Intervention de Elsa Faucillon

Réunion du mercredi 22 mai 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaElsa Faucillon :

Notre modèle de sécurité sociale est un précieux acquis, ou plutôt un conquis, du Conseil national de la Résistance. Comme l'a dit Pierre Dharréville, la question est moins de se demander pourquoi il faudrait inscrire la sécurité sociale dans notre Constitution que pourquoi elle n'y est pas encore inscrite.

Depuis bientôt quatre-vingts ans, avec l'unification en 1945 des caisses de secours mutuels, la sécurité sociale est devenue un véritable pilier de notre société et elle structure nos rapports sociaux. Largement connue à travers le monde, elle est une incarnation de la République sociale. La faire entrer dans la Constitution, c'est à la fois lui reconnaître sa profondeur historique et lui offrir toute la vivacité de notre promesse républicaine, qui peut se résumer ainsi : assurer à tous les citoyens des moyens d'existence, dans tous les cas.

Dans cette optique, la sécurité sociale est conçue pour être financée par le salaire socialisé, ce qui permet une gestion directe et majoritaire par les salariés. Il est important de rappeler que ce sont les salariés qui financent la protection sociale, car ce sont eux qui produisent les richesses de notre pays. Cependant, passées l'après-guerre et la reconstruction du pays, dès le début de la guerre froide, le patronat choisit de se saisir de toutes les occasions pour détricoter les conquis du CNR. Dès 1947, les mouvements sociaux sont durement réprimés. En 1967, les salariés perdent leur majorité des trois quarts parmi les administrateurs des caisses de sécurité sociale et les élections sont purement et simplement supprimées. En 1991, la contribution sociale généralisée (CSG) remet en cause le financement par la cotisation et, depuis trente ans, les politiques d'allégement des cotisations sociales se succèdent. Dès sa création en 1998, le Medef veut en finir avec le compromis issu de 1945. Un ancien numéro deux de ce syndicat patronal déclare dans la presse, au lendemain de la victoire de Nicolas Sarkozy en 2007, qu'il faut « sortir de 1945 ».

Avec ce texte, nous voulons réaffirmer notre attachement et surtout celui des Françaises et des Français à la belle et grande sécurité sociale. Cet attachement, qui n'a rien à voir avec la nostalgie, mais plutôt avec l'espérance commune, suppose de protéger la sécurité sociale des marchés, qui profitent de ses démantèlements successifs pour spéculer et se développer sur le dos de notre modèle collectif de protection sociale. Les attaques contre ce modèle ont pour conséquence directe d'affaiblir la protection de nos concitoyens contre des risques sociaux pourtant assez bien identifiés. Aucune branche n'est épargnée : report de l'âge de la retraite, baisse des remboursements des soins et des médicaments, etc.

La Constitution a vocation à garantir des droits, mais les jurisprudences successives ne garantissent pas pleinement les principes inscrits dans le préambule de 1946, qui dispose que « tout être humain qui, en raison de son âge, de son état physique ou mental, de la situation économique, se trouve dans l'incapacité de travailler a le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence ». C'est bien là le but de la sécurité sociale, mais celle-ci n'a pas de véritable assise constitutionnelle en tant qu'institution. Encore une fois, pourquoi ? Mettons fin à ce paradoxe.

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