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Intervention de Émilie Chandler

Séance en hémicycle du mercredi 5 juin 2024 à 14h00
Allongement de l'ordonnance de protection et création de l'ordonnance provisoire de protection immédiate — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉmilie Chandler, rapporteure de la commission mixte paritaire :

Madame la ministre Aurore Bergé, permettez-moi de saluer dès à présent votre engagement sur cette question.

La proposition de loi a été examinée dans cet hémicycle le 5 mars dernier. Elle est issue du rapport sur le traitement judiciaire des violences intrafamiliales – les VIF – que j'ai rédigé avec Dominique Vérien, rapporteure du texte au Sénat, et dont je salue ici également l'engagement.

Alors même que les victimes qui tombent chaque année sous les coups de leur conjoint sont encore trop nombreuses, la proposition de loi apporte des solutions concrètes et une protection maximale aux victimes de violences intrafamiliales, y compris dans les cas où la procédure pénale n'est pas encore engagée.

L'article 1er crée un nouveau dispositif : l'ordonnance provisoire de protection immédiate. Celle-ci pourra être délivrée en vingt-quatre heures par le juge aux affaires familiales (JAF) en cas de danger grave et immédiat. Elle ne pourra être octroyée que dans le cas où une ordonnance de protection classique aura été demandée, car elle demeure accessoire à cette dernière.

Les mesures prises dans le cadre de cette ordonnance provisoire prendront fin dès qu'une décision sur l'ordonnance de protection aura été prise. Ce dispositif doit permettre de ne pas laisser sans protection une victime de violences dans l'attente d'une décision sur sa demande d'ordonnance de protection.

Le Sénat souhaitait que la personne en danger puisse, sur avis conforme du procureur de la République, demander une ordonnance provisoire de protection immédiate. Cependant, tant pour éviter tout risque d'instrumentalisation que pour ne pas rendre la procédure plus complexe, seul le parquet sera habilité à faire cette demande.

La violation d'une mesure prise dans le cadre d'une ordonnance de protection immédiate sera passible de 45 000 euros d'amende et de trois ans d'emprisonnement. Le même quantum de peine sera applicable en cas de violation de l'ordonnance de protection.

L'article 2 bis, enfin, prévoit que puisse être octroyé un téléphone grave danger (TGD) dans le cadre d'une ordonnance provisoire de protection immédiate. C'est une nouveauté.

Au-delà de la création de ce nouveau dispositif, nous avons également renforcé le dispositif de l'ordonnance de protection classique. L'article 1er du texte prévoit ainsi que soit prolongée jusqu'à douze mois, contre six aujourd'hui, la durée des mesures prononcées par le juge dans le cadre de l'ordonnance de protection. Cet allongement laisse plus de temps à la personne en danger pour organiser sa séparation, même si elle n'est pas mariée et si elle n'a pas d'enfant, pour une véritable égalité, quelle que soit la structure du foyer.

À l'initiative de la rapporteure du Sénat, l'article 1er bis garantit qu'une personne bénéficiant d'une ordonnance de protection et qui a demandé la dissimulation de son adresse voie cette dernière masquée lors de la transmission des listes électorales : cette mesure de précaution utile est reprise dans le texte de compromis.

Enfin, le Sénat a souhaité que le juge aux affaires familiales puisse attribuer temporairement à la partie demanderesse, dans le cadre de cette ordonnance de protection, la garde de l'animal de compagnie. Les animaux de compagnie sont en effet trop souvent utilisés dans ces procédures pour faire pression sur les victimes de violences, majeures comme mineures. Il nous a semblé important de conserver cet ajout dans le texte de compromis.

Nous n'avons pas retenu la possibilité pour le juge d'autoriser la partie demanderesse à dissimuler l'adresse de l'école de ses enfants car cela paraît incompatible avec les prérogatives du juge aux affaires familiales.

Le texte adopté par le Sénat a modifié les conditions d'octroi d'une ordonnance de protection classique en faisant du danger et des violences vraisemblables un seul et même critère. Malheureusement, ce changement fragilise juridiquement le dispositif, risque que nous ne pouvons nous permettre de prendre. Néanmoins, pour clarifier notre intention en tant que législateur, nous vous proposons d'inclure la mention expresse qu'une ordonnance de protection peut être délivrée même en l'absence de cohabitation entre les deux époux. Soyons clairs : l'appréciation du danger ne doit pas être liée à ce critère de cohabitation.

Je me félicite que ce texte arrive déjà au bout de son chemin législatif car il met à la disposition des juges un instrument supplémentaire pour protéger dans l'urgence les victimes de violences intrafamiliales, qu'il s'agisse d'adultes ou d'enfants. En tant que parlementaires, il nous reviendra évidemment de suivre la mise en œuvre de cette ordonnance provisoire de protection immédiate, notamment son appropriation par le ministère public.

Pour éradiquer ce fléau social, nous ne lâcherons rien, jamais !

Le Sénat a adopté le texte issu des travaux de la commission mixte paritaire (CMP) lundi dernier. J'espère qu'il sera également voté par notre assemblée à une large majorité.

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