme l'a très bien rappelé Philippe Juvin, la prévention relève aussi de l'environnement, de l'aménagement des villes, de la circulation automobile, de l'alimentation, etc. Autant de facteurs qui n'entrent pas dans ladite ligne budgétaire. Donc déclarer que le texte ne va pas assez loin en matière de prévention en se fondant sur cette ligne tout en admettant que la prévention dépend de nombre d'éléments qui n'ont rien à voir avec elle, c'est un peu rapide.
La volonté existe d'aller vers un système qui, demain, sera peut-être moins curatif, et plus préventif. Cela implique notamment des évolutions du système de financement et des pratiques professionnelles des soignants, qui sont complexes à opérer. On ne peut pas prétendre en tout cas que l'on prenne un mauvais chemin pour ce qui est de la prévention.
Je rejoins Laurence Cristol lorsqu'elle dit qu'il va falloir aller vers plus de pluriannualité des financements, mais c'est l'objet du PLFSS. J'espère que nous y arriverons.
Il va falloir orienter la politique de santé vers une régulation plus ferme des dépenses, qui en France sont de l'ordre de 230 milliards d'euros au total. Il faut les flécher vers des solutions qui améliorent réellement les soins, plus qu'elles ne servent certaines rentes. Cela appelle un peu de fermeté dans le pilotage de ces dépenses de santé. Nous avons déjà eu ce débat et nous l'aurons à nouveau, si on nous le permet, dans le cadre du PLFSS.
Je voudrais répondre à notre collègue de La France insoumise quant aux bons mots d'Emmanuel Macron en 2020. Les soignants en ont sans doute une autre perception. Voici un Président de la République qui, pour la première fois, a mis les actes en accord avec les engagements. Le Gouvernement a investi 19 milliards d'euros dans l'hôpital, alors que l'investissement hospitalier était tombé au plus bas entre 2005 et 2017. Il était à l'os. Que vous le vouliez ou non, les chiffres parlent d'eux-mêmes. Sur les salaires, ce sont 9 milliards d'euros qui ont été débloqués, ce qui représente une augmentation de 10 % des salaires net. Sur les fiches de paye, c'est très concret. Donnez-moi donc un autre secteur qui a bénéficié d'une telle hausse en quelques mois.
Alors certes, tout n'a pas été fait. Le chemin est encore long pour parvenir à remettre à flot notre système de santé. Mais on ne peut pas toujours parler de « pauvres hospitaliers qui n'ont pas les moyens de travailler ». Quand il y a eu la crise, ils ont eu les moyens de répondre aux enjeux de santé.
Ce budget va dans le bon sens et le groupe Horizons et apparentés le votera des deux mains.
Je m'adresse à vous au nom du député Sébastien Peytavie, qui est toujours hospitalisé.
Vous présentez une augmentation générale du volet santé du PLF 2023 de 159,44 %. Nous rappelons que, d'après le collectif Nos services publics, le budget de l'État pour 2023 est le deuxième le plus marqué par l'austérité de ces vingt dernières années. Ce budget, présenté comme ambitieux, est pourtant très loin de couvrir l'augmentation des dépenses due à l'inflation.
Vous annoncez aussi une augmentation de 1,58 % des crédits alloués au programme 204. Cette aumône de 1,58 % est un trompe-l'œil qui cache la réduction constante du budget de ce programme. Il a été divisé par trois et est passé de 630 millions d'euros de crédits alloués en 2014 à 212 millions en 2023.
De plus, vous avez déclaré vouloir mettre la prévention et l'éducation pour la santé, « au cœur des politiques du programme ». Pourtant, la prévention ne représente que 6 % du budget total pour le volet santé du PLF. Vous reconnaissez vous-même que notre système de santé devra faire face à des mutations profondes. Alors qu'en est-il de la baisse de 2 millions d'euros pour le pilotage de la politique de santé publique ? Comment voulez-vous faire de la prévention une priorité lorsque vous coupez encore plus les vivres aux associations de terrain, qui font pourtant un travail essentiel sur les questions de santé sexuelle ou de prévention des addictions. Plus de cent trente centres qui pratiquaient l'avortement ont fermé en quinze ans. La prévention en matière de santé sexuelle est donc déjà sous-financée.
Quant aux 2 millions d'euros de moins dans le pilotage de la politique de santé publique, ce sont aussi 2 millions d'euros de moins pour la promotion de la santé mentale. Les cas d'anxiété et de dépression sont pourtant en hausse de 25 % dans le monde depuis la pandémie, en particulier chez les jeunes et les femmes.
Aussi, nous regrettons que les crédits du volet santé des populations stagnent et ne représentent que 0,03 % du budget total de la mission Santé. Les besoins sont pourtant réels, notamment dans les départements d'outre-mer où la santé périnatale s'est constamment dégradée ces dernières années. Alors qu'elle est censée constituer l'une des priorités de votre budget.
L'Inserm a mis en évidence la présence de particules fines dès la grossesse dans les organes des fœtus. Nous sommes contaminés avant même notre naissance. Votre budget met une fois de plus en lumière les œillères que porte votre Gouvernement quant à l'impact catastrophique de la pollution sur la santé des femmes et des hommes.
Le rapport sur l'impact environnemental du budget de l'État pour 2023 vient d'être publié. Le constat est sans appel : seul 1 % de ce budget est consacré au financement d'actions dans le domaine de la santé et de l'environnement. Le niveau d'engagement de votre Gouvernement sur ces questions se limite à 1 % !
Comment ne pas émettre de sérieux doutes quant à votre engagement pour la santé environnementale, alors que vous prévoyez une baisse drastique de 10 % des dépenses d'intervention, soit 13 millions d'euros. Ce poste finance pourtant directement les organismes chargés de mener les études et de mettre en place des politiques en matière de santé et d'environnement.
Réduire une fois de plus les budgets de la santé, c'est prendre le risque d'invisibiliser le phénomène de destruction de notre écosystème, qui détruit aussi notre santé. Vous revendiquez souscrire au concept de One Health (une seule santé) de l'Organisation mondiale de la santé (OMS). Vous êtes donc au fait du constat dressé par cette organisation, selon lequel l'augmentation des maladies chroniques est directement liée aux facteurs environnementaux et à nos modes de vie. Les symptômes sont connus : problèmes respiratoires dus à la pollution de l'air ; affections générées par les perturbateurs endocriniens ; troubles et pathologies liés à l'exposition à des pollutions toxiques, etc.
Investir dans une politique de prévention en santé environnementale permettrait pourtant, à terme, de faire des économies. Ainsi, le coût social de l'exposition au bruit, en France, est estimé à 155 milliards d'euros chaque année. Celui de la pollution de l'air serait de l'ordre de 70 à 100 milliards. La malbouffe, quant à elle, coûterait près de 50 milliards d'euros et le mal-logement 30 milliards.
Le Gouvernement ne peut donc prétendre faire de la santé des Françaises et des Français une priorité d'action si aux enjeux environnementaux ne répondent que des demi-mesures et si l'État poursuit son désengagement.
Le budget, qui symbolise l'engagement concret du Gouvernement au-delà des grands discours, ne peut faire l'impasse sur les inégalités sociales ni sur les injustices climatiques, qui frappent les plus vulnérables d'entre nous.
Un budget santé réellement ambitieux est un budget qui sort de la vision étriquée et court-termiste et qui remet le soin et la protection du vivant au cœur de ses préoccupations.
Parce que nous refusons que des coupes budgétaires se fassent une fois de plus sur le dos des Françaises et des Français, nous appelons à de réels investissements pour préserver leur santé et exprimons notre désaccord avec ce budget.
Les crédits de cette mission visent principalement à améliorer l'état de santé de la population et à réduire les inégalités, territoriales et sociales, de santé. Ce sont deux défis majeurs pour notre pays et pour l'action publique.
Évidemment, le budget de la santé publique se trouve pour l'essentiel ailleurs que dans ces lignes budgétaires, même si celles-ci contiennent des actions importantes. Je dis au passage, notamment à notre collègue Valletoux, que cela pose le problème de la maîtrise de ces politiques publiques par le Parlement et celui de leur mise en œuvre.
Toutes les études confirment que l'espérance de vie varie selon la classe sociale. Nous faisons donc face à un véritable défi de réduction des inégalités territoriales et sociales de santé, auxquelles il faut s'attaquer de manière vigoureuse. En réalité, le diagnostic ne change pas beaucoup d'année en année, il faut quand même en faire le constat. Cela signifie que les actions que nous menons en la matière sont soit inefficaces, soit insuffisantes, soit les deux.
Nous devons agir sur nos modes de vie, de production et de consommation, ce qui suppose d'élever notre niveau de conscience des difficultés auxquelles nous devons faire face. Il s'agit également d'élever notre niveau de conscience sanitaire.
Selon Santé publique France, 40 000 décès ont été provoqués par l'exposition aux particules fines en France, entre 2016 et 2019. Et selon l'OMS, la pollution de l'air est responsable de la mort de 7 millions de personnes, chaque année, dans le monde. Ce qui fait d'elle la première cause de mortalité liée à l'environnement.
Nous avons donc un défi considérable à relever. J'y suis confronté dans mon territoire. Je sais que c'est sans doute le cas de chacun d'entre nous, mais je pense l'être de manière singulière.
J'avais déjà évoqué la question de la pollution atmosphérique lors du précédent avis budgétaire. J'avais alors formulé quelques propositions, notamment celle de créer un délégué interministériel à la lutte contre la pollution atmosphérique et à ses effets sur la santé. Celle aussi de créer des territoires pilotes pour lutter contre ces pollutions.
Nous avons besoin de prendre des initiatives, d'expérimenter et de faire preuve d'une volonté politique un peu plus vigoureuse. Volonté que je ne ressens pas dans le document qui nous est présenté, pas plus que je ne l'avais ressenti dans celui de l'année dernière.
Je veux dire quelques mots sur l'AME, dont le budget est en augmentation de 12 %, après un peu de « compression » et quelques restrictions en 2020. L'AME représente 0,5 % du total des dépenses de santé. C'est à la fois un geste d'élémentaire humanité et un geste élémentaire pour l'humanité que de garantir l'accès aux soins à chacune et à chacun, quelle que soit sa situation administrative, quels que soient ses moyens. Notre pays peut s'enorgueillir de cette aide même si, à mon sens, il est assez normal de faire ce choix politique, à rebours d'un certain égoïsme que j'entends poindre ici et là. La santé est un bien commun mondial. Je rappelle d'ailleurs, pour mémoire, que nombre d'actes médicaux sont, sur notre territoire, effectués par des médecins étrangers.
S'agissant de la stagnation des crédits et du plafond d'emplois de l'Inca. Il me semble que nous devrions au contraire augmenter les moyens de cet organisme, surtout en période de hausse du nombre de cancers et de forte inflation. L'Inca risque de devoir prélever les sommes dont il aura besoin pour fonctionner sur les crédits des recherches à conduire. Ce qui risque à terme de poser des problèmes.
Madame la ministre, pouvez-vous me confirmer que le projet de fusion entre le Fiva et l'Office national d'indemnisation des accidents médicaux (Oniam) est bien abandonné ? D'autre part, pouvez-vous nous dire si la récente étude de l'Agence nationale de sécurité sanitaire de l'alimentation, de l'environnement et du travail (Anses), qui établit un lien causal avéré entre l'amiante et le cancer des ovaires et du larynx, aura potentiellement des effets sur le Fiva ?
Enfin, en ce qui concerne le volet médico-social du Ségur de la santé, doté de 1,25 milliard d'euros, que pouvez-vous nous dire quant à la répartition entre les régions et entre les différents types d'établissements ? L'objet de cette question est, très clairement, de savoir si Orpea touchera des subsides.
Je vais essayer de répondre à un maximum de questions, y compris à celles qui sont hors sujet.
Concernant l'AME, merci, monsieur Dharréville, d'avoir rappelé que cette aide a un objectif humanitaire. Notre pays peut en effet s'enorgueillir de fournir des soins à des personnes étrangères qui arrivent sur notre territoire. Mais elle a aussi un objectif sanitaire. Comme vous l'avez souligné, le budget de l'AME représente 0,5 % des dépenses de l'assurance maladie. En outre, depuis 2020, nous avons réformé le panier de soins dispensés, réforme qui a été en partie élaborée sur les bancs de cette assemblée, et nous avons renforcé les contrôles.
S'agissant de l'Inca, je rappelle que l'institut est cofinancé par la mission Santé et par le ministère de l'enseignement supérieur et de la recherche. Je tiens à préciser que son budget a augmenté de 20 % par rapport au précédent plan Cancer et que le plafond d'emplois est effectivement stable depuis trois ans.
La prévention, si chère à chacun d'entre nous et en particulier à Cyrille Isaac-Sibille, qui a si valeureusement défendu son jaune budgétaire, est un enjeu majeur. Pour la première fois, nous avons un ministère de la santé qui est aussi celui de la prévention. Nous en sommes à la présentation des premiers budgets par le Gouvernement et, déjà, un certain nombre de mesures sont annoncées dans le PLFSS. Je pense aux trois bilans de santé aux âges clés – 20-25 ans, 40-45 ans et 60-65 ans –, à la mise en œuvre des plans Chlordécone et Santé-environnement ainsi que de la stratégie nationale de l'alimentation, de la nutrition et du climat, à la réalisation d'une étude individuelle nationale des consommations alimentaires ou encore à la lutte contre l'antibiorésistance. Des moyens complémentaires sont également prévus pour financer les systèmes d'information ainsi qu'une provision au titre de la gestion des sujets de crise sanitaire.
L'Anses va bénéficier de nouveaux moyens, pour réaliser des missions lors d'événements sportifs, comme la prochaine Coupe du monde de rugby, pour répondre au transfert de compétences en matière de cosmétique et pour renforcer la toxicovigilance. Au total, 13 millions d'euros seront consacrés à ces nouvelles missions.
Monsieur Juvin, le covid long est un sujet sur lequel nous avons beaucoup travaillé au cours de la dernière législature. Pour ce qui est de la stratégie nationale, que nous élaborons, nous avons encore besoin, collectivement, d'enrichir les connaissances médicales et la recherche.
Monsieur Isaac-Sibille, 2 milliards d'euros sont consacrés au développement des outils numériques dans le cadre du Ségur du numérique en santé, dont 0,5 milliard pour les établissements et services médicaux-sociaux et 0,5 milliard de rattrapage du numérique en établissement.
Je partage votre idée, madame Cristol, quant à la pluriannualité des investissements. Elle a été prise en compte puisque nous avons, maintenant, des perspectives à trois ans, grâce à la loi votée sur proposition de votre collègue Thomas Mesnier.
Pour ce qui est de la transfusion sanguine, je vais très prochainement rencontrer les dirigeants de l'EFS, pour évoquer en particulier des problèmes de personnel. Il s'agit d'un véritable enjeu, car nous avons besoin de professionnels pour effectuer les prélèvements, mais aussi pour faire la promotion du don du sang, en période estivale notamment.
À cet égard, le fait que le ministère de la santé soit aussi celui de la prévention permettra de rationaliser et de rassembler toutes les campagnes sous une même bannière. Cela devrait permettre de les rendre plus lisibles.
S'agissant des dépenses, le PLFSS 2023 prévoit une hausse de l'Ondam de 3,7 % de et de 4,1 % pour l'hôpital. Quant aux fermetures de lits évoquées, elles sont parfois dues à un manque de personnel soignant, en effet, mais aussi à l'évolution de notre système de santé. Ainsi, la transformation des soins ambulatoires et l'attractivité des métiers permettent eux aussi de faire évoluer la prise en charge à l'hôpital.
M. Juvin a soulevé la question de la tarification et des mesures d'urgence de la mission Braun. Cette mission a été évaluée en temps réel, selon une nouvelle méthode, jusqu'au 30 septembre 2022. Les actions qui ont fonctionné seront conservées, celles qui n'ont pas donné satisfaction seront abandonnées. Quant à celles qui n'ont pas pu être mises en œuvre, en raison de mesures d'urgence prises pendant l'été, elles seront retenues si nous pensons qu'elles le méritent. Les résultats seront présentés dans les prochains jours au comité d'évaluation.
Monsieur Dharréville, la fusion entre le Fiva et l'Oniam ne se fera pas. Quant à la santé environnementale, ses enjeux, notamment ceux de la qualité de l'air, sont de première importance. Le CNR relatif à la santé va bientôt arriver dans vos régions. N'hésitez pas, si vous souhaitez mener des expérimentations, à en discuter au sein du Conseil.
S'agissant de la fin de vie, et à la suite de l'avis du Comité consultatif national d'éthique (CCNE), le Président de la République a décidé d'ouvrir le débat. C'est la première fois qu'un Président de la République prend une telle initiative. Il a souhaité le faire en s'appuyant sur une consultation citoyenne et sur une mission qu'il a confiée à deux membres du Gouvernement, en l'occurrence Olivier Véran et moi-même. Nous travaillerons avec un groupe transpartisan de députés et de sénateurs, et avec différentes catégories de soignants. Madame la présidente de la commission va quant à elle lancer bientôt une mission d'évaluation de la loi « Claeys-Leonetti ».
Nous travaillerons en outre sur la constitution d'un lexique, afin que nous parlions tous de la même chose et que nous donnions tous le même sens aux mots. Ces travaux vont être lancés dans les prochains jours pour ce qui est de la mission d'Olivier Véran et de moi-même, tandis que la consultation citoyenne, qui se fera en régions par l'intermédiaire des conseil économiques, sociaux et environnementaux régionaux, débutera au début du mois de décembre. La finalité de cette démarche est que nous puissions avoir collectivement un débat apaisé, que nos concitoyens attendent, sur ce sujet de société.
Il est important de pouvoir débattre de la question qu'ouvre l'avis du CCNE, c'est-à-dire de la possibilité de choisir sa fin de vie. Mais le Président de la République et la Première ministre ont été très clairs sur la feuille de route qui est la nôtre : il s'agit aussi de travailler sur les soins palliatifs et sur leur déploiement. Comme vous l'avez rappelé, vingt-trois départements n'ont toujours pas de centres de soins palliatifs. Outre les inégalités d'accès aux soins que ce chiffre révèle, il renvoie aussi à la question de la formation des professionnels de santé, qu'ils soient médecins, infirmiers, aides-soignants ou aides à domicile.
La prise en charge à domicile des soins palliatifs est un autre sujet crucial. L'information de nos concitoyens est à cet égard essentielle : seuls 18 % des plus de 50 ans ont par exemple rédigé une directive anticipée.
L'ouverture de ce débat peut être l'occasion de mener une réflexion sur notre rapport à la mort, sur l'accompagnement des aidants, voire sur le deuil. Lors de la crise sanitaire, nombre de personnes sont décédées seules, à l'hôpital, en Ehpad ou à domicile. Elles sont parties seules, parce que nous étions confrontés à un virus que nous ne connaissions pas. Avons-nous su tirer des conclusions de cette épreuve ? Avons-nous aujourd'hui des solutions pour que cela n'arrive plus, si jamais nous étions, à nouveau, confrontés à une situation de ce type ?
Il est également urgent d'agir et d'apporter des solutions au problème des déserts médicaux. Il s'agit du travail quotidien du ministre François Braun et du mien. Nous aurons l'occasion d'y revenir avec le PLFSS.
M. Valletoux l'a souligné, la position commune signée par les sept ordres des professions de santé est une avancée majeure. Les professionnels de santé ont pris conscience qu'il était important d'accompagner le Gouvernement et les collectivités territoriales pour apporter, ensemble, des réponses aux besoins de santé de la population. Les médecins, qui restent les acteurs centraux, vont travailler avec les autres professions de santé pour répondre aux besoins de nos concitoyens. Notamment à ceux des 6 millions de Français et des 657 000 patients en ALD qui n'ont pas de médecin traitant. Les règles sont désormais posées et nous avançons plutôt bien et sereinement.
Le projet annuel de performances du programme 204 indique que « le recours au numérique est un vecteur d'évolution structurelle de notre système de santé ». Aussi, comme vous, je crois que la télémédecine est un formidable outil qu'il faut développer, notamment dans les territoires où l'offre de soins est insuffisante, en veillant bien sûr à ce que la qualité et la sécurité des soins soient assurées. C'est le sens des amendements que je présente dans le cas du PLFSS.
Je pense, en particulier, qu'il faut encourager davantage la télé-expertise, qui permet à un professionnel de santé de solliciter, à distance, l'avis médical d'un ou de plusieurs de ses collègues. Aujourd'hui, la convention médicale limite l'usage de la télémédecine à 20 % de l'activité conventionnée des médecins libéraux, sans distinguer télé-expertise et téléconsultation. Or la télé-expertise facilite l'exercice professionnel coordonné et ne devrait pas, selon moi, être intégrée dans ce plafond de 20 %. Que pensez-vous faire pour développer la télémédecine ?
L'immense incohérence dans la répartition des crédits budgétaires alloués à la mission Santé est particulièrement criante. En effet, en augmentant de plus de 133 millions d'euros l'aide visant à prendre en charge l'intégralité des dépenses médicales les étrangers résidents de façon irrégulière sur le sol français, qui s'élève au total à 1,2 milliard d'euros, le Gouvernement exprime clairement sa volonté de garantir la poursuite, voire l'accélération du processus d'injustice sociale émanant de l'État. Il est d'ailleurs important de noter que cette hausse de plus de 12 % des crédits alloués à l'AME par rapport à l'année précédente est supérieure à celle de l'ensemble des crédits destinés à la mission Santé. Si, par élégance, je vous épargne la remise en cause du bien-fondé de ce dispositif, il est néanmoins évident que la disproportion des crédits qui lui sont attribués est tout simplement ahurissante, notamment en comparaison des autres lignes budgétaires. Ces autres lignes budgétaires, que ce soit la modernisation de l'offre de soins, la prévention des maladies chroniques ou la qualité de vie des malades, vous refusez de les augmenter, ce qui provoque l'immense incompréhension de nos compatriotes. Comment expliquer l'incohérence de ces décisions politiques qui privilégient constamment les autres plutôt que les nôtres ?
Parmi les étudiants, 20 % vivent sous le seuil de pauvreté. Cette paupérisation a de nombreux impacts sur l'alimentation, sur la réussite scolaire, sur les relations sociales ou encore sur l'accès aux soins. Dans une étude menée auprès de 7 000 jeunes Franciliens ayant bénéficié des services de Linkee, une association parisienne qui fournit de l'aide alimentaire aux étudiants, plus d'un jeune sur deux dispose d'un reste à vivre inférieur à 50 euros par mois. De même, un sur deux a dû renoncer à des soins médicaux au cours des derniers mois, pour des raisons financières.
Depuis le début du quinquennat, le Gouvernement a multiplié les dispositifs de soutien financier destinés à préserver le pouvoir d'achat des étudiants pour se loger et se nourrir. Pour ce qui est de la santé, il a renforcé la coopération entre les acteurs de l'enseignement supérieur et de l'assurance maladie, en désignant des référents enseignement supérieur. Il a également développé le programme d'accompagnement Santé Psy Étudiant. Cependant, dans un contexte d'inflation galopante, le renoncement des étudiants aux soins est un enjeu majeur.
Alors que vous prévoyez la gratuité de la pilule du lendemain et du dépistage gratuit des infections sexuellement transmissibles (IST) dans le PLFSS, je ne vois rien concernant les politiques de prévention de ces infections. Dans les années 1980, la prévention contre le sida passait par la promotion du préservatif. Cela a marqué toute une génération et s'est révélé très efficace.
Aujourd'hui, nous constatons une augmentation des IST, notamment les chlamydia et gonocoques, ce qui révèle un moindre usage du préservatif par les jeunes. M. Braun l'a reconnu récemment. Le ministre a en outre indiqué que le budget que la France consacre à la prévention était inférieur à ceux de nos voisins européens, soit 2 % du budget santé contre 4 %. Mais il a ajouté qu'il était optimiste quant aux futures politiques de prévention.
Pouvez-vous nous décrire concrètement ces nouvelles politiques ? Et quand souhaitez-vous mettre en place la gratuité des préservatifs ?
Le chemsex désigne le recours à des produits psychoactifs pendant les rapports sexuels. Cette pratique émergente est en très forte augmentation, notamment chez les jeunes. Les risques encourus sont multiples et importants : forte dépendance et addiction aux drogues, surdoses mortelles, non-maîtrise de la consommation, transmission d'IST ou du VIH, désociabilisation et troubles de la santé mentale. Ça fait beaucoup !
En septembre 2021, le ministre Olivier Véran a commandé un rapport au professeur Amine Benyamina, afin de dresser un état des lieux et de formuler des recommandations pour prévenir et réduire ces risques. Madame la ministre, je souhaiterais connaître la feuille de route du Gouvernement à ce sujet.
Lors de votre passage à La Réunion dernièrement, vous avez annoncé la tenue d'un CNR. Avec qui ? L'outre-mer est-il consulté ?
Concernant le coefficient géographique, le président Macron s'était engagé à le revaloriser. Vous avez dit qu'une étude était toujours en cours. Pourquoi étudier encore ? Quand allez-vous tenir parole et revaloriser ce coefficient géographique ? Cela sera-t-il fait en 2023 ?
Par ailleurs, selon une récente étude de l'Insee, 690 décès supplémentaires ont été enregistrés à La Réunion en 2020. Selon cet institut national, cette hausse est due au vieillissement de la population, vieillissement qui implique une nouvelle politique efficace. Quelle sera cette politique, notamment pour ce qui est de la construction des Ehpad et du maintien à domicile ?
Concernant la santé mentale, un rapport fait état d'une sous-dotation de 20 % à La Réunion par rapport à la métropole. Des engagements ont été pris pour l'ouverture d'une clinique psychiatrique dans l'est de La Réunion. Cette clinique va-t-elle voir vraiment le jour, et quand ?
Vous avez longuement abordé la question de la fin de vie et je vous en remercie. Les associations qui accompagnent les malades jouent, elles aussi, un rôle important, notamment d'information quant aux directives anticipés, à la désignation de personnes de confiance, etc.
Comment l'action 14 du programme 204 peut-elle soutenir ces associations, qui travaillent en complément des unités de soins palliatifs ?
La pandémie et le confinement banalisent les troubles psychiques chez nos concitoyens, notamment chez les jeunes. Le Gouvernement a tenté d'y répondre avec MonPsy, un dispositif mal pensé, mal appliqué, qui n'a pas eu l'effet escompté.
Depuis des années, la psychiatrie est le parent pauvre de l'hôpital public, alors même que chacun d'entre nous connaît la situation globale des hôpitaux. Ces deux sujets forment un tout, que l'on peut appeler la santé mentale. Malheureusement, nos politiques publiques continuent de considérer que la santé mentale est moins importante que la santé physique. Rien n'est fait, il n'y a toujours pas de plan pour refonder la santé mentale.
Le coût annuel direct et indirect des troubles psychiques est estimé à 109 milliards d'euros. Dans le même temps, les dépenses annuelles de santé mentale ne sont que de 23 milliards d'euros.
Allez-vous agir pour que la santé mentale soit mieux considérée et traitée. Êtes-vous disposée à engager un travail sur ce sujet essentiel ?
Attention à l'effet volume et aux 159 % d'augmentation : 1,93 milliard d'euros sont quand même des financements européens du plan de relance !
S'agissant des sujets considérés comme figurant dans le cadre de cette audition, on vous a signifié l'augmentation de la mortalité infantile. Or, le budget santé mère-enfant reste identique. On vous a signalé également qu'il n'y avait pas d'évolution budgétaire pour la santé mentale. De même, comme l'a rappelé Philippe Juvin, rien n'est prévu quant au covid long, contrairement à ce que font d'autres pays européens.
Enfin, s'agissant de questions prétendument hors sujet, je trouve étonnant que l'on soit satisfait d'un Ondam à 4,1 %, qui progresse moins que l'inflation.
D'autre part, quelle est la valeur de la mission Braun d'évaluation, qui porte sur des mesures qui ont commencé début juillet et qui ont été évaluées en septembre ?
La mission Santé a entre autres objectifs l'organisation d'une offre de soins adaptée à nos territoires, pour réduire les inégalités dans l'accès aux soins. La crise du covid-19 a quant à elle fait émerger de nombreuses initiatives de terrain très intéressantes.
Parmi elles, l'unité de renfort de Gournay-en-Bray, dans ma circonscription, s'est adaptée très vite à la crise sanitaire pour prendre en charge les personnes les plus éloignées. Cela a été possible grâce à la collaboration d'un médecin et d'infirmières aux compétences élargies, qui sur le terrain renforcent l'offre de soins de première ligne.
Toutefois, le cadre légal ne correspond pas à ces nouveaux modes d'exercice. Seriez-vous favorable au soutien de ces pratiques, qui permettent de mieux faire face à la pénurie d'offres de soins sur nos territoires et grâce auxquelles les patients peuvent bénéficier de consultations ambulatoires de premier recours ?
La hausse de 159 % des crédits de la mission Santé est effectivement en trompe-l'œil, puisqu'elle est largement due à la création d'un programme temporaire...
Je souhaite revenir sur l'AME, dont l'augmentation n'est finalement qu'un rattrapage, après la stabilité des années 2020 et 2021. Le programme 183 met en lumière la dérive morale et sanitaire de la réforme de 2020, qui se traduit aujourd'hui par un renforcement de la traque des bénéficiaires, des contrôles qui visent les allocataires de l'AME. En insistant sur les contrôles, vous remettez une pièce dans la machine de la réforme de 2020, qui a été tant décriée par les associations, qui évoquaient une triple faute morale, économique et sanitaire.
Il faut absolument mettre un terme à ce discours. Nous vous y invitons frontalement, parce que nous ne pouvons pas accepter ce type de mesures.
Le programme 204 finance aussi le dispositif d'indemnisation des victimes de la Dépakine. Il y a trois ans, nous avons adopté une réforme de ce dispositif à la demande de ma collègue Véronique Louwagie, rapporteure spéciale de la commission des finances. Cette réforme devait notamment permettre de réduire de trois à un mois le délai d'indemnisation des victimes par l'Oniam.
Toutefois, son application a été retardée par la crise sanitaire et il est difficile d'en établir un bilan complet. Nous voyons en tout cas que la trajectoire demeure toujours très éloignée des objectifs initiaux, puisque le financement de ce dispositif baisse une nouvelle fois, de 10 millions d'euros, en raison d'une sous-consommation. Quelle piste pourrait être envisagée pour atteindre les objectifs fixés ?
La volonté de faire émerger une véritable culture de la prévention, trop longtemps négligée, est positive et doit être saluée. Mais qui dit prévention doit aussi dire communication, parce que la première sans la seconde ne sert à rien, notamment vis-à-vis des acteurs médicaux de terrain. Que compte faire le Gouvernement pour que cette communication soit effective auprès des professionnels de la santé, tant sur le plan national que dans nos territoires ?
La télémédecine et la télé-expertise sont en plein développement. Nul doute que de nouvelles négociations conventionnelles seront l'occasion de revoir ces règles, notamment celle des 20 %. Il faut néanmoins distinguer les téléconsultations de spécialistes, qui n'ont pas forcément besoin de recourir à des examens cliniques, de celles des médecins, qui pratiquent ces examens. Les premiers doivent, cependant, recevoir leurs patients de temps à autre. Quant aux seconds, seuls 3 % d'entre eux « téléconsultent ». Il y a donc un gros delta entre les uns et les autres et il faut établir des règles. Revoir celles qui sont en vigueur actuellement, lors de prochaines négociations conventionnelles, semble important en effet.
Je ne reviendrai pas sur l'AME, ayant déjà longuement répondu sur ce point.
Madame Berete, la santé des étudiants est effectivement un enjeu majeur. Sylvie Retailleau, la ministre de l'enseignement supérieur et de la recherche, a annoncé que le service de santé universitaire allait désormais s'appeler le service de santé des étudiants. Un budget supplémentaire de 8,2 millions d'euros lui sera consacré. Les étudiants pourront également bénéficier d'un des trois bilans de prévention – pour les 20-25 ans – prévus dans le PLFSS.
Plusieurs questions portaient sur la santé sexuelle. Tout d'abord, je tiens à rappeler que le préservatif peut être pris en charge, sur prescription, depuis plusieurs années. De même, la contraception est désormais gratuite pour toutes les jeunes femmes de moins de 25 ans. Le bilan des 20-25 ans pourra également être l'occasion d'évoquer ces questions de contraception et de prévention des IST. Les centres gratuits d'information, de dépistage et de diagnostic sont des lieux où ces sujets peuvent être librement et anonymement abordés, comme peuvent l'être les pratiques qui combinent relations sexuelles et produits psychoactifs. Pratiques qui se développent, concernent une partie importante de notre jeunesse et inquiètent les pouvoirs publics.
Monsieur Ratenon, comme je l'ai dit lors de mon récent déplacement, la question de la révision éventuelle du coefficient géographique, spécifique à La Réunion, est toujours en cours d'étude par les services de la Drees. J'ai pu constater que l'île était très active en matière de prévention et de lutte contre les violences faites aux femmes.
Monsieur Martin, la place des associations, l'enjeu des directives anticipées et des personnes de confiance feront partie du débat que nous aurons sur la fin de vie. Nous souhaitons d'ailleurs que ces associations puissent prendre part à ce débat.
Certains parmi vous ont décrit l'augmentation des crédits de 159 % comme un trompe-l'œil, dû à l'intégration du programme 379, qui n'est qu'un jeu d'écritures. Je précise donc qui si nous retirons ce programme, la mission Santé voit néanmoins ses crédits augmenter de 4,2 %.
Madame Vidal, la réponse aux enjeux de coordination et de travail entre les professionnels de santé, entre les médecins et les infirmiers et infirmières notamment, viendra de l'accord récemment signé avec les sept ordres des professions de santé.
Pour ce qui est des victimes de la Dépakine, la crise sanitaire n'a effectivement pas permis de réduire de trois à un mois le délai d'instruction. Quant à la baisse des crédits que vous avez notée, elle résulte de leur mode d'attribution, en fonction du nombre de dossiers.
Madame Thevenot, je vous rejoins complètement, la prévention est un enjeu majeur de santé publique et la communication est, elle aussi, essentielle, comme l'illustre la campagne de prévention et de communication déployée à l'occasion du mois sans tabac. Il s'agit sans doute d'une des belles réussites, que nous devons reproduire. Réunir et unifier les acteurs de la prévention et de la communication est également crucial, comme l'a dit Cyrille Isaac-Sibille.
La commission examine ensuite les crédits de la mission Santé (M. Christophe Bentz, rapporteur pour avis).
Article 27 et état B : Crédits du budget général
Amendement II-AS14 de M. Jérôme Guedj.
L'amendement vise à doubler les crédits de l'action 14 Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades. Le Gouvernement propose une baisse de ces crédits en valeur réelle ; nous souhaitons au contraire une politique ambitieuse de prévention.
La France est l'un des pays occidentaux où la part des dépenses de santé consacrée à la prévention est la plus faible : 2,5 % chaque année selon la Drees, contre plus de 5 % dans certains pays nordiques. Il faut agir !
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-AS63 de M. Damien Maudet.
Le manque d'activité sportive est responsable de plus de décès que le tabagisme. Afin d'ouvrir le débat sur la prévention par le sport, nous proposons par cet amendement d'appel de consacrer à celle-ci un nouveau programme, doté d'une somme élevée bien qu'encore insuffisante.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-AS73 de M. Damien Maudet.
Pour une vraie politique de prévention au lieu d'une intervention après coup, il s'agit de créer un programme Prévention contre les maladies chroniques, doté de 5 millions d'euros.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-AS71 de M. Damien Maudet.
L'augmentation du budget alloué à l'AME n'est pas de nature à compenser ses années de baisse en termes réels, encore moins de répondre aux besoins qui se font sentir.
Pourtant, augmenter les crédits de l'AME est un impératif de santé publique. L'absence de soins conduit en effet à la recrudescence de maladies pour l'ensemble de la population, et, in fine, à des coûts plus élevés pour le système de santé. Si environ 380 000 étrangers en bénéficient, l'AME est avant tout caractérisée par le non-recours : seuls 51 % des étrangers en situation irrégulière présents depuis au moins trois mois sur le territoire – condition sine qua non pour en bénéficier – seraient couverts.
Nous déplorons que cette aide soit à ce point instrumentalisée par le Gouvernement, les médias et l'extrême droite alors qu'elle équivaut à peine à 0,5 % des dépenses publiques de santé et qu'elle bénéficie au bout du compte à l'ensemble de la population.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-AS10 de M. Jérôme Guedj.
Cet amendement d'appel vise à construire une véritable stratégie d'investissement dans l'hôpital public.
Bien que le Gouvernement ait vanté un « effort historique » pour l'hôpital public au moment de la conclusion du Ségur de la Santé, une fois enlevés les 13 milliards d'euros de reprise de dette par la Caisse d'amortissement de la dette sociale, la réalité des 6 milliards d'euros d'investissement annoncés est plus que contestable.
S'agissant de ces investissements dits du quotidien, le ministère des solidarités et de la santé n'est capable de fournir un échéancier précis de décaissement que pour 2,5 milliards d'euros. Où sont passés les 3,5 milliards restants ? « L'échéancier n'est pas connu » ! Financé par le fonds de relance de l'Union européenne, le volet investissement du Ségur de la santé souffre donc d'un grave problème d'exécution et de suivi. Le Gouvernement n'est pas en mesure de fixer dans le projet annuel de performances, de manière pluriannuelle, des objectifs chiffrés concernant les hôpitaux et Ehpad qui doivent bénéficier de ces 6 milliards.
Il n'y a pas de pilote dans l'avion. Nous demandons une stratégie claire et chiffrée, adossée à un calendrier de mise en œuvre du volet investissement du Ségur.
L'investissement dans l'hôpital public est un sujet capital, mais le véhicule de son financement ne saurait être le programme 379, créé spécialement dans le PLF 2023 afin d'absorber les transferts de crédits de l'État vers l'assurance maladie.
Avis défavorable.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-AS11 de M. Jérôme Guedj.
Il s'agit cette fois de construire une véritable stratégie d'investissement dans les Ehpad, là aussi assortie d'un échéancier précis.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendement II-AS75 de M. Damien Maudet.
Selon la Fédération hospitalière de France, il manque environ 1 milliard d'euros pour les hôpitaux dans le PLFSS malgré la compensation des effets de l'inflation. Notre amendement est d'appel, la somme que nous proposons de rendre aux hôpitaux restant insuffisante. Je vous alerte également sur les inquiétudes des établissements hospitaliers dont les factures d'énergie explosent car ils ne bénéficient pas du bouclier tarifaire – j'aurais aimé que la ministre m'entende sur ce point.
Il est exact que le Gouvernement a refusé de compenser dans le PLFSS les effets de l'inflation sur les établissements et que la perte réelle de moyens que cela induit est regrettable. Toutefois, le PLF n'est pas le bon vecteur d'action.
Avis défavorable.
Il n'y a jamais de bon vecteur d'action, ce qui fait qu'à la fin, on n'agit jamais ! Pourtant, les problèmes sont là et il manque 1 milliard d'euros.
Quant à votre précédente réponse, le programme 379 était bien le bon : il permet à l'État de reverser à la sécurité sociale les crédits européens perçus dans le cadre du plan de relance et de résilience au titre du financement des dépenses d'investissement dans les établissements de santé et médico-sociaux. Il faut revoir vos fiches, monsieur le rapporteur !
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-AS76 de M. Damien Maudet.
Les Ehpad font face à une hausse des prix de plus de 50 % pour le gaz et de 14 % pour l'alimentation. Nous proposons de la compenser.
Ce n'est peut-être pas le bon vecteur, mais les créations de dépenses dans le cadre du PLFSS sont elles aussi refusées. Nous essayons de mettre là où nous le pouvons de l'argent pour les établissements de santé.
Suivant l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendement II-AS64 de M. Damien Maudet.
Il s'agit à nouveau de l'hôpital. On m'a rétorqué tout à l'heure que 19 milliards d'euros y avaient été investis, et même que les soignants y avaient les moyens de faire leur travail.
Je vérifierai. En tout cas, vous dites que l'on est sur le bon chemin : alors que des services d'urgences ont été fermés pendant l'été, le Gouvernement ne voit toujours pas qu'il fait fausse route.
Nous proposons donc d'imposer des ratios de soignants par lit à l'hôpital public. Il s'agit d'améliorer les conditions de travail des soignants ; en outre, une étude australienne publiée dans The Lancet a montré qu'un ratio d'un soignant pour quatre malades permet de réduire drastiquement le risque de réadmission comme de décès.
Au sujet des fermetures de lits, la ministre a semblé parler d'une nouvelle manière de fonctionner. A-t-on donc décidé de fonctionner en mode dégradé ? Si c'est le cas, autant l'écrire directement dans les études d'impact du budget.
Je rappelle qu'il est tout à fait normal que les ministres ne soient pas présents pendant l'examen des amendements. Mais nous avons pu poser à la ministre différentes questions auxquelles elle a répondu.
Le montant des crédits qu'il est proposé de transférer n'apparaît ni cohérent ni suffisant. Avis défavorable.
Arrêtons avec les ratios, allégeons les contraintes de gestion et donnons aux soignants du temps pour soigner. De plus, l'activité de l'hôpital ne se conçoit pas entre les quatre murs de l'établissement, mais en lien avec l'ensemble des professionnels de santé, de sorte que la population soit prise en charge collectivement, par le public et le privé. Cette activité n'est pas la même lorsque des soignants privés épaulent l'hôpital et lorsque les hospitaliers sont seuls à faire le boulot.
L'existence de ratios n'alourdit pas le travail des soignants. Au contraire, elle peut améliorer leurs conditions de travail, dont la dégradation explique que les soignants nouvellement recrutés ne restent pas. Le ratio moyen en France est d'un soignant pour treize malades, contre un pour quatre en Californie. Bien sûr, c'est une moyenne : la situation diffère selon les services.
Imposer des ratios dans les services hospitaliers oblige à fermer le service s'il manque une seule infirmière : c'est le meilleur moyen de fermer des services !
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-AS66 de M. William Martinet.
Il s'agit des 3 000 exclus du Ségur au sein de la fonction publique hospitalière. Quand on est payé 1 600 à 1 800 euros, une prime de 183 euros, ce n'est pas rien, même si cela ne suffira pas pour faire rester les soignants.
Je suis heureuse d'entendre dire que ce n'est pas rien, après avoir entendu répéter que c'était des miettes !
La question a été discutée dans le cadre du PLFSS, mais les réponses apportées par le Gouvernement restent très insuffisantes. Avis favorable.
On a tendance à assimiler au Ségur le soutien, unique par son ampleur, apporté par l'État aux revalorisations salariales des professionnels des champs sanitaire et médico-social. En réalité, il s'agit d'un ensemble de mesures – Ségur, Laforcade, Castex – qui représentent plus de 12,5 milliards en 2022. Les plus récentes sont l'extension à la filière socio-éducative de l'augmentation mensuelle de 183 euros, annoncée en février dernier, pour 1,4 milliard, et l'extension aux salariés du secteur associatif, toutes professions confondues, des mesures de revalorisation du point d'indice, annoncée le 15 septembre et applicable rétroactivement au 1er juillet. Au total, ces revalorisations représentent plus de 3,2 milliards de dépenses annuelles pour la branche autonomie, et le nombre de bénéficiaires d'une revalorisation équivalente à 183 euros nets mensuels s'élève à 700 000. Beaucoup a donc déjà été fait.
Naturellement, nous entendons les attentes des uns et des autres. Le Gouvernement a pour ambition de vérifier que tout ce qui a été décidé est bien mis en œuvre, que les accords sont signés et homologués ; nous autres parlementaires avons un rôle à jouer dans la transmission de ces informations. Le Gouvernement poursuit le dialogue et est attentif à tous ceux qui estiment être les oubliés du Ségur. L'Assemblée des départements de France, les partenaires sociaux et les associations ont leur part dans les travaux préparatoires à l'extension des revalorisations. Mais les décisions de revalorisation exceptionnelle dans certains métiers ont été prises selon une logique et dans un périmètre sur lesquels nous ne reviendrons pas. L'objet des négociations excède largement le Ségur et concerne jusqu'aux métiers de la petite enfance. Les problèmes d'attractivité et de pénurie ne sont pas partout les mêmes. Au-delà de la rémunération, certes incontournable, ce sont aussi les moyens qui sont en jeu, ainsi que la reconnaissance et la valorisation par la société.
Tous les sujets sont sur la table. Les reconversions et les conditions de travail seront également abordées lors des réflexions à venir dans le cadre du CNR « bien vieillir », avec tous les ministres concernés. Il s'agit d'une priorité du quinquennat, bien au-delà d'un amendement aux crédits de la mission Santé.
Beaucoup de personnes ont été concernées par l'augmentation ; sans doute faudra-t-il aller encore plus loin. Mais voilà longtemps que nous sommes sortis du Ségur ; il est donc tout à fait inapproprié de parler d'oubliés du Ségur, même s'il est légitime que d'autres personnes souhaitent les mêmes bénéfices – le périmètre du Ségur était très restreint.
Nous avons déjà eu ce débat. Sur deux personnes qui ont le même statut, qui font partie de la fonction publique hospitalière, pourquoi l'une a-t-elle droit au Ségur et pas l'autre ? Pourquoi est-ce le cas du personnel éducatif dans les centres départementaux ? Si des travaux sont en cours, je m'en réjouis et j'espère que les choses vont avancer. Comme vous l'avez dit, il y va du regard de la société sur ces gens qui ont joué un rôle essentiel pendant la pandémie de covid – certains l'ont attrapé et ont été hospitalisés.
Madame la présidente, la revalorisation est minime, mais quand on n'a pas à manger, on prend ce qu'il y a.
Je le répète, il ne s'agit que de 3 000 personnes et de 183 euros, et je ne suis pas le seul député à en parler.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-AS74 de M. Damien Maudet.
La commission rejette l'amendement.
Puis, suivant l'avis du rapporteur, elle rejette l'amendement II-AS77 de M. Damien Maudet.
Amendement II-AS72 de M. Damien Maudet.
Nous proposons la création d'un pôle public du médicament.
Les pénuries de médicaments ont été multipliées par trente en seulement dix ans. Les principaux médicaments concernés sont les anti-infectieux, les traitements du système nerveux et les anticancéreux. Or le reportage diffusé dans « Complément d'enquête » le 9 septembre 2021 révélait que ces pénuries étaient parfois organisées artificiellement par les laboratoires pharmaceutiques pour faire monter les enchères sur le prix des médicaments.
Le secteur pharmaceutique est entre les mains de plusieurs grands groupes privés dont la puissance est telle qu'ils parviennent régulièrement à influencer la décision publique et à berner les organismes étatiques de contrôle. Les scandales sanitaires à répétition, du Vioxx au Levothyrox en passant par la Dépakine et le Mediator, ont mis en lumière ce que la quête de profit peut faire à la santé publique.
Le sujet, déjà débattu plusieurs fois ici même, est évidemment du ressort du PLFSS. Avis défavorable.
Qui dit pôle public du médicament dit financement d'une politique publique ; il est donc permis de l'évoquer dans le cadre du PLF.
Nous avons grand besoin d'une politique publique du médicament pour contrôler le secteur et éviter les dérives de l'industrie pharmaceutique, liées au développement de la sous-traitance et à la mise en concurrence. Les sous-traitants assument la fabrication, le conditionnement, doivent payer les charges fixes et réalisent de très faibles marges alors que les grands groupes s'enrichissent inconsidérément. Je salue en particulier les salariés de Cenexi, dans ma circonscription, en grève pour demander des revalorisations salariales.
La commission rejette l'amendement.
Amendements identiques II-AS12 de M. Jérôme Guedj et II-AS129 de Mme Sandrine Rousseau.
Nous proposons de créer un nouveau programme intitulé Santé environnementale, doté de 500 millions d'euros.
L'une des leçons de la crise du covid-19 est que nous devons intégrer l'approche One Health de l'OMS. Selon cette approche, les autorités politiques doivent conjuguer santé et environnement, car les deux sont interdépendants. De nombreux travaux scientifiques étayent cette orientation. Selon l'Institut de recherche pour le développement, trois infections émergentes sur quatre apparues au cours des quarante dernières années sont des zoonoses, c'est-à-dire des maladies infectieuses animales transmises à l'homme – dont le SARS-CoV-2, virus à l'origine du covid-19.
Face à l'augmentation de ces maladies, toutes les parties de la population ne sont pas égales, en particulier celles des outre-mer. Ainsi, le covid-19 a révélé la vulnérabilité particulière des personnes souffrant d'affections sous-jacentes comme le diabète ou l'obésité. Les dernières données de santé publique montrent que 88 % des personnes hospitalisées pour cause de covid-19 et 94 % de celles qui en sont décédées souffraient d'un ou de plusieurs facteurs de comorbidité – 48 % d'entre elles, par exemple, étaient atteintes d'obésité. Or, le nombre des ALD liées à ces maladies a doublé entre 2003 et 2017, ce qui signifie que le risque d'être sévèrement touché et de mourir a progressé dans la même proportion.
En dépit de ces enjeux, notre politique de santé environnementale brille par son absence. Le Ségur de la santé, par exemple, n'a apporté aucune réponse dans ce domaine. Nous demandons donc d'investir dans une réelle politique de santé environnementale qui prendrait en considération tous les facteurs d'émergence des maladies.
Aucune ligne budgétaire n'est réellement prévue pour financer une politique publique en matière de santé environnementale. Or nous savons le Gouvernement attaché à la politique de santé globale de l'OMS, comme nous, d'ailleurs. Nous proposons donc de créer un nouveau programme intitulé Santé environnementale, doté de 500 millions d'euros.
De nombreuses études épidémiologiques montrent que la pollution atmosphérique, notamment en milieu urbain, constitue l'un des facteurs principaux de risque sanitaire. On sait aussi que les facteurs environnementaux sont responsables de près de 20 % de la mortalité en Europe. Nous demandons donc que soit menée une vraie politique environnementale, à la fois en matière de prévention et de traitement des maladies dues à des facteurs environnementaux.
Les besoins sont immenses : il faut structurer et renforcer la recherche, mieux connaître les maladies liées aux atteintes à l'environnement, surveiller la santé de la faune terrestre, prévenir les zoonoses, renforcer la sensibilisation des urbanistes et des aménageurs des territoires pour mieux prendre en compte la santé environnementale, ou encore identifier les substances dangereuses pour la santé et l'environnement dans les objets du quotidien. La liste est longue ; c'est pour cela que nous proposons des financements qui soient à la hauteur de ces enjeux.
Il est vrai que les derniers plans nationaux santé-environnement n'ont pas été à la hauteur des attentes, et l'idée dont procèdent ces amendements est intéressante, mais la prise en charge des atteintes à l'environnement, les actions de dépollution ou encore le soutien aux entreprises pour leur transition écologique trouveraient davantage leur place dans des missions dédiées à la transition énergétique.
Avis défavorable.
L'Anses s'est déjà fortement mobilisée en faveur des questions touchant à la santé environnementale, dans une logique procédant de la stratégie One Health. Les zoonoses font l'objet d'une unité dédiée au sein de son laboratoire de santé animale. L'agence mène également des recherches sur l'exposome, notamment, pour mieux connaître les effets sur la santé des expositions dans l'environnement quotidien. Enfin, son budget est déjà en hausse pour l'année 2023.
Lors de la précédente législature, j'ai rédigé un rapport sur l'évaluation des politiques publiques de santé environnementale. Étant donné les résultats de l'audition, je voterai en faveur de ces amendements.
Je suis très surprise qu'il n'y ait aucune ligne budgétaire dédiée à la question et que des moyens importants ne soient pas mis sur la table. La crise du covid aurait pourtant dû faire office de signal d'alarme : la santé environnementale est un enjeu majeur. J'entends dire partout que le Gouvernement est attaché à la prévention, mais je n'en vois pas la traduction dans les faits. D'ailleurs, la question de mon collègue Sébastien Peytavie relative à la prévention et à la santé environnementale n'a pas non plus reçu de réponse. Je ne voudrais pas jouer les oiseaux de mauvais augure, mais je prédis que nous allons nous mordre les doigts de ne pas investir dans la prévention pendant qu'il en est encore temps de le faire. Nous sommes à un moment crucial.
La commission rejette les amendements.
Amendement II-AS13 de M. Joël Aviragnet.
Cet amendement vise à créer un nouveau programme dédié à la santé mentale et à le doter de 1,2 milliard d'euros. Ce programme est la traduction de la priorité collective que nous souhaitons donner à notre système de santé mentale.
Celui-ci est à bout de souffle. Malgré le grand dévouement et les compétences des professionnels de santé et des intervenants, les réponses données sont défaillantes dans presque tous les domaines. La saturation des structures de soins et d'accompagnement, sous-dimensionnées et en nombre insuffisant, est une illustration de cet épuisement. Il convient donc d'élaborer et de déployer une nouvelle stratégie nationale de la santé mentale. Celle-ci aura vocation à combler un retard d'investissement remontant à plusieurs décennies, à orienter le système vers des soins plus ambulatoires et inclusifs, à décloisonner toutes les filières – sanitaire et médico-social, psychiatrique et somatique, ville et hôpital, enfants et adultes – et à embaucher de nouveaux personnels. Elle aura également pour objectif de prévenir les troubles psychiques, par exemple en sensibilisant les enfants aux émotions, ou encore en travaillant à éviter l'épuisement professionnel en entreprise.
Les besoins en la matière sont criants. Or les annonces du Président de la République aux assises de la santé mentale, en septembre 2021, ne sont pas suffisantes et leur mise en œuvre s'avère très incomplète. Ainsi, le dispositif MonPsy ne mobilise que 2,6 % des psychologues exerçant en France.
Selon le ministère de la santé et de la prévention, le coût total, direct et indirect, des troubles psychiques est supérieur à 109 milliards d'euros par an. Nous sommes convaincus, pour notre part, que chaque euro dépensé pour la santé mentale est un euro gagné à long terme. La somme que nous proposons d'allouer au nouveau programme compléterait les efforts de l'assurance maladie, principal financeur en la matière.
La santé mentale des Français est effectivement un enjeu prioritaire ; j'ai moi-même alerté le ministre de la santé et de la prévention à ce propos.
Avis favorable.
Un tel amendement me semble relever plutôt du PLFSS : il s'agit tout de même de 1,2 milliard d'euros. Par ailleurs, les ressources allouées à la psychiatrie ont déjà augmenté de 3,9 % dans la LFSS 2022. Même s'il reste beaucoup à faire, de nombreux progrès ont été enregistrés. Nous avons développé les centres médico-psychologiques et l'offre d'accueil familial. Nous avons également apporté des réponses aux besoins urgents, notamment en ce qui concerne les psychotraumatismes. Certes, nous ne saurions nous satisfaire de la situation, et la santé mentale reste un vrai sujet d'inquiétude, mais il vaut mieux poursuivre les actions engagées depuis deux ans que de créer un nouveau programme.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-AS23 de M. Arthur Delaporte.
Cet amendement vise à créer un fonds dédié à la recherche sur l'endométriose et à la prise en charge de cette maladie. Le Président de la République, deux jours avant l'examen de la proposition de loi de notre collègue Clémentine Autain relative à l'endométriose, il y a un an, avait dit que ce texte serait l'occasion d'élaborer un plan ambitieux et doté de moyens. Force est de constater que ces moyens n'ont toujours pas été débloqués.
Alors que l'endométriose touche une femme sur dix, les soins disponibles et la recherche ne sont pas à la hauteur. Il faut sept à dix ans, parfois même quinze ans, pour diagnostiquer une endométriose. Seuls cinq à dix médecins sont capables d'effectuer des interventions très spécialisées. Par ailleurs, le Gouvernement a refusé d'inscrire l'endométriose sur la liste des ALD exonérantes, dite ALD 30. Une stratégie nationale existe, mais il faut un calendrier et un budget. Nous vous proposons donc d'abonder un programme de recherche et de prise en charge, à hauteur de 20 millions d'euros.
Contre l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendement II-AS24 de M. Arthur Delaporte.
Cet amendement vise à rendre gratuites les protections périodiques pour les 1,7 à 2 millions de femmes concernées par la précarité menstruelle. Avec l'inflation, le coût de ces protections est de plus en plus important. Le rapport de Mmes Romeiro Dias et Taurine sur les menstruations évaluait leur coût à 10 euros par mois, soit 120 euros par an. Le fonds que nous proposons de créer, doté de 240 millions d'euros, permettrait de protéger ces femmes. La France ne serait pas un cas unique : ainsi, l'Écosse, a mis en place une gratuité totale des protections menstruelles.
Certaines initiatives vont déjà dans le bon sens, par exemple l'installation de distributeurs de protections périodiques gratuites dans les universités, mais elles restent balbutiantes. Il faut absolument mener une politique ambitieuse et volontariste, ce que le fonds permettra de faire.
Je salue cet amendement, ainsi que le travail du Gouvernement, car le budget visant à lutter contre la précarité menstruelle a déjà été augmenté. Je nous encourage à poursuivre collectivement l'effort.
Contre l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendement II-AS96 de Mme Marie-Charlotte Garin.
La grossesse est une période particulière dans la vie d'une femme. Selon certains sondages, 75 % des femmes enceintes déclarent avoir besoin d'aide face au stress que déclenche cet état. L'amendement vise ainsi à prévoir une prise en charge intégrale, sans reste à charge, de l'accompagnement psychologique des femmes enceintes et des jeunes mamans qui le souhaitent.
Contre l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendement II-AS94 de Mme Marie-Charlotte Garin.
À travers cet amendement, nous abordons une question qui reste trop souvent taboue : celle des fausses couches. Or une grossesse sur quatre se termine ainsi, et une femme sur trois en moyenne est concernée par le problème au cours de sa vie. Un épisode aussi douloureux constitue un choc pour les parents. Nous vous proposons d'ouvrir des crédits pour instaurer et financer un congé spécial de trois jours en cas de fausse couche. Il pourrait bénéficier tant à la femme traversant cette épreuve qu'à son conjoint ou sa conjointe.
Contre l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendements II-AS132 de M. Christophe Bentz et II-AS127 de Mme Sandrine Rousseau (discussion commune).
L'amendement II-AS132 est identique au suivant, déposé par Mme Rousseau. Si j'ai tenu à présenter un amendement moi aussi, c'est parce que la cause de la défense des femmes, si elle essentielle et prioritaire, doit être débarrassée de la substance idéologique de Mme Rousseau. Même si je n'ai pas à justifier les avis favorables que j'ai émis sur les amendements précédents, je précise que je les ai soutenus car ils allaient dans le bon sens. En revanche, je ne saurais défendre celui de Mme Rousseau, car celle-ci monte les femmes contre les hommes et les hommes contre les femmes.
La position de M. le rapporteur pour avis est d'une grande bassesse. Étant donné la qualité de nos débats et le sujet dont nous traitons ici – car il est question des violences sexistes et sexuelles –, c'est absolument pitoyable. De la part d'un homme, qui plus est, c'est particulièrement déplacé.
L'amendement II-AS127 vise à mieux prendre en compte la santé mentale des survivantes de violences sexistes et sexuelles dans le cadre des dispositifs de prévention de santé. Visiblement, M. le rapporteur pour avis n'a pas été confronté dans sa vie à ce genre de problèmes. Alors que les victimes sont invitées à libérer leur parole, l'accompagnement psychologique mis à leur disposition reste insuffisant. De nombreuses personnes se sentent encore seules pour affronter leurs traumatismes.
Afin d'être à la hauteur des enjeux de l'ère post-#MeToo, il est urgent d'apporter une réponse politique à l'omniprésence des violences sexistes et sexuelles. L'amendement a ainsi pour objectif d'augmenter les crédits alloués à la santé mentale de l'action 14 Prévention des maladies chroniques et qualité de vie des malades du programme 204, à raison de 1 million d'euros. Cela permettra de prendre en charge les psychotraumas des femmes victimes de violences sexistes et sexuelles. La réduction de crédits de paiement et d'autorisations d'engagement proposée en contrepartie est formelle : le groupe Écologiste - NUPES appelle évidemment le Gouvernement à lever le gage.
Il ne s'agit pas d'amendements identiques, contrairement à ce qu'indiquait M. le rapporteur pour avis, car celui-ci a divisé par deux le montant du transfert proposé par Mme Rousseau.
Par ailleurs, ses propos méritent une condamnation collective de notre part : on ne peut pas à la fois prétendre que l'on défend les droits des femmes et plagier un amendement dont c'est précisément l'objet, mais en réduisant à la fois son montant et sa substance idéologique. Quand on se dit défenseur des droits des femmes, on est nécessairement féministe. Il n'est donc pas possible de laisser passer des propos comme ceux qu'a tenus M. le rapporteur, surtout quand il s'agit d'une question aussi grave que celle des victimes de violences sexistes et sexuelles. Nous reconnaissons là la manière d'agir du Rassemblement National : il cherche à récupérer des causes, mais son substrat idéologique reste le même, c'est-à-dire antiféministe.
Madame Garin, vous ne savez rien des liens qui peuvent exister entre ma vie personnelle et les questions abordées à travers les amendements précédents. Par ailleurs, il n'est nul besoin d'être une femme pour être féministe.
La commission rejette successivement les amendements.
Amendement II-AS40 de M. Arthur Delaporte.
Cet amendement d'appel vise à allouer un budget important – 5 millions d'euros – à la lutte contre le harcèlement et les violences sexistes et sexuelles dans le cadre des études de santé, car il est urgent de combattre le problème.
Il y a deux semaines, j'ai reçu à ma permanence des étudiants en médecine. Ils ont évoqué l'enquête de l'Association nationale des étudiants en médecine de France, selon laquelle, sur 11 754 étudiants, 75 % déclaraient avoir subi des symptômes anxieux et 67 % étaient en burn-out ; surtout, 4 % disaient avoir été victimes d'agressions sexuelles et celles-ci auraient été commises, dans 75 % des cas, par des supérieurs hiérarchiques à l'hôpital.
Alors que l'on envisage de mettre en place une quatrième année d'internat dans les déserts médicaux pour les étudiants en médecine générale, il faut prendre en compte les conditions d'enseignement et faire en sorte que, dans le cadre des études de santé, des violences sexistes et sexuelles ne puissent être commises. Le fonds dédié que nous proposons de créer permettrait d'assurer le suivi des étudiants lors des stages en milieu hospitalier. En effet, les critères légaux et réglementaires ne sont pas toujours respectés. Plus généralement, il faut un meilleur accompagnement des formations et de l'internat.
La commission rejette l'amendement.
Amendement II-AS44 de Mme Isabelle Santiago.
Cet amendement d'appel vise à créer des parcours de soins spécialisés dans les psychotraumas dont souffrent les enfants victimes de violences sexuelles et, plus tard, les adultes qu'ils sont devenus. Tous les témoignages le confirment : les violences sexuelles subies dans l'enfance créent des souffrances physiques et psychotraumatiques extrêmes et durables : conduites d'évitement, cauchemars traumatiques, hyperactivité, dissociation, dépression sévère, etc.
La société prend peu à peu conscience de ces souffrances après les avoir longtemps minimisées, voire ignorées. C'est un progrès, mais cette prise de conscience doit aller jusqu'à l'exigence de réparation, à laquelle ces enfants ont droit, même une fois qu'ils sont devenus adultes. Or, la réparation, c'est d'abord le soin. L'état des connaissances permet d'affirmer qu'il existe des soins spécialisés dans les psychotraumas. Ne pas les prodiguer aux enfants victimes revient à priver ces derniers d'une chance, ce qui est inacceptable. Le coût de tels soins est aussi un obstacle à la reconstruction ; il est indispensable de mieux le prendre en compte.
La définition d'un parcours de soins pour les personnes victimes de violences sexuelles dans leur enfance impose donc d'intégrer deux aspects indissociables : la spécialisation des praticiens pour soigner les psychotraumatismes et la prise en charge financière de ces soins, pour que les victimes qui en ont besoin y aient réellement accès.
Contre l'avis du rapporteur, la commission rejette l'amendement.
Amendement II-AS45 de Mme Isabelle Santiago.
Cet amendement vise à organiser une campagne nationale relative aux violences sexuelles faites aux enfants. Chaque enfant doit pouvoir vivre et grandir en sécurité. Son bien-être et son développement en dépendent. La prévention des violences sexuelles est une responsabilité collective : c'est une grande cause qui doit mobiliser la société tout entière. Une grande campagne nationale s'impose donc. Elle devra être ambitieuse, répétée et accessible à tous, en particulier aux personnes en situation de handicap.
Au cours des dernières années, plusieurs associations ont mené des campagnes de sensibilisation. Toutefois, ces initiatives se heurtent à un manque de moyens et de relais au niveau de l'État, ce qui limite leur portée. Depuis la campagne d'information et de prévention sur les maltraitances et les violences sexuelles sur mineurs intitulée « Se taire, c'est laisser faire », en 2002, les pouvoirs publics n'ont jamais axé de campagne de prévention sur les violences sexuelles faites aux enfants, privilégiant des campagnes globales sur les violences dont ils sont victimes.
La grande campagne nationale que nous proposons de lancer permettra de faire connaître les manifestations de ces violences sexuelles, leurs conséquences sur les victimes et les recours possibles pour ces dernières, ainsi que de mobiliser les témoins, en rappelant que les actes en question sont interdits par la loi et sanctionnés par le code pénal.
Je le soutiens moi aussi. J'en profite pour exprimer un regret : les groupes de la majorité n'ont pas adopté les amendements précédents qui avaient pour objet la protection des personnes. Pourtant, protéger les gens exige des moyens humains et financiers.
L'organisation de campagnes de ce type fait partie des recommandations de la Commission indépendante sur l'inceste et les violences sexuelles faites aux enfants. Une campagne ciblée a déjà eu lieu en mars et une autre sera organisée en mars 2023. Ce que vous proposez s'inscrit donc dans la ligne de l'action du Gouvernement.
La commission rejette l'amendement.
Puis elle émet un avis favorable à l'adoption des crédits de la mission Santé non modifiés.
La réunion s'achève à minuit.
Présences en réunion
Présents. – M. Éric Alauzet, Mme Farida Amrani, Mme Bénédicte Auzanot, M. Joël Aviragnet, M. Christophe Bentz, Mme Fanta Berete, M. Elie Califer, M. Victor Catteau, M. Paul Christophe, Mme Josiane Corneloup, Mme Laurence Cristol, M. Pierre Dharréville, Mme Sandrine Dogor-Such, Mme Karen Erodi, M. Marc Ferracci, M. Thierry Frappé, Mme Marie-Charlotte Garin, Mme Servane Hugues, M. Cyrille Isaac-Sibille, Mme Sandrine Josso, M. Philippe Juvin, Mme Rachel Keke, Mme Fadila Khattabi, M. Didier Le Gac, Mme Christine Le Nabour, M. Didier Martin, M. Serge Muller, M. Yannick Neuder, Mme Michèle Peyron, M. Jean-Hugues Ratenon, Mme Stéphanie Rist, M. Jean-François Rousset, Mme Prisca Thevenot, M. Nicolas Turquois, M. Frédéric Valletoux, Mme Annie Vidal
Excusés. – M. Thibault Bazin, M. Paul-André Colombani, Mme Caroline Fiat, Mme Caroline Janvier, M. Jean-Philippe Nilor, M. Adrien Quatennens, M. Olivier Serva
Assistaient également à la réunion. – M. Laurent Esquenet-Goxes, M. Damien Maudet, Mme Marianne Maximi