Intervention de Guillaume Gouffier Valente

Réunion du mercredi 22 mai 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGuillaume Gouffier Valente :

Le texte que nous examinons vise à inscrire après l'article 1er de la Constitution un nouvel article consacré spécifiquement à la sécurité sociale, sous prétexte que l'institution fondamentale de notre république sociale ne serait pas suffisamment préservée. Or notre modèle de sécurité sociale est d'ores et déjà protégé de façon extrêmement robuste, puisqu'il appartient au bloc de constitutionnalité.

En effet, notre modèle de solidarité nationale est consacré par le préambule de la Constitution de 1946, qui précise que la nation garantit à tous « la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs » et proclame « le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». Enfin, les principes fondamentaux du droit du travail et de la sécurité sociale sont déterminés par la loi, comme le souligne l'article 34 de la Constitution, ce même article faisant aussi référence aux lois de financement de la sécurité sociale, expressément mentionnées.

L'objet même de cette proposition de loi constitutionnelle est donc satisfait. Dès lors, on peut s'interroger sur son intérêt réel. Il peut apparaître que, loin de vouloir protéger notre modèle social, votre volonté soit plutôt de figer totalement notre système. En cela, et alors même que notre attachement collectif à notre modèle de sécurité sociale est total, les visions que nous avons de notre société, de ses évolutions et des dispositifs de solidarité à mettre en œuvre divergent fortement.

Notre système d'assurance maladie en 2024 est bien éloigné de celui qui existait au lendemain de la seconde guerre mondiale, et pour cause : notre société a profondément évolué – tertiarisation de l'économie, évolutions sociales et sociétales, modes de vie, vieillissement de la population, entrée plus tardive dans la vie professionnelle. De la prise en considération des accidents du travail à la généralisation du tiers payant, du revenu minimum d'insertion au revenu de solidarité active, de la carte Vitale à Mon espace santé, sans compter le système de solidarité à la source auquel nous travaillons, on aura vu pire, cher Benjamin Lucas, comme projet de casse sociale ! Il nous faut continuer de moderniser notre modèle social, de l'adapter, de lui permettre de prendre en charge de nouveaux risques sociaux comme le grand âge. Pour cela, il faut sortir de la caricature et du déni budgétaire.

Ayant lu attentivement l'exposé des motifs de votre proposition de loi, je trouve par ailleurs que vous manquez d'esprit critique concernant certaines inégalités ou injustices qui demeurent, notamment à l'égard des femmes et des personnes connaissant des carrières hachées, dans un système pensé au lendemain de la seconde guerre mondiale par les hommes et pour les hommes.

Enfin, se poser la question du financement de notre modèle, ce n'est pas être ultra-libéral : c'est servir l'intérêt général, regarder la réalité de notre époque et tout mettre en œuvre pour pérenniser ce modèle. C'est ce que nous nous évertuons à faire depuis 2017 et ce malgré les crises que nous avons dû affronter, auxquelles nous avons choisi d'apporter une réponse reposant non pas sur le libre marché, comme vous le laissez entendre, mais sur la solidarité nationale.

Au-delà de ce débat de fond, passionnant, je vous rappelle la position de principe du groupe Renaissance concernant les révisions de la Constitution : nous ne souhaitons pas toucher à notre texte fondamental par petits bouts. Certes, il nous faut sans cesse actualiser notre contrat social – nous l'avons fait pour l'IVG – ou répondre à certains enjeux d'organisation territoriale – nous nous apprêtons à le faire pour la Nouvelle-Calédonie et la Corse – mais pour le reste, il nous faut une révision constitutionnelle d'ampleur, sur le modèle de celle que nous avions entreprise en 2018. On ne révise pas la Constitution sans un travail de concertation de longue haleine. C'est pourquoi nous voterons contre cette proposition de loi.

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