Je commencerai moi aussi, évidemment, avec Ambroise Croizat : « Jamais nous ne tolérerons que soit renié un seul des avantages de la sécurité sociale. Nous défendrons à en mourir et avec la dernière énergie, cette loi humaine et de progrès… » C'est de cela qu'il est question, de la défense et aussi de la promotion du modèle social à la française, qui est directement issu du Conseil national de la Résistance et qui fait partie de notre patrimoine républicain commun.
Il faut saluer la proposition de Pierre Dharréville, qui veut corriger un paradoxe : la sécurité sociale, institution essentielle de notre pacte républicain, est à peine évoquée dans notre Constitution, au détour d'un article où elle est abordée sous l'angle financier. Pour nombre de nos concitoyens, elle est la matérialisation quotidienne de notre devise nationale Liberté, Égalité, Fraternité. Même si elle n'est pas explicitement nommée, c'est bien la sécurité sociale qui est mentionnée aux dixième et onzième alinéas du préambule de la Constitution de 1946, et donc intégrée au bloc de constitutionnalité.
Selon le baromètre 2020 « Les Français et la Sécu », 85 % des Français sont fiers de notre système et en ont une bonne image, et 88 % y sont fortement attachés. Le Rassemblement national nous explique que la constitutionnalisation de la sécurité sociale représenterait un grave danger : quel décalage entre son discours et les aspirations de nos concitoyens !
La sécurité sociale est effectivement l'une des institutions essentielles de la République, au même titre que les collectivités territoriales, qui figurent dans la Constitution. Constitutionnaliser la sécurité sociale, c'est la faire figurer dans le pacte républicain avec les institutions de la République, comme le Gouvernement, le Parlement ou le Conseil économique, social et environnemental, et les collectivités territoriales. Je plaide même pour que la notion de service public, qui figure d'ailleurs dans la proposition de loi de Pierre Dharréville, soit érigée en principe à valeur constitutionnelle.
Le but est d'avoir un point d'appui pour la défense et la promotion de la sécurité sociale. Il faut la défendre contre un mouvement sourd, diffus, parfois même caché, de remise en question de ses principes, et aussi contre un mouvement financier, car Bercy a toujours louché sur cette masse financière qui échappe à la fois à l'État et, fort heureusement, au marché. Et il faut la promouvoir parce que les frontières de la sécurité sociale ne sont pas figées et que le combat historique pour son universalité, qui a commencé en 1945, doit se poursuivre.