…la loi du 28 décembre 2019 visant à agir contre les violences au sein de la famille a permis de renforcer le recours aux ordonnances de protection.
Elle dispose notamment que l'absence de dépôt de plainte pénale ne peut fonder un refus de délivrance et que la victime conserve la jouissance du logement commun, et prévoit la possibilité d'aménager le droit de visite du conjoint défendeur, le placement sous surveillance électronique du conjoint violent dès la délivrance de l'ordonnance de protection ou encore l'information automatique du procureur de la République.
Surtout, face à l'urgence des situations, elle fixe à six jours maximum le délai de délivrance d'une ordonnance de protection par le juge aux affaires familiales. Ce délai est une avancée importante, mais insuffisante pour répondre pleinement à l'urgence des situations de violences conjugales. Aussi convient-il de prévoir une ordonnance de protection immédiate, temporaire, dans l'attente de la décision au fond sur l'ordonnance de protection. C'est ce que tend à faire, salutairement, cette proposition de loi en son article 1er , qui prévoit en outre d'allonger la durée initiale de l'ordonnance de protection de six à douze mois. La durée actuelle est effectivement insuffisante pour répondre à des contextes particulièrement conflictuels, qui nécessitent plus de six mois pour trouver des solutions.
Saluons les autres avancées proposées et adoptées par le Sénat. Je pense à la suspension provisoire du droit de visite et d'hébergement de l'auteur présumé des violences et à l'extension du bénéfice de l'ordonnance provisoire de protection immédiate aux personnes majeures menacées de mariage forcé. Évoquons également la possibilité d'attribution d'un téléphone grave danger dans le cadre de cette procédure provisoire, ainsi que les garanties supplémentaires apportées pour masquer l'adresse de la victime ou encore une précision légistique bienvenue pour éviter que la demande d'ordonnance de protection soit refusée au motif qu'il n'y a plus de cohabitation. Ces avancées indéniables doivent être unanimement soutenues, tant elles permettent de combler des failles dans notre dispositif de protection et constituent des avancées dans la lutte contre les violences conjugales. Le groupe Les Républicains votera donc en faveur de ce texte.
Pour autant, une importante marge de progression demeure. Si près de 5 800 ordonnances de protection ont été demandées en 2022, près de 40 000 ont été sollicitées en 2018 en Espagne, pour une population moins nombreuse. Un long chemin reste à parcourir pour rattraper nos voisins ibériques, qui, grâce à un fort volontarisme politique, ont réussi de façon exemplaire à lutter plus efficacement contre les violences conjugales. Cette proposition de loi ne permettra pas de résoudre le problème du faible recours aux ordonnances de protection dans notre pays. Nous devons donc nous montrer particulièrement vigilants sur ce point et viser une amélioration du niveau de recours.
Surtout, le périmètre des ordonnances de protection mériterait d'être étendu. Si les victimes de violences conjugales et les enfants covictimes peuvent en bénéficier et s'il existe une ordonnance de protection pour les personnes majeures menacées de mariage forcé, une lacune importante demeure dans la mise à l'abri des enfants victimes de violences. Les parents mis en cause ne font pas automatiquement l'objet d'une mesure d'éloignement et, dans la plupart des cas, les enfants restent exposés aux violences à la suite d'un signalement. Il est donc nécessaire de rendre obligatoire la saisine du juge aux affaires familiales par le ministère public pour qu'il se prononce sur les modalités d'exercice de l'autorité parentale. Enfin, une ordonnance de protection immédiate pour l'enfant victime de violences reste à inventer.