Ce texte va dans le bon sens : il solidifie le dispositif de protection des victimes en renforçant l'ordonnance de protection, par un allongement de sa durée notamment, et en créant l'ordonnance provisoire de protection immédiate. Il constitue un progrès car toute protection supplémentaire est bonne à prendre au regard de l'urgence qu'il y a à agir pour protéger les femmes victimes de violences – le nombre effrayant de féminicides que vous avez cité, madame la ministre, ne nous la rappelle que trop – mais en raison de cette même urgence, il apparaît très insuffisant.
D'abord, ses dispositions semblent difficilement applicables. Le bon fonctionnement de l'ordonnance provisoire de protection immédiate risque de se heurter aux réalités du terrain – je veux parler de la situation calamiteuse dans laquelle se trouvent les tribunaux judiciaires, surchargés et en manque d'effectifs. Le texte prévoit en effet que cette ordonnance sera délivrée sous vingt-quatre heures, en urgence, par le juge aux affaires familiales. Toutefois, dans la configuration actuelle, ce magistrat ne dispose pas de permanence sept jours sur sept. Il faudrait donc modifier en profondeur l'organisation des tribunaux pour accueillir cette nouvelle mesure, ce qui paraît difficilement envisageable au vu de la situation que je viens d'évoquer.
Cette mesure risque donc d'être mal appliquée, voire de ne pas être appliquée du tout, si des moyens supplémentaires bien orientés ne sont pas alloués aux tribunaux. Pour que l'OPPI puisse se concrétiser et déployer toute son efficacité, il serait nécessaire d'investir massivement dans les services publics, en l'occurrence ici dans la justice.
Plus largement, ce texte seul est très loin d'être à la hauteur de l'ampleur et des conséquences des violences sexistes et sexuelles et des violences intrafamiliales sur la vie des victimes. La réponse qu'il apporte en matière de protection des victimes et de lutte contre les VSS et les VIF ne comporte qu'un volet judiciaire et répressif et n'est que provisoire, limitée au court terme. Certes, il est nécessaire de disposer d'outils face à l'urgence, qui permettent aux victimes d'être protégées rapidement : c'est le sens de l'OPPI. Certes, il est nécessaire de donner plus de temps aux victimes pour se mettre en sécurité et reconstruire une situation stable : c'est le sens de l'allongement de l'ordonnance de protection de six à douze mois.