La réussite en licence témoigne de l'attention accordée par les pouvoirs publics à la formation et à l'épanouissement des jeunes générations. L'automne dernier, lors de l'examen du projet de loi de finances, j'avais alerté sur le ressentiment que créait notre système d'enseignement supérieur en orientant les lycéens vers des formations parfois sans débouchés ni perspectives. La réussite des étudiants en licence est également, en partie au moins, une affaire d'argent public. Le chiffrage des moyens alloués par l'État au cycle de licence est toutefois difficile à réaliser.
Deux indicateurs principaux permettent de mesurer où en est la France en termes de réussite des étudiants en licence : le taux d'obtention du diplôme en trois ou quatre ans, et le taux de passage en deuxième année de licence. Des réserves, que je partage, ont été exprimées, en particulier par les syndicats étudiants, sur cette approche que l'on pourrait dire normative, car elle valorise les trajectoires linéaires. Ce sont néanmoins les seules données statistiques objectives et comparables disponibles aujourd'hui.
À cette aune, peut-on dire que les étudiants réussissent en licence en France ? Insuffisamment, sans aucun doute. Réussissent-il mieux en licence qu'auparavant ? Oui ; la situation s'améliore depuis quelques années. Le taux de réussite en licence en trois ou quatre ans atteint près de 47 % pour les bacheliers entrés à l'université en 2018, dernière année pour laquelle les données de cohorte sont disponibles. C'est moins d'un étudiant sur deux, mais nettement mieux que les 41 % enregistrés pour les bacheliers de la session 2012. Le taux de passage en deuxième année de licence progresse également, passant de moins de 40 % pour les bacheliers de 2012 à 45,4 % pour ceux de 2018.
Cette amélioration est, pour partie, à mettre au crédit des réformes adoptées depuis 2017 sous l'impulsion de la majorité : la moitié des 4 points de hausse du taux de passage en deuxième année de licence enregistrés entre 2017 et 2018 est liée aux mesures de la loi du 8 mars 2018 relative à l'orientation et à la réussite des étudiants, dite loi ORE.
Je relève cependant une dégradation de cet indicateur depuis la crise sanitaire et, surtout, des disparités persistantes selon l'origine académique ou sociale des étudiants. Près de 15 points séparent le taux de réussite d'un étudiant dont l'origine sociale, évaluée à partir du profil de ses parents, est très favorisée, de celui d'un étudiant défavorisé. C'est énorme. Je me réjouis, en revanche, que le taux de réussite en trois ou quatre ans soit quasiment équivalent pour les étudiants boursiers et non boursiers, atteignant respectivement 46,8 % et 47,4 %. Notre système de bourses pour soutenir les étudiants les plus fragiles financièrement s'avère donc efficace. Les études statistiques menées en France révèlent un lien positif entre l'attribution d'une bourse et le taux de poursuite d'études dans le supérieur et d'obtention du diplôme.
Sur le plan de la comparaison internationale, ce taux de réussite en licence est légèrement inférieur à la moyenne de l'OCDE ; il est donc à améliorer. Il serait toutefois absurde de comparer nos résultats avec les près de 70 % obtenus par le Royaume-Uni, où la sélection très rigoureuse se fait autant à l'entrée de l'enseignement supérieur que sur l'argent. En France, il n'y a pas de sélection à l'entrée de l'université, à l'exception des filières dites en tension, comme les licences STAPS ou de psychologie ; pour ces formations, dans le cas précis où la demande excède les capacités d'accueil, l'établissement peut classer le dossier des candidats.
Il n'existe pas, à ce jour, de données sur le coût moyen annuel d'un étudiant inscrit en licence à l'université. La subvention pour charge de service public attribuée par l'État aux universités s'élève à 9 348 euros par étudiant et par an, mais tous grades universitaires confondus. Ce chiffre ne distingue pas les étudiants inscrits en licence de leurs camarades inscrits en master ou au-delà. Plus regrettable encore, il n'intègre pas les dépenses de vie étudiante du réseau des Crous, qui représentent pourtant des montants importants – les seules bourses sur critères sociaux s'élèvent à 2, 48 milliards d'euros en 2024. Il faut donc prendre le chiffre de 9 348 euros avec une certaine réserve méthodologique. Le ministère nous a indiqué ne pas disposer d'informations sur la ventilation des dépenses de bourses selon le niveau d'études des bénéficiaires, mais uniquement selon leur échelon. Je regrette cette absence d'information et m'étonne d'autant plus de l'absence de remontée d'informations sur le sujet de la part des Crous.
Le caractère incomplet des données sur l'effort budgétaire de l'État ne permet pas de piloter au mieux la dépense publique et de soutenir efficacement les principaux concernés. Nous ne sommes pas en mesure d'évaluer l'incidence qu'aurait 1 euro d'argent public en plus ou en moins sur la réussite d'un étudiant en licence. Le ministère de l'enseignement supérieur et la recherche devrait s'engager dans la voie d'une meilleure évaluation.
Avec les moyens dont nous disposons à la commission des finances, nous avons essayé d'évaluer, avec prudence, le coût budgétaire de l'échec en licence. En se fondant sur les 33 000 sorties précoces en première année de licence, ce coût représenterait annuellement pour l'État 308 millions d'euros – plus, en réalité, car les décrochages postérieurs à la première année de licence et d'autres dépenses relatives à la vie étudiante ne sont pas pris en compte. Augmenté du coût de la bourse versée aux 14 400 boursiers faisant partie de ces sorties précoces, soit 42 millions d'euros annuels, le coût de l'échec en licence pourrait être estimé à 350 millions d'euros annuels, et il y a fort à parier que ce chiffre est minoré. Une mission plus longue et des outils budgétaires plus performants permettraient d'aboutir à une estimation plus juste.
Il est ressorti de plusieurs auditions que la massification de l'enseignement supérieur appelait une réflexion sur la valeur et le sens à donner au baccalauréat. Constatant que le taux de réussite des étudiants inscrits dans les IUT, qui sont des formations universitaires sélectives, avoisine les 80 %, offrir une place à l'université à tous les bacheliers qui le souhaitent, alors qu'ils sont souvent mal préparés et mal orientés, paraît une stratégie inefficace et, à mon sens, hypocrite compte tenu du fonctionnement implicite de notre société. À quoi bon atteindre 80 % de bacheliers dans une génération, si plus d'un étudiant sur deux échoue en première année de licence ? Il est indispensable de rehausser le niveau d'exigence des enseignements au lycée et de l'examen du baccalauréat.
Je pense aussi qu'il y aurait matière à réfléchir sur la question de la réussite en licence dans le cadre de l'acte II de l'autonomie des universités annoncé par le Président de la République. Quelques établissements pilotes ont déjà commencé à y travailler. Le ministère aurait-il des informations à nous communiquer sur le sujet ?
Enfin, plusieurs auditionnés ont évoqué l'intérêt de passer à une logique de semestrialisation des parcours, alors que nous sommes encore dans une logique très annuelle. Qu'en pense le ministère ?