Avant tout, monsieur le garde des sceaux, je voudrais vous dire que la loi organique prévoit que, lorsque l'on pose des questions à votre administration concernant les finances, la date limite de remise des questionnaires est le 10 octobre. À cette date, j'avais obtenu 20 % de réponses aux questions que j'avais posées. Peut-être faudrait-il que vous mettiez déjà un peu d'ordre à la Chancellerie.
J'en viens au budget pour 2023. Celui-ci semble traduire les premières conséquences que le ministère entend tirer des recommandations formulées par le comité des états généraux de la justice en juillet dernier. Nous pouvons nous en réjouir. Toutefois, derrière des effets d'annonce, je tenterai de vous démontrer que la réalité est hélas bien plus complexe et ambiguë qu'il n'y paraît.
Si le budget global de la mission augmente, il est tout juste dans la moyenne de l'augmentation globale du budget de l'État, ni plus ni moins. Et si vous déduisez l'inflation, vous vous apercevez que l'augmentation réelle n'est vraiment pas à la hauteur des enjeux. Vous allez évidemment tenter de le nier, monsieur le garde des sceaux, mais les faits sont hélas têtus.
S'agissant de la justice judiciaire, il convient de rappeler que les difficultés structurelles des juridictions sont considérables. À titre d'exemple, le taux de vacance des postes de greffiers s'établit à 7,2 %, soit 2,7 points de plus qu'en 2019. De plus, les cibles fixées en matière de délais de traitement des affaires civiles repartent à la hausse.
La Première ministre a annoncé la création de 1 500 postes de magistrats sur cinq ans, dont 200 sont créés l'année prochaine – on peut donc espérer que les autres viendront s'y ajouter les années suivantes. Toutefois, le ministère reste dans l'ambiguïté sur l'entrée en fonction de ces nouveaux magistrats : seront-ils opérationnels en 2023, en 2024 ou en 2025 ? Quant à la revalorisation à hauteur de 1 000 euros mensuels de la rémunération des magistrats, sous la forme d'une hausse des primes forfaitaires et modulables qui leur sont versées, vous savez qu'elle ne suffira pas à renforcer l'attractivité de la profession.
Vous devez aussi faire face à la lassitude des greffiers. Malgré l'annonce d'une augmentation des rémunérations sur trois ans, leurs motifs de grogne restent nombreux. Certains de leurs représentants syndicaux considèrent que vous leur faites un numéro de poker menteur et que vous êtes le fossoyeur des métiers du greffe. Que leur répondez-vous ?
Le Conseil d'État vous a aussi enjoint de publier un décret encadrant la numérisation des dossiers administratifs des magistrats, afin de protéger enfin la confidentialité de ces données. Je sais bien que le cordonnier n'est pas toujours le mieux chaussé, mais cela prouve que votre ministère est encore bien loin d'être celui du droit, particulièrement à l'égard de ses personnels.
Il serait anormal que je ne vous parle pas de Portalis, dont l'objectif est de dématérialiser toute la procédure civile et qui continue de patiner, alors que des dizaines de millions d'euros y ont été engloutis. Heureusement que vous voulez mettre le paquet sur le numérique !
Venons-en à l'administration pénitentiaire. En dépit de la livraison de nouvelles places de prison,…