J'ai le plaisir d'intervenir pour la seconde fois aujourd'hui, cette fois au nom du groupe Renaissance, sur cette proposition de loi présentée par son principal auteur et rapporteur, le président Sacha Houlié. Nous accueillons très favorablement ce texte, issu d'une initiative parlementaire – dans une matière aussi régalienne, le fait est assez rare pour être signalé.
Les ingérences étrangères, décrites comme l'immixtion d'un État dans les affaires intérieures d'un autre pays, sont protéiformes, omniprésentes et durables. Tout un chacun s'accorde à leur reconnaître ce caractère malveillant, dissimulé, hostile et toxique. Elles visent à déstabiliser de l'intérieur, à fausser le débat démocratique, à affaiblir, éventuellement à voler ou piller, à infléchir des positions, à semer le doute et la confusion, à mêler le faux au vrai, à saper la cohésion nationale et la confiance dans les institutions. Bref, à porter atteinte à la souveraineté et à l'indépendance d'un pays.
Elles peuvent emprunter plusieurs vecteurs, de toutes les formes d'espionnage, classiques ou modernes, aux cyberattaques, en passant par la captation d'élites, l'utilisation du droit comme arme, la manipulation de l'information et la désinformation. Même s'il est parfois difficile de définir précisément la frontière entre influence et ingérence, il faut parler de cette zone grise où se nichent des relais de narratifs et des réseaux de proximité, de complaisance ou de connivence qui peuvent conduire jusqu'à l'allégeance à un autre pays d'une partie des élites politiques ou économiques. Quels qu'en soient les formes et les vecteurs, les ingérences sont le fait d'États qui nous veulent du mal, qui sont hostiles aux démocraties française et européennes.
Même si cela a été beaucoup dit, il faut le répéter car nos compatriotes n'en sont pas encore suffisamment informés et avertis : une véritable guerre, invisible et sournoise, une guerre hybride, a été déclenchée contre nos démocraties. À l'heure actuelle, la Fédération de Russie et la République populaire de Chine figurent au premier rang des puissances étrangères qui nous sont hostiles. Elles mènent un grand nombre d'ingérences malveillantes contre nos intérêts, nos libertés et notre souveraineté.
Faut-il rappeler quelques-unes des récentes opérations de manipulation de l'information et de désinformation orchestrées par le régime du Kremlin, ses propagandistes en chef ou ses différents relais ? L'opération Doppelgänger, révélée en 2022, a consisté à créer toute une série de sites qui diffusaient des messages hostiles à l'Ukraine et favorables à la Russie et qui clonaient les sites de journaux français – Le Figaro, Le Monde ou Le Parisien –, allemands – Der Spiegel, Bild ou Die Welt –, anglais ou italiens.
L'opération Matriochka visait quant à elle à saturer les sites de fact-checkers pour les empêcher d'accomplir leur utile travail de vérification des informations. L'opération Portal Kombat, mise au jour en février par Viginum, atteste de la puissance de feu des réseaux de désinformation russes.
Que pouvons-nous faire face à ces ingérences ? D'abord, renforcer nos agences spécialisées, au premier rang desquelles l'Anssi et Viginum, qui travaillent sous l'égide du secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN). Ensuite, renforcer la coordination interministérielle et paver le chemin de l'élaboration d'une stratégie nationale de lutte contre les ingérences étrangères. Développer la coopération et la concertation européennes, voire mondiales au sein de l'Organisation de coopération et de développement économiques (OCDE), qui travaille sur les manipulations de l'information et sur la désinformation. Mobiliser et conscientiser nos compatriotes, les sensibiliser à ces opérations d'ingérence. Enfin, adopter la proposition de loi du président Sacha Houlié.