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Intervention de Yannick Favennec-Bécot

Séance en hémicycle du mercredi 5 juin 2024 à 14h00
Allongement de l'ordonnance de protection et création de l'ordonnance provisoire de protection immédiate — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYannick Favennec-Bécot :

Je ne ferai pas durer le suspense : le groupe Libertés, indépendants, outre-mer et territoires soutiendra pleinement cette proposition de loi. À l'heure où les violences conjugales ne cessent de progresser, l'arsenal judiciaire mis à disposition des victimes doit être à la hauteur des enjeux.

À chaque fois que notre assemblée est amenée à étudier un texte traitant des violences faites aux femmes, les mêmes chiffres alarmants reviennent. Je tiens cependant à les rappeler encore une fois, pour que chacun prenne conscience de la gravité de la situation. Rien qu'en 2022, on recense 244 000 victimes de violences conjugales – essentiellement des femmes –, soit une augmentation de 15 % par rapport à 2021 ! Quant aux féminicides, le bilan de 2023 reste intolérable : 134 femmes ont été tuées, selon les associations.

Face à ces drames, l'ordonnance de protection a déjà démontré toute son utilité, mais elle reste sous-employée : seules 3 300 ordonnances ont été délivrées en 2020. Il faut donc encore améliorer cet outil ; tel est l'objet de ce texte. Je tiens à remercier Mme la rapporteure pour le travail mené au cours de la navette parlementaire.

Le groupe LIOT soutient sans réserve le doublement, de six à douze mois, de la durée de l'ordonnance. Cette mesure est issue de la proposition de loi de Cécile Untermaier que notre assemblée a adoptée à l'unanimité il y a plus d'un an. Nous avons déjà perdu beaucoup de temps ; il faut désormais que la proposition de loi d'Émilie Chandler entre rapidement en vigueur.

L'autre grand apport de cette proposition de loi tient à la création d'un dispositif complémentaire, une ordonnance provisoire qui serait rendue sous vingt-quatre heures. Cette avancée essentielle est très attendue, en particulier par les associations de défense des droits des femmes et d'aide aux victimes. En effet, l'ordonnance actuelle ne répond pas aux cas de danger imminent. En cas d'urgence, il faut que le juge puisse intervenir au plus vite.

Si cette mesure, telle qu'elle est présentée dans cette proposition de loi, est indéniablement une avancée, notre groupe s'interroge encore sur son application. En pratique, le juge aux affaires familiales pourra-t-il se saisir et rendre une décision dans les temps ? Une loi sans mise en œuvre concrète resterait une simple déclaration d'intention. Je connais la détermination du garde des sceaux à ce sujet ; j'espère donc qu'il veillera à ce que la justice dispose des moyens suffisants pour tenir les délais.

Notre groupe se réjouit aussi de l'extension de certaines garanties votées au Sénat, notamment la possibilité de dissimuler l'adresse, de suspendre temporairement les droits de visite et d'hébergement et surtout d'octroyer un téléphone grave danger en cas d'ordonnance provisoire.

Nous avons cependant un regret qui porte sur la protection des enfants de la victime. La commission mixte paritaire a fait le choix de supprimer la possibilité pour le juge, en cas d'ordonnance de protection, de dissimuler l'adresse de l'école des enfants. Cette suppression est liée à des limites juridiques, le juge aux affaires familiales n'étant pas compétent en matière de titularité de l'autorité parentale. Bien sûr, nous entendons ces réserves, mais il aurait été souhaitable de trouver une solution de compromis plutôt que de supprimer cette mesure, car un parent visé par une ordonnance de protection peut aussi constituer un danger pour ses enfants. Faute d'une telle mesure, nous espérons que les juges n'hésiteront pas à prononcer, si cela est nécessaire, une interdiction de paraître dans les lieux fréquentés par les enfants.

Enfin, j'aborderai la question de l'application concrète de l'ordonnance de protection. Le groupe LIOT tient à rappeler que les dispositifs que nous votons ici, à Paris, doivent être appliqués avec la même efficacité et la même exigence dans tous nos territoires, par exemple dans le département de la Mayenne où se trouve ma circonscription. En matière de violences conjugales, les fractures territoriales jouent contre les femmes. Je n'ai pas besoin de rappeler que certains territoires sont parfois délaissés ; ce sont toujours les mêmes, les zones rurales et les outre-mer.

En dépit des efforts indéniables déployés ces dernières années pour redonner des moyens à la justice, ces fractures se font malheureusement toujours sentir. Les mesures que nous votons ici trouvent une application tardive ou même décalée dans le temps dans certains territoires d'outre-mer. Je ne peux donc qu'espérer que la mise en œuvre de cette nouvelle proposition de loi sera à la hauteur des objectifs qu'elle se fixe.

Je l'ai dit, le groupe LIOT votera évidemment pour cette proposition de loi ; nous espérons qu'elle recueillera l'unanimité des votes de notre assemblée.

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