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Intervention de Jean-Luc Warsmann

Séance en hémicycle du lundi 13 mai 2024 à 16h00
Saisie et confiscation des avoirs criminels — Présentation

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Warsmann, rapporteur de la commission mixte paritaire :

Je suis très heureux de m'exprimer aujourd'hui devant vous pour conclure le travail commencé le 25 avril 2023, lorsque j'ai déposé la proposition de loi améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation des avoirs criminels à la présidence de l'Assemblée nationale. Ce texte est issu d'un travail collectif et transpartisan. Je remercie tous les députés qui ont présenté des amendements – nous en avons retenu un certain nombre, qui ont permis d'améliorer la proposition de loi. Je remercie également chaleureusement M. le garde des sceaux et ses collaborateurs, avec lesquels nous avons travaillé dans le sens de l'intérêt général, ainsi que Muriel Jourda, rapporteure de la commission des lois constitutionnelles, de législation, du suffrage universel, du règlement et d'administration générale du Sénat : notre dialogue constructif, au sein de la commission mixte paritaire (CMP), a permis d'aboutir au texte qui vous est soumis aujourd'hui. Plutôt que d'en énumérer les articles, je vous présenterai les avancées qu'il permet à chaque étape de la procédure pénale.

Désormais, lorsque les enquêteurs et les officiers de police judiciaire (OPJ) décideront de s'attaquer à un réseau de délinquants, l'enquête patrimoniale fera partie intégrante de leurs missions. Avant d'arrêter les membres du réseau à l'aube, ils devront avoir identifié leur patrimoine, qu'il s'agisse de comptes bancaires ou de biens – des voitures, par exemple –, et déclenché la procédure de saisie. Voilà concrètement quelle sera la première étape.

Ensuite, la proposition de loi entérine le principe de la formation des magistrats. Aujourd'hui encore, nous constatons une appréhension, dans certains tribunaux, à utiliser la procédure de saisie et de confiscation des avoirs criminels, faute de formation. La création des antennes régionales de l'Agence de gestion et de recouvrement des avoirs saisis et confisqués (Agrasc) a marqué un grand progrès, monsieur le garde des sceaux, mais nous voulons aller plus loin en inscrivant dans la loi la mission de formation qui leur est confiée.

Troisième avancée de la proposition de loi, nous voulons faciliter la saisie de certains biens, tels que les comptes de dépôt et les actifs numériques.

Quatrième avancée, l'Agrasc sera désormais la tour de contrôle et de pilotage de toutes les saisies et confiscations réalisées en France. Les juridictions auront l'obligation de lui transmettre leurs décisions en la matière, dans un souci de cohérence.

Preuve que nous tapons juste en améliorant l'efficacité des dispositifs de saisie et de confiscation, les procédures contentieuses sont de plus en plus nombreuses – certains voyous présumés contestent davantage la peine de saisie et de confiscation de leurs avoirs que la peine d'emprisonnement qu'ils encourent. Or l'augmentation des contentieux aggrave la surcharge d'activité des chambres de l'instruction. La proposition de loi simplifie et sécurise les procédures d'appel en désignant un juge unique seul compétent en matière de saisie et de confiscation.

S'agissant, enfin, de la dernière étape de la procédure pénale, c'est-à-dire le jugement définitif par lequel les accusés sont ou bien relaxés, ou bien reconnus coupables, la proposition de loi permet de réduire la différence entre les biens saisis et les biens confisqués. Grâce à un amendement adopté par l'Assemblée, le texte opère une véritable révolution : pour la première fois, la loi entérine le principe de la confiscation obligatoire d'un bien dès lors qu'il est l'instrument, l'objet ou le produit d'une infraction. Avec cette mesure, le message envoyé aux magistrats est clair. Leur travail est par ailleurs simplifié puisque l'obligation de motivation de la décision est ainsi supprimée. Le législateur exprime sa volonté claire que les saisies donnent désormais lieu massivement à des confiscations. Nous levons du même coup un autre obstacle : dorénavant, lorsqu'un tribunal confisquera un bien immobilier, la décision de confiscation vaudra expulsion des occupants, sauf s'ils sont de bonne foi.

Je terminerai en rappelant le rôle des confiscations. En toute logique, lorsque l'on confisque un bien à un délinquant, on cherche avant tout à indemniser la victime. Telle est la volonté du législateur, qui souhaite aussi, et c'est nouveau, donner une affectation sociale aux biens confisqués. Je pense évidemment aux ministères régaliens, le vôtre, monsieur le ministre, mais aussi le ministère de l'intérieur et des outre-mer. Une voiture qui roule vite peut être utile aux services de police et de gendarmerie. L'administration pénitentiaire devra également être autorisée à mobiliser des biens confisqués. La loi du 9 avril 2024 visant à l'accélération et à la simplification de la rénovation de l'habitat dégradé et des grandes opérations d'aménagement nous a permis de poser le principe de la mise à disposition des collectivités territoriales de biens immobiliers confisqués. Le présent texte va plus loin en ouvrant la possibilité d'affecter certains biens confisqués aux fédérations sportives – cette destination a été proposée par le président de la commission des lois de l'Assemblée –, mais aussi aux fondations, aux associations reconnues d'utilité publique et aux parcs naturels régionaux.

Je crois plus que jamais que la peine de confiscation des avoirs criminels est l'une des plus efficaces pour réprimer la délinquance. J'en étais déjà convaincu lorsque j'ai défendu, en 2008, la proposition de loi devenue la loi du 9 juillet 2010 visant à faciliter la saisie et la confiscation en matière pénale, premier texte sur le sujet, auquel nous devons la création de l'Agrasc. Au nom de tous les parlementaires, je veux dire à la directrice, aux membres du conseil d'administration et aux agents de l'Agrasc combien nous sommes fiers du travail qu'ils ont déjà accompli et que nous leur renouvelons toute notre confiance.

Le développement des réseaux criminels étrangers dans certaines zones du territoire confirme la nécessité de renforcer, aujourd'hui et plus encore demain, le recours aux outils conçus par le législateur. Le message à nos forces de police et de gendarmerie et à nos magistrats est clair : utilisez-les dans l'intérêt général, pour le bien de la France et des Français, afin de restaurer la tranquillité publique.

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