D'ordinaire, lorsqu'on entend le mot « dématérialisation », on se dit qu'il y a un risque d'éloignement, avec la fermeture d'un guichet, ou un risque lié à la fracture numérique. En l'espèce, les choses sont différentes, car la proposition de loi vise à simplifier la vie des Français de l'étranger.
Il arrive souvent que nos concitoyens établis hors de France rencontrent des difficultés d'accès à l'administration, notamment lorsqu'ils vivent loin d'une ambassade ou d'une section consulaire. C'est face à ce constat qu'il a été décidé d'expérimenter la dématérialisation de l'état civil par le ministère des affaires étrangères. Cette démarche doit permettre de répondre à la demande des usagers, qui souhaitent gérer certaines procédures à distance, sans avoir à se déplacer.
Notre groupe soutient la dématérialisation, tout en émettant certaines réserves. Après cinq ans, les retards se sont accumulés et le coût total du projet devrait doubler, tandis que l'un des volets de l'expérimentation n'a pas été mis en œuvre. Pour l'heure, le compte n'y est donc pas, ce qui est regrettable, tant cette expérimentation est essentielle pour les quelque 2,5 millions de Français résidant à l'étranger.
D'autres avant moi ont dressé l'historique de ce projet, mais je rappellerai que notre assemblée a validé l'expérimentation en 2018 et l'a prolongée une première fois jusqu'en juillet 2024. Certes, la pandémie de covid a provoqué certains retards, mais le ministère fait aussi face à des difficultés techniques. De toute évidence, le Gouvernement a surestimé ses capacités. Le ministère des affaires étrangères n'a mis en œuvre l'expérimentation relative à la délivrance des actes qu'à partir de mars 2021, mais ne l'a pas encore appliquée à leur établissement et à leur conservation.
En plus des délais, le coût prévisionnel total du projet augmente, pour atteindre 11,3 millions d'euros, plus du double de son estimation initiale de 5 millions d'euros.
C'est sur le volet « délivrance » des copies et extraits d'actes d'état civil que nous nous attarderons, car c'est le seul qui a été mis en œuvre. Il a produit des résultats positifs, puisqu'en 2023, seulement 0,3 % des 1,26 million de demandes adressées à l'état civil du ministère des affaires étrangères étaient assorties d'une demande d'impression.
Certains résultats peuvent toutefois conduire à s'interroger : alors que l'un des objectifs de la réforme était de réduire le délai de traitement, le bilan de l'expérimentation atteste d'une contreperformance, avec un délai moyen de traitement passant de 8,5 jours en 2021 à 14 jours en 2023.
Concernant le second volet de l'expérimentation, nous sommes également réservés : nous constatons qu'il n'a toujours pas été mis en œuvre et qu'il ne le sera pas avant 2025.
Cette prolongation doit être la dernière et on se demande si le ministère réussira à tenir les nouveaux délais : le rapport du Sénat indique bien que le « nouveau calendrier prévisionnel reste à stabiliser » et que son respect dépend du maintien d'une capacité budgétaire et humaine. Notre groupe votera pour ce texte, car il sera utile à nos concitoyens, mais espère que le Parlement sera mieux informé – et annuellement – de l'avancement de cette dématérialisation.