Demander des chiffres, monsieur le rapporteur, ce n'est pas soutenir une politique du chiffre. Il y a une différence entre, d'une part, la nécessité de disposer de statistiques objectives afin d'alimenter le débat et, d'autre part, la volonté de nourrir ces chiffres, par l'action des services, et de les intégrer au management de ces derniers. Au ministère de l'intérieur, le corollaire de la politique du chiffre est le versement d'une prime de résultats exceptionnels, distribuée aux services en fonction des résultats chiffrés qu'ils ont obtenus.
J'ai été un peu triste lorsque Gérald Darmanin a annoncé le retour de la politique du chiffre. Depuis 2012, elle avait officiellement disparu, même si tout le monde savait qu'elle existait encore. M. Darmanin n'a pas eu de mal à la remettre au goût du jour : il lui a suffi de réorganiser une conférence de presse mensuelle pour annoncer des chiffres ayant en réalité peu d'impact sur les types de délinquance que nous entendons combattre.
Cette pratique est délétère car elle participe à la perte de sens du métier de policier. Je l'ai vu lors de ma modeste expérience d'une semaine en immersion dans les services de police : cela prenait la forme d'un beau tableau accroché au mur, avec des bâtons dans des cases. La hiérarchie demandait aux fonctionnaires de police, par exemple, de ramener trois fumeurs de shit et de ne pas rentrer d'un contrôle routier sans avoir verbalisé dix conducteurs en état d'ivresse. Cela nuit au discernement des policiers et à la confiance que leur accorde la population. C'est pour cette raison qu'il faut rompre avec la politique du chiffre.