Toutefois, en démocratie, le résultat d'un scrutin s'impose à tous, votants comme non votants. La validité juridique de cette consultation et de son résultat a d'ailleurs été rappelée par deux fois par le Conseil d'État, par le rejet d'un recours contre le décret de convocation et d'un autre contre le résultat.
Les trois scrutins de l'accord Nouméa ont donc eu lieu régulièrement : la période prévue par cet accord est désormais révolue. Nous sommes d'ores et déjà dans l'après-Nouméa : conformément à l'accord lui-même, le moment est donc venu pour les parties de se réunir « pour examiner la situation ainsi créée ».
C'est à la lumière de ces circonstances que doit être examinée la question de la réforme du corps électoral spécial provincial. Celui-ci déroge aux principes d'égalité et d'universalité du suffrage, consacrés par la Constitution mais aussi par le droit international et européen. Saisi de la question, le Conseil d'État a confirmé, le 7 décembre 2023, l'incompatibilité des règles en vigueur avec les engagements internationaux de la France. En clair, toute élection qui se tiendrait en 2024 ou après, en application du cadre de l'accord de Nouméa, encourrait une annulation certaine. J'invite chacun à considérer le fait que l'État de droit en France n'est pas à la carte. Parmi les engagements internationaux de notre pays, il n'y a pas les bons et les mauvais : tous s'appliquent à la lumière de l'article 55 de la Constitution et de son interprétation par le juge constitutionnel.
En droit comme en fait, il n'est plus acceptable qu'un nombre croissant d'électeurs soient exclus du suffrage. Et si ces dérogations avaient été validées par le juge européen en 2005, c'était uniquement sur la base d'un corps électoral glissant et non gelé, et dans le contexte transitoire, je dis bien transitoire, de l'accord de Nouméa. C'est pourquoi il importe, c'est même un devoir, que les règles soient modifiées dans l'accord global que les parties locales cherchent à construire, avec le soutien de l'État, depuis le troisième référendum. Le consensus entre acteurs locaux n'a pas encore été atteint mais, en attendant, les élections provinciales doivent avoir lieu. Dans quel type de pays refuse-t-on ou reporte-t-on indéfiniment l'organisation d'élections ?
Dans ces circonstances, le projet de loi constitutionnelle permet de régler la question du corps électoral. La démarche n'est en rien exclusive d'un accord local, contrairement à ce que certains feignent de croire ici. Le texte initial y veillait déjà, en prévoyant qu'en cas d'accord entre les acteurs locaux, l'article 1
En 1988 pour l'accord de Matignon, puis en 1998 pour l'accord de Nouméa, tous les acteurs impliqués ont su faire preuve de responsabilité face aux défis qui étaient les leurs : restaurer ou préserver la paix civile et fixer les conditions du développement économique et institutionnel de la Nouvelle-Calédonie pour les années à venir. En l'absence d'accord à cette date, cette responsabilité nous incombe aujourd'hui.
Si nous – l'État – ne nous montrons pas capables d'accompagner les Calédoniens dans la définition et la transcription juridique d'une solution juste et conforme aux valeurs de la République, nous laissons la place à des puissances étrangères qui ne cherchent qu'à tirer un profit politique ou économique de la situation en Nouvelle-Calédonie. Je pense à la Chine mais aussi à l'Azerbaïdjan, où une délégation indépendantiste du Congrès a effectué un déplacement récent. Ces risques d'ingérence appellent une réponse musclée de notre part – tel est l'objet de ma proposition de loi visant à prévenir les ingérences étrangères en France, adoptée en première lecture par l'Assemblée nationale et discutée au Sénat.
En attendant que les discussions locales portent leurs fruits et débouchent sur un accord, j'invite chacun à prendre ses responsabilités en adoptant ce texte qui garantit le fonctionnement démocratique normal de la Nouvelle-Calédonie. J'appelle enfin les groupes parlementaires à respecter le débat et les interlocuteurs, qu'ils soient indépendantistes ou loyalistes. Je le dis au groupe La France insoumise : parasiter le débat calédonien avec vos lubies constitutionnelles sans rapport avec le sujet, c'est irrespectueux.