Intervention de Marie-Agnès Poussier-Winsback

Réunion du mercredi 22 mai 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMarie-Agnès Poussier-Winsback :

Le groupe Horizons et apparentés tient à rappeler son attachement profond au système de solidarité unique et exceptionnel qui caractérise notre pays. Avec un budget équivalent à une fois et demie celui de l'État, soit près d'un quart du produit intérieur brut, la sécurité sociale fait partie intégrante du patrimoine des Français.

Depuis 1945, ce système de sécurité sociale, où chacun contribue selon ses moyens et reçoit selon ses besoins, a considérablement évolué pour tenir compte de l'apparition de nouveaux risques et de l'évolution démographique. C'est parce que la sécurité sociale, qui assure la solidarité entre les citoyens face aux risques et aux aléas de la vie, est si structurante dans la vie de notre pays et pour notre cohésion sociale que son principe est déjà inscrit dans la Constitution.

Le préambule de la Constitution de 1946, qui fait partie intégrante du bloc de constitutionnalité, garantit de manière explicite l'existence d'un système de protection sociale. Ses dixième et onzième alinéas se réfèrent directement à l'obligation faite à la nation d'assurer à l'individu et à la famille les conditions nécessaires à leur développement et de garantir à tous, notamment l'enfant, la mère et le travailleur âgé, la protection de la santé, la sécurité matérielle, le repos. Est très précisément inscrite dans notre Constitution l'obligation faite à la nation d'offrir à toute personne dans l'incapacité de travailler le droit d'obtenir de la collectivité des moyens convenables d'existence. Autrement dit, toutes les obligations de solidarité – assurance chômage, retraite, allocations familiales, réparation des accidents du travail et des maladies professionnelles – ont une valeur constitutionnelle, de sorte que toute disposition législative qui conduirait à réduire considérablement leur portée ou à les supprimer serait censurée.

Ainsi, même si cette proposition de loi a un objectif louable, elle ne nous semble pas constituer une réelle plus-value : elle ne protégera pas mieux notre système de sécurité sociale que les dispositions constitutionnelles actuelles et l'interprétation qu'en fait le Conseil constitutionnel. Elle nous paraît même ambiguë sur certains points. Ainsi, en présentant la sécurité sociale comme une « institution fondamentale », elle pourrait viser davantage son organisation que son contenu, lequel est déjà garanti, je l'ai dit, par la Constitution et importe davantage que sa forme, qui doit évoluer en fonction des besoins de la population. Par ailleurs, la formule « chacun y a droit selon ses besoins » introduit une incertitude autour de la définition des besoins et de ce que cela implique.

Il ne faut toucher à la Constitution que d'une main tremblante. Si nous comprenons l'intention politique qui vous incite à inscrire cette proposition de loi à l'ordre du jour de votre niche parlementaire, vous comprendrez aussi qu'il ne nous semble pas pertinent de modifier notre norme suprême dans ces conditions.

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