En cette période de troubles, je tiens à exprimer, au nom du groupe de La France insoumise, notre pleine solidarité avec l'ensemble des citoyens de Nouvelle-Calédonie. Le Gouvernement doit se montrer exemplaire et retirer d'urgence son projet de loi constitutionnelle, pour favoriser le retour au calme le plus rapide et laisser le temps à la négociation. Nous appelons à un accord global entre les parties et un État impartial, quelle qu'en soit la forme. Le processus d'émancipation de la Nouvelle Calédonie est irréversible. Pour des raisons historiques et géographiques, tous les territoires d'outre-mer ont des particularités qu'il nous faut prendre en compte dans la rédaction et l'application des lois. Or, actuellement, ces collectivités sont reléguées, oubliées dans la constitution des lois, ce qui est inacceptable.
Je tiens à saluer la volonté du rapporteur, Davy Rimane, de pointer les limites des compétences des commissions permanentes de l'Assemblée nationale. Trop souvent, ce sont les mêmes qui sont sollicitées sur le fond ; trop souvent, le travail est concentré dans les mains de quelques députés ; trop souvent, l'économie l'emporte sur la protection du vivant et les droits des populations. Mais la création d'une commission permanente aux outre-mer et aux collectivités ne nous semble pas être la bonne solution. Elle risquerait de centraliser tous les députés ultramarins, ce qui priverait les commissions thématiques de leur expertise. Comment alors aborder les problèmes sociaux, environnementaux ou culturels dans ces territoires, la déforestation en Guyane, la pollution au chlordécone dans les Antilles, le taux de chômage à Mayotte, le manque d'enseignants devant chaque classe ?
L'exposé des motifs du texte se concentre sur le besoin d'adaptation locale, en faisant les louanges de la différenciation territoriale défendue par l'exécutif actuel. Notre groupe y est fermement opposé. Si l'on peut reconnaître des spécificités locales, la législation française doit être garante de l'égalité de tous les citoyens devant la loi, peu importe où ils se trouvent sur le territoire, c'est-à-dire assurer à tous un égal accès aux services publics. C'est dans ce sens qu'il faut comprendre l'unité et l'indivisibilité de la République, garanties par la Constitution.
À l'inverse, la différenciation ouvre la voie à une rupture d'égalité entre les citoyens et à une mise en concurrence des collectivités entre elles. C'est aussi le libre cours laissé au désengagement de l'État de ses missions régaliennes, notamment en matière de desserte en services publics. Finalement, la différenciation ne fait que renforcer l'incohérence de l'organisation territoriale, déjà illisible pour bon nombre de nos concitoyens. La priorité, pour une meilleure décentralisation, devrait être de permettre à toutes les collectivités d'exercer correctement leurs compétences. Face à la différenciation, nous appelons plutôt à la déconcentration de l'État, pour renforcer une politique au plus proche des enjeux des territoires, plus adaptée à leurs spécificités. Pour toutes ces raisons, notre groupe ne soutiendra pas cette proposition de loi en l'état.
J'appelle votre attention sur le fait qu'il n'est nulle part fait référence aux deux délégations qui existent, l'une relative aux outre-mer, l'autre aux collectivités territoriales, dont je suis membre. Leur fonctionnement est pourtant très contestable : aucun examen sur le fond, très peu d'examens pour avis et des groupes de travail sans pouvoirs. Comme pour la mission confiée à Éric Woerth, les décisions viennent toujours de l'exécutif. Le fonctionnement de ces délégations aurait besoin d'un renouveau. C'est pourquoi notre groupe soutient la création d'un groupe de travail sur l'organisation et le rôle des délégations aux outre-mer et aux collectivités territoriales.