La Coordination rurale définit la souveraineté alimentaire, dans une fiche de 2022 que l'on trouve sur votre site, comme la « capacité de choisir son régime alimentaire, en quantité suffisante pour nourrir sa population […] » Cela correspond peu ou prou aux définitions que nous avons entendues dans nos premières tables rondes, qui ont réuni des scientifiques, des chercheurs et des économistes appartenant à différentes obédiences agricoles, même si la notion de souveraineté alimentaire a un peu évolué en une trentaine d'années. On peut considérer que l'article 39 du traité de Rome fixe un objectif de souveraineté alimentaire, bien que le concept n'y figure pas, en tant que tel, pas plus que dans les autres textes européens. On considère, rétrospectivement, que la PAC fixait un objectif de souveraineté alimentaire, même si celui-ci n'existait pas, à proprement parler, à l'époque.
J'ai retenu de nos premières tables rondes et du rapport de l'Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) que la souveraineté alimentaire de la France est assurée. De fait, le tableau figurant page 14 dudit rapport montre que, pour les productions alimentaires majeures – cela concerne quasiment l'intégralité des céréales, des viandes et des oléoprotéagineux, ainsi que le sucre –, nous sommes, dans certains cas, proches des 100 % d'auto-approvisionnement et, dans d'autres cas, nettement au-dessus de ce seuil.
Il n'en reste pas moins que certaines filières, identifiées de longue date, sont en proie à des fragilités ou à des difficultés particulières. Outre les fruits tropicaux – pour des raisons qui s'expliquent aisément –, cela concerne les fruits tempérés et les légumes frais, qui ont connu une tendance peu favorable au cours des dernières années mais pour lesquels les taux d'auto-approvisionnement demeurent satisfaisants, puisqu'ils atteignent respectivement 82 et 84 %.
Pour ce qui est du poulet, l'auto-approvisionnement s'élève à 81 % mais la dynamique pourrait être meilleure.
En dehors des fruits tropicaux, les filières les plus problématiques sont le riz – là aussi, pour des raisons bien compréhensibles – et les ovins, qui constituent un cas spécifique.
La lecture que j'en fais – et qui a été beaucoup faite lors de nos premières tables rondes – est que, si l'on prend en considération ces éléments globalement – l'agriculture formant un ensemble –, on ne peut pas en conclure qu'il n'existe plus de souveraineté alimentaire en France et en Europe, compte tenu de la définition que l'on a donnée de cette notion. Notre représentant permanent auprès de l'Organisation des Nations unies pour l'alimentation et l'agriculture (FAO) nous a confirmé que cette institution n'identifiait pas de difficultés affectant la souveraineté alimentaire sur le continent européen.
Cela ne signifie pas, évidemment, que l'agriculture n'est pas en butte à un certain nombre de problèmes. Étant élu d'une circonscription agricole et viticole, je vois bien les difficultés existantes.
Ne pensez-vous pas que le concept de souveraineté alimentaire a été tordu dans tous les sens dans le débat public ? J'ai le sentiment qu'on lui fait dire un peu ce que l'on veut. Si, demain, on fermait les frontières de la France ou de l'Union, nous n'éprouverions pas de difficultés à nourrir notre population. Dans beaucoup d'autres régions ou pays du monde, la fermeture des frontières conduirait, en quelques semaines, à des problèmes d'alimentation majeurs, voire à une famine.