Le 3 août, Sylvie Sanchez a été tuée par son ex-compagnon, malgré une main courante déposée pour des menaces de mort deux mois auparavant. Le futur meurtrier avait quitté la gendarmerie avec une simple convocation pour une audience qui devait se tenir le 3 novembre, soit cinq mois après les faits. Un tel délai n'est malheureusement pas inhabituel en la matière, il peut même être bien plus long dans certaines juridictions. Il existe une tension entre l'urgence à statuer, en matière de violences conjugales, et les délais nécessaires à l'enquête pénale puis à l'audiencement – le temps procédural est souvent incompatible avec le temps de la victime. Les meurtres de femmes, quels que soient les progrès qui seront accomplis, ne seront jamais adéquatement combattus si le temps n'est pas considéré comme un facteur absolument prioritaire.
Néanmoins, l'urgence à statuer ne doit pas faire oublier les droits de la défense et le principe du contradictoire. L'ordonnance de protection, créée en 2010, est un moyen de concilier ces exigences. Cet outil, devenu incontournable au fil des ans, reste beaucoup moins utilisé qu'en Espagne, pays pionnier en matière de lutte contre les violences intrafamiliales – le nombre d'ordonnances de protection délivrées y est dix-sept fois plus élevé qu'en France.
Certes, nous partons de très loin : rien n'a été réellement fait pendant des dizaines d'années. Nous devons donc rattraper notre retard dans cette lutte, car le temps est un facteur fondamental qui joue contre les victimes. Soyons plus ambitieux, ne limitons pas notre action à l'ordonnance de protection et mettons à la disposition des victimes, femmes et enfants, davantage de places d'hébergement spécialisées pour répondre à leurs besoins spécifiques.
En effet, seuls les hébergements spécialisés peuvent apporter le réconfort, la sécurité et l'aide indispensables à une reconstruction. Or le nombre de ces hébergements est trente-trois fois moins important en France qu'en Espagne, alors que la population française est supérieure de 30 % à celle de l'Espagne. Le nombre de places correspond ainsi à seulement à 15 % des besoins identifiés.
Il faut davantage de policiers et de gendarmes pour recueillir les plaintes, car le temps d'écoute est important pour permettre le dévoilement des faits de violence ; il faut des brigades spécialisées et formées, car les notions d'emprise et de dépendance ne sont pas toujours faciles à appréhender.
Il faut également plus de juges et de greffiers, car les ordonnances de protection s'ajoutent à des rôles d'audience déjà bien chargés. Dans un tribunal judiciaire, lorsqu'il manque la moitié des juges aux affaires familiales – qu'importe les raisons – le système dysfonctionne encore plus et les délais s'allongent, ce qui n'arrange rien dans les dossiers contentieux.
En outre, il faut mettre fin à l'empilement législatif, qui privilégie les bonnes intentions aux dépens de règles bien pensées et applicables. Nous avons besoin d'une loi-cadre, pensée sur le modèle de la loi-cadre espagnole de 2004, qui prendrait en compte tous les aspects civils, pénaux et économiques, ainsi que la situation des enfants. Un tel texte commencerait par la mise à plat complète des dispositifs existants et la chasse aux angles morts.
Malgré le Grenelle des violences conjugales, les campagnes de sensibilisation, les avancées incontestables dans la prise en charge des victimes et les avancées procédurales apportées, en particulier, par l'ordonnance de protection, le nombre de féminicides continue d'augmenter, comme l'ont montré l'envolée record des chiffres en 2022 et, plus inquiétant encore, la très forte augmentation – + 45 % – des tentatives de féminicides.
Tant que nous ne modifierons pas sérieusement et durablement le regard que certains hommes portent sur les femmes, nombre d'entre elles continueront à mourir sous les coups de leur conjoint.
Nous saluons les avancées, mais la route est encore longue. Le présent texte va dans le bon sens, car il améliore la protection des victimes, initiée par le texte fondateur des ordonnances de protection. Le groupe Rassemblement national votera en faveur de son adoption.