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Intervention de Éric Dupond-Moretti

Séance en hémicycle du lundi 13 mai 2024 à 16h00
Saisie et confiscation des avoirs criminels — Présentation

Éric Dupond-Moretti, garde des sceaux, ministre de la justice :

Il est difficile d'être plus synthétique et plus clair que M. le rapporteur de la commission mixte paritaire. Je serai donc bref : vous avez tout dit, monsieur le rapporteur, et vous avez rappelé en quoi ce texte est un véritable progrès.

Mesdames et messieurs les députés, je suis heureux de vous retrouver cet après-midi pour, je l'espère, l'adoption définitive de la proposition de loi améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels. La commission mixte paritaire a été conclusive, ce qui démontre à quel point ce sujet majeur fait consensus à l'heure où j'ai annoncé des mesures radicales pour lutter contre la criminalité organisée. Je fais référence, bien évidemment, à la création d'un parquet national anticriminalité organisée, le Pnaco – le ministère de la justice aime les acronymes ! –, à la création d'un véritable statut du repenti inspiré de la législation italienne, aux cours d'assises spécialement composées pour les règlements de comptes et à la création d'un nouveau crime d'association de malfaiteurs, puni de vingt ans de réclusion – nous travaillons activement sur ces questions avec le président du groupe Horizons et apparentés, Laurent Marcangeli, et avec le président de la commission des lois, Sacha Houlié. J'aurai, bien sûr, l'occasion de vous soumettre ces mesures à l'automne dans le cadre d'un projet de loi dédié, mais notre plan d'action est global et la proposition de loi que vous êtes sur le point d'adopter viendra renforcer significativement un des volets de l'action de mon ministère dans la lutte contre la criminalité organisée : la saisie et la confiscation des avoirs criminels.

Frapper les délinquants au portefeuille est un axe majeur de la politique pénale que je conduis. Depuis mon arrivée à la Chancellerie, mes instructions ont toujours été claires : les enquêtes doivent systématiquement porter sur le patrimoine des délinquants afin de pouvoir augmenter les saisies des biens, des fonds et des valeurs. Les juridictions doivent être mobilisées pour confisquer encore mieux les avoirs des délinquants. Notre arsenal législatif a évolué et a incontestablement favorisé l'engagement des enquêteurs et des magistrats, lesquels saisissent et confisquent toujours plus. Permettez-moi de saluer leur action et de rappeler les chiffres records d'une politique pénale parfaitement intégrée.

Les saisies s'élèvent à 1,44 milliard d'euros : elles ont été multipliées par dix depuis 2011. Le montant des confiscations prononcées par les juridictions a atteint le chiffre inégalé de 175,5 millions, ce qui représente une augmentation de 105 % en l'espace de seulement trois ans. Le crime ne doit pas, ne doit jamais, profiter ! C'est pourquoi, dès 2020, j'ai renforcé les moyens de l'Agrasc. Désormais, l'agence rayonne sur l'ensemble du territoire national, au plus proche des juridictions, pour conseiller les enquêteurs et orienter les magistrats. Huit antennes régionales ont été créées, à Marseille, à Lyon, à Lille, à Rennes, à Bordeaux, à Nancy, à Fort-de-France et à Paris. Surtout, les effectifs de l'Agrasc ont doublé : ils sont passés de 45 agents en 2020 à plus de 85 en 2023.

La confiscation du patrimoine des criminels est l'une des armes les plus puissantes de la répression. Saisir les fonds, les comptes bancaires, les meubles et les immeubles des auteurs d'infractions, c'est porter un message fort, particulièrement dissuasif. Cela permet aussi de renforcer le mécanisme de réparation et d'indemnisation des victimes. Taper les criminels au portefeuille, c'est consacrer un cercle vertueux, au service de la justice, en faveur des victimes.

C'est pourquoi les saisies doivent être facilitées et les confiscations prononcées encore plus largement. Il se trouve que la proposition de loi nous donne les moyens de nos ambitions.

Les discussions en CMP ont permis d'enrichir le texte en tenant compte des exigences constitutionnelles et des difficultés pratiques auxquelles sont confrontés les magistrats. Vous l'avez rappelé, la procédure de recours contre les saisies est simplifiée. Elle a ainsi incontestablement gagné en lisibilité et en efficacité. En outre, elle est étendue à l'ensemble des saisies ainsi qu'aux décisions de non-restitution des biens. Au demeurant, elle respecte les normes constitutionnelles.

Une autre avancée mérite d'être soulignée : la proposition de loi a élargi l'affectation avant jugement des biens saisis au profit des services judiciaires, de l'administration pénitentiaire, des établissements publics sous tutelle du ministère de la justice, parmi lesquels figure l'Agrasc.

Je sais que des débats ont porté sur l'attribution avant jugement des biens saisis au bénéfice d'organismes non étatiques. Le dispositif n'a pas pu être pleinement transposé en leur faveur. Je salue la CMP, qui a tenu compte des observations du Gouvernement sur ce point. Il importait de sécuriser les fédérations sportives, les fondations et les associations d'utilité publique et qu'elles ne se trouvent pas confrontées à des difficultés de restitution ou d'indemnisation dans le cas où la juridiction de jugement ne confisquerait pas le bien qui leur avait été affecté. C'est chose faite puisqu'elles se verront attribuer les biens saisis dans le cadre d'une procédure judiciaire une fois que leur confiscation aura été prononcée par la juridiction.

Enfin, les travaux de la CMP ont permis de consacrer une demande du Gouvernement, qui voulait que l'Agrasc soit informée de toutes les décisions de saisie et de confiscation. L'Agence aura ainsi une vision panoramique de l'activité des juridictions.

De plus, les parties civiles pourront obtenir le paiement de dommages et intérêts non seulement sur les biens confisqués mais également sur les biens dévolus à l'État et ceux ayant fait l'objet d'une décision de non-restitution. Le régime prévu est d'ailleurs adapté aux évolutions économiques puisqu'il concernera également les sommes versées sur les comptes de paiement des néobanques.

Enfin, vous l'avez rappelé, la confiscation d'un immeuble constituera désormais un titre d'expulsion à l'encontre du propriétaire condamné et de sa famille. Seul le locataire de bonne foi sera protégé ; les proches du délinquant ou du criminel ne pourront plus profiter de l'immeuble saisi.

Une autre disposition mérite d'être saluée : les biens qui sont l'instrument, l'objet ou le produit direct ou indirect de l'infraction seront obligatoirement saisis. Ce principe de confiscation obligatoire marque un tournant important dans la pratique judiciaire : sauf décision motivée, la juridiction devra confisquer afin que le crime ne paie plus.

La présente proposition de loi répond à des besoins pratiques exprimés par les enquêteurs et les magistrats, au plus proche du terrain. Elle facilite le recours aux saisies et allège les procédures de confiscation.

Monsieur le rapporteur, je veux ici vous remercier et me féliciter de notre excellente collaboration. Je suis persuadé que cette proposition de loi permettra de frapper encore plus fort, encore plus vite, encore plus efficacement les délinquants au portefeuille. Au-delà de son pragmatisme, elle incarne la justice vertueuse qui nous rassemble et nous oblige. L'engagement du Gouvernement et du ministère de la justice pour lutter contre la délinquance et la criminalité est total.

La proposition de loi permettra d'amplifier notre stratégie afin que la saisie et la confiscation des avoirs criminels deviennent, dans le quotidien des enquêteurs et des magistrats, des actes simples. C'est pourquoi je vous demande de l'adopter le plus largement et le plus rapidement possible.

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