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Intervention de Pierre Dharréville

Réunion du mercredi 22 mai 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Dharréville, rapporteur :

J'espère pouvoir vous convaincre de la nécessité de concrétiser notre attachement commun à la sécurité sociale au fil de la discussion.

J'ai entendu beaucoup d'horreurs venant du Rassemblement national. Votre premier argument, madame Diaz, pour justifier votre opposition à la constitutionnalisation de la sécurité sociale est, en gros, qu'elle coûte cher. Il est vrai que c'est cohérent avec les propositions de définancement défendues par votre parti à chaque occasion.

La deuxième raison que vous invoquez tient au fait que certains étrangers, qui y contribuent par ailleurs, en bénéficient, et vous y mêlez la question de l'aide médicale de l'État, qui n'est pas incluse dans la sécurité sociale puisqu'elle est financée par le budget de l'État. L'AME est à la fois un geste d'humanité élémentaire et une action de santé publique. Comment être surpris de voir ressurgir, à l'occasion de ce débat, vos obsessions sinistres ? Quoi qu'il en soit, pour cette raison, vous ne constitutionnalisez la sécurité sociale pour personne, et vous ne protégez pas les assurés sociaux.

Enfin, je ne crois pas que la constitutionnalisation empêche le législateur d'adapter le système de sécurité sociale aux évolutions économiques. C'est une analyse qui me semble complètement erronée. À la préférence nationale, je préfère la solidarité nationale et au chacun pour soi, la sécurité sociale pour tous. La sécurité sociale est un grand geste de solidarité mutuelle face aux aléas de la vie et, pour ma part, j'en suis fier. Elle fait partie de la grande histoire du peuple français.

Je dirai quelques mots également à nos collègues de la majorité, qui ont exprimé leurs doutes. Pour ma part, je pense qu'il est nécessaire d'inclure la sécurité sociale dans la Constitution. Madame Poussier-Winsback, je serais intéressé de savoir quelles ambiguïtés vous avez décelées dans la rédaction. Je n'ai pas cherché à produire une réforme cachée de la sécurité sociale, et je ne crois pas d'ailleurs que cette rédaction y conduise : elle nous permet d'évaluer notre niveau d'exigence à l'égard de la sécurité sociale mais elle ne remet pas en cause l'édifice existant.

Monsieur Breton, notre état d'esprit est d'essayer de traduire le consensus que nous espérons autour de la sécurité sociale dans notre loi fondamentale. Nous souhaitons confier au législateur le soin de détailler les conditions d'accès et de définir son périmètre, précisions qui ne nous semblent pas être de nature constitutionnelle.

Monsieur Gouffier Valente, c'est bien la première fois qu'on me reproche de manquer d'esprit critique face à des inégalités ! Je me suis abstenu de souligner toutes les inégalités qui me sautent aux yeux chaque jour pour ne pas vous braquer – vous auriez pensé que je dressais un procès à l'action politique de votre majorité – mais je peux y venir si vous le souhaitez !

Il faut se garder d'idéaliser la sécurité sociale, celle de 1945 comme celle que nous connaissons aujourd'hui. Il faut préserver la dynamique d'invention sociale dans laquelle elle s'inscrit depuis le début, même si je considère que cela n'a pas toujours pris la bonne direction.

Votre groupe et l'ensemble de la majorité posent en principe de ne pas toucher à la Constitution par petits bouts. Si vous en déduisez qu'il faut changer la Constitution de manière plus large, je signe des deux mains : nous sommes plusieurs ici à souhaiter une VIe République ! Ce n'est toutefois pas l'objectif que nous poursuivons avec cette modification.

Mais, si je calcule bien, la majorité prévoit de réunir le Congrès à quatre reprises dans l'année pour modifier la Constitution sur des points qui lui semblent importants. Pourquoi l'opposition ne pourrait-elle pas faire quelques suggestions de ce type ? Quatre réunions du Congrès, pour l'interruption volontaire de grossesse, la Nouvelle-Calédonie, la Corse et peut-être Mayotte, ce n'est pas si mal pour des gens qui ne veulent pas discuter de la Constitution par petits bouts !

Notre intention est de produire un geste commun : dans la période que nous vivons, nous avons besoin de nous rassembler pour honorer la promesse républicaine. Conforter la sécurité sociale n'est pas un luxe, car elle est menacée par des puissances financières qui ne s'en cachent pas ; nous avons donc tout intérêt à mieux la protéger. Je suis bien conscient que le texte que je vous propose pour donner à la sécurité sociale sa juste place dans la Constitution ne sera peut-être pas adopté, mais je vous invite à une véritable discussion sur ce sujet.

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