Les trois principales critiques que notre groupe a adressées au projet de loi de programmation des finances publiques pour les années 2023 à 2027 demeurent, même si, en commission comme en séance publique, les votes de l'opposition ont fortement atténué le caractère négatif de ce texte.
La première critique a trait aux collectivités locales. Messieurs les membres du Gouvernement, vous persistez dans la dérive jacobine : ce texte est, comme le projet de loi de finances, fondamentalement contraire aux principes fondateurs de la démocratie locale, en particulier de la décentralisation. En somme, vous êtes thatchériens quand nous sommes tocquevilliens. L'article 23 du projet de loi, abrogé en séance publique, est un nouvel avatar du pacte de Cahors, qui fut un échec. Pourquoi voulez-vous recréer une tutelle sur des collectivités locales qui dégagent globalement un excédent de fonctionnement leur permettant d'avoir un taux d'autofinancement élevé et de ne pas peser sur les déficits publics ? Pourquoi, alors que la dette publique locale décline – elle ne représente que 10 % du PIB – et que, contrairement à celle de l'État, elle est exclusivement affectée à l'investissement ?
Ce texte poursuit également le démantèlement de la fiscalité locale en ôtant, en deux ans, au bloc communal et aux départements la CVAE, composante majoritaire de la contribution économique territoriale (CET) qui s'était substituée à la taxe professionnelle : cette première réforme avait retiré aux collectivités locales le droit de fixer le taux de la CVAE mais avait maintenu la territorialisation de l'assiette, quand votre seconde réforme supprime la territorialisation et poursuit le démantèlement de la fiscalité locale. Il ne reste presque plus, pour les départements et les régions, d'impôts locaux dont les assemblées délibérantes peuvent fixer les taux ; pour le bloc communal, il reste le foncier bâti dont la pérennité est d'ailleurs menacée par le nouveau report de la réforme de l'assiette.
Deuxième critique : vous réduisez des impôts à crédit sans diminuer le taux de prélèvements obligatoires dans la durée et sans faire baisser le déficit public suffisamment rapidement. Est-il sérieux de supprimer, en deux ans, la CVAE, pour un coût brut de 8 milliards d'euros, la redevance audiovisuelle pour 3 milliards et la dernière tranche de la taxe d'habitation pour 2,8 milliards, alors que le déficit public est maintenu à 5 % du PIB en 2023 ? Le HCFP prévoit d'ailleurs un déficit public inférieur aux 5 % que vous annoncez en 2022 mais supérieur à 5 % en 2023, du fait d'hypothèses trop optimistes sur les taux d'intérêt à dix ans – 2,5 % à la fin de 2023 alors qu'ils se situaient à 2,7 % au début de ce mois ; ainsi que sur le taux de croissance – 1 % en volume alors que les prévisions se dégradent de mois en mois et oscillent actuellement entre 0 % et 0,6 % –, et sur le baril de pétrole – vous avez retenu un prix de 85 dollars alors qu'il a dépassé 90 dollars et s'achemine vers 100 dollars à cause de la position de l'Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep).
Troisième critique : vous augmentez excessivement les dépenses publiques et vous n'avez pas le courage de faire des économies structurelles. Comme l'a affirmé le HCFP, votre affichage d'une baisse de 1,5 % en volume des dépenses publiques est une présentation fallacieuse qui dissimule une augmentation de 0,7 %, obtenue par l'utilisation de l'indice implicite des prix du PIB et non l'indice des prix à la consommation et par l'élimination des effets des mesures ponctuelles liées à la crise énergétique. Vous dépensez 45 milliards d'euros en 2023 pour limiter à 15 % la hausse des prix de l'électricité et du gaz et vous financez cet énorme coût par les reversements des contrats à prix garantis des énergies renouvelables pour 10 milliards d'euros et par les versements des entreprises énergétiques pour 20 milliards, ce qui laisse 15 milliards nets à financer dans le budget de l'État. Ces mesures sont des mesures générales qui font baisser l'indice des prix à la consommation de 3,2 %, mais le courage aurait consisté à concentrer les aides sur nos concitoyens les plus en difficulté, ce qui serait plus juste socialement et plus économe des deniers publics : nous avions d'ailleurs défendu cette approche dès le mois de juillet lors de l'examen du projet de loi de finances rectificative pour 2022. Notre groupe votera donc, je le répète, contre ce texte.