Intervention de Florent Boudié

Réunion du mercredi 2 novembre 2022 à 14h35
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFlorent Boudié, rapporteur :

Il est normal que nous, députés, fassions de la politique, mais il est bon aussi que nous fassions un peu de droit, car nous sommes censés l'écrire.

Quel est le droit applicable ? Je le dis notamment à l'attention de M. Vicot, c'est une loi de 2001 qui a introduit la vidéoconférence dans les procédures pénales, pour les auditions et les confrontations. L'article 706-71 du code de procédure pénale qui en est résulté dispose dans sa rédaction actuelle : « il peut être recouru au cours de la procédure pénale, si le magistrat en charge de la procédure ou le président de la juridiction saisie l'estime justifié, dans les cas et selon les modalités prévus au présent article, à un moyen de télécommunication audiovisuelle ».

Nous avons donc un recul de vingt et un ans. J'ai souhaité auditionner la Défenseure des droits et lui ai demandé si son institution avait reçu ne serait-ce qu'une réclamation à ce sujet. Elle est néanmoins défavorable à ce dispositif, pour d'autres raisons. En tout cas, nous ne proposons pas un dispositif nouveau, et rien d'incongru.

Au reste, le dépôt de plainte et la déposition par vidéoconférence seront simplement une possibilité. C'est déjà ce que prévoit l'article 6, et le Conseil d'État l'a rappelé dans son avis, mais pour clarifier encore les choses, je proposerai de préciser par amendement : « La plainte par un moyen de télécommunication audiovisuelle ne peut être imposée à la victime. » J'ai retenu la rédaction qui figure dans le code de procédure pénale pour la plainte par voie électronique.

J'ai souhaité aller plus loin : je proposerai que le décret d'application de l'article 6 soit non pas un décret simple, comme cela figure dans la version actuelle du texte, mais un décret en Conseil d'État. C'est une garantie supplémentaire : lorsqu'il examinera le projet de décret, le Conseil d'État veillera bien évidemment à la prise en compte des préconisations, des objections ou des critiques qu'il a pu émettre dans son avis à propos de l'article 6.

Le Sénat a ajouté l'exigence que le décret soit pris après avis de la Commission nationale de l'informatique et des libertés (Cnil). D'après le secrétaire général de la Cnil, que nous avons interrogé, il n'était pas obligatoire de prévoir la consultation de la Cnil, au regard de ses compétences. Néanmoins, je ne proposerai pas de supprimer cet avis préalable de la Cnil, car vous ne manqueriez pas de chercher à le réintroduire en séance. Il est plus simple de le conserver, pour éviter un débat à ce sujet. Quoi qu'il en soit, la Cnil sera nécessairement consultée si le ministère de l'intérieur est amené à créer un traitement de données à caractère personnel pour les besoins de la vidéoconférence.

La question de limiter la procédure aux seules atteintes aux biens se pose effectivement. Le Sénat avait dans un premier temps exclu le dépôt de plainte par vidéoconférence pour les atteintes aux personnes, mais est revenu sur sa décision en séance. Toutefois, madame Faucillon, les associations d'aide aux victimes, notamment aux femmes ayant subi des violences, souhaitent qu'il soit possible de déposer plainte par vidéoconférence ; elles nous l'ont dit très clairement. Dans certaines situations, les victimes préfèrent être en vidéoconférence plutôt que d'aller dans les locaux d'un commissariat ou d'une unité de gendarmerie. Avec l'article 6, tout dépendra du choix de la victime : si elle estime qu'elle a besoin d'aller dans les locaux d'un commissariat, elle le fera ; si elle préfère passer par la vidéoconférence, elle pourra le faire.

Enfin, n'ayons pas un débat sur la fracture numérique ! J'habite à Eynesse, village de 602 habitants, où la connexion n'est pas toujours de bonne qualité. S'il y a dans le village des victimes d'infraction, elles se rendront probablement dans les locaux de la brigade territoriale de gendarmerie de Sainte-Foy-la-Grande, à 12 kilomètres. En résumé, les victimes ne feront évidemment pas le choix de la vidéoconférence si elles estiment que cette procédure ne les protège pas compte tenu des infractions ou des violences dont elles ont fait l'objet, ni si elles n'ont pas la capacité matérielle ou technique d'y recourir.

Tel est le cadre, qui me semble de nature à apaiser les craintes quant aux éventuelles conséquences néfastes du dispositif. Je donne un avis défavorable aux amendements de suppression.

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