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Intervention de Ian Boucard

Séance en hémicycle du mardi 26 mars 2024 à 15h00
Prévention des ingérences étrangères en france — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaIan Boucard :

J'en parlerai moi aussi, rassurez-vous !

La proposition de loi que nous examinons vise à renforcer la protection de la souveraineté nationale de la France face à la nouvelle forme de guerre hybride que mènent sur notre sol certaines grandes puissances étrangères. Elle prend la forme d'opérations d'ingérence et de manipulation de l'opinion de plus en plus nombreuses et agressives qui menacent nos intérêts politiques, militaires, économiques, scientifiques, culturels et évidemment démocratiques.

En effet, le modèle français, démocratique et ouvert, nous rend de fait beaucoup plus fragiles et vulnérables à l'ingérence étrangère que ne peuvent l'être les dictatures qui exercent un contrôle impitoyable de la société civile, des médias et des institutions. Sans renier ce que nous sommes, il nous faut donc nous protéger beaucoup plus efficacement.

Ce texte reprend une partie des travaux de la commission d'enquête parlementaire relative aux ingérences étrangères ainsi que certaines recommandations de la délégation parlementaire au renseignement.

Dans le détail, l'article 1er instaure la création d'un registre obligatoire, géré par la HATVP, des acteurs exerçant une influence sur la vie publique française pour le compte d'une puissance étrangère, des sanctions pénales étant prévues en cas de non-respect de cette obligation de déclaration.

L'article 2 prévoit que le Gouvernement remettra tous les deux ans au Parlement un rapport sur les menaces pesant sur la sécurité nationale dues aux ingérences étrangères.

L'article 3 étend les finalités permettant aux services de renseignement d'utiliser l'algorithme. Technique actuellement limitée à la prévention du terrorisme, elle pourrait désormais être utilisée pour prévenir toute ingérence étrangère. Sachez que le groupe Les Républicains restera cependant vigilant s'agissant de cette technique de surveillance proposée à titre expérimental bien qu'elle semble nécessaire pour faire face aux méthodes utilisées par certaines puissances étrangères.

Enfin, l'article 4 étend le périmètre de la procédure des gels d'avoir, actuellement limitée à la lutte contre le terrorisme, pour inclure les ingérences étrangères.

Toutes ces propositions vont dans le sens d'une limitation des ingérences étrangères, désormais omniprésentes et protéiformes, et d'une sortie de la naïveté coupable vis-à-vis de puissances comme la Russie, la Chine ou l'Azerbaïdjan.

De nombreuses autres mesures issues des travaux de la DPR auraient sans doute trouvé utilement leur place dans cette proposition de loi. Or on a préféré laisser le Gouvernement les prendre par voie réglementaire, comme cela semble être devenu une très mauvaise habitude de la majorité présidentielle.

Malgré les lacunes de ce texte, le groupe Les Républicains le soutiendra car il pourra tout de même régler une partie des problèmes liés aux ingérences étrangères.

Il est cependant à craindre que ce texte nous soit présenté de manière précipitée pour servir une majorité présidentielle à la peine dans les sondages et désireuse d'installer une illusion de duel avec le Rassemblement national en vue des prochaines élections européennes, et qu'il ne traduise pas une réelle volonté de trouver des réponses adaptées à la question soulevée.

Je veux pour preuve de cette précipitation les atermoiements de M. le rapporteur qui nous propose aujourd'hui, par voie d'amendements, de réintégrer les associations cultuelles, les avocats ou encore les sociétés éditrices de presse qu'il avait lui-même exclus la semaine dernière de ces dispositions. Nous sommes favorables à une telle volonté d'élargissement – je vous l'ai d'ailleurs dit en commission des lois, monsieur le rapporteur – mais nous nous interrogeons sur cette soudaine volte-face.

Je m'adresse enfin à la majorité présidentielle relative qui nous propose ce texte. Si son enjeu vous semble réellement majeur, pourquoi n'avez-vous cessé, depuis dix ans, d'encourager ou de laisser faire le démembrement de l'appareil industriel stratégique français au profit d'acteurs étrangers ?

Je prendrai quelques exemples. En 2014, la vente de la branche énergie d'Alstom – chez moi, à Belfort –, rachetée par l'Américain General Electric (GE), a été autorisée et pilotée en personne par le ministre de l'économie Emmanuel Macron. En 2022, ce même Emmanuel Macron, soudainement converti au souverainisme, a annoncé lors de son discours de Belfort le rachat par EDF à GE des turbines Arabelle, essentielles, je le rappelle, pour la relance d'un programme de construction de centrales nucléaires en France et donc pour notre souveraineté énergétique – un rachat aujourd'hui au point mort et à propos duquel, bizarrement, le Gouvernement ne communique plus.

En 2015, c'est encore Emmanuel Macron qui a défendu la vente d'Alcatel-Lucent au Finlandais Nokia en écartant « toute vision romantique » à propos des grandes entreprises françaises. Dernier exemple en date : le projet de cession des activités d'infogérance du groupe Atos au milliardaire tchèque Daniel Kretinsky qui n'inquiète nullement la majorité.

Comment pouvez-vous prétendre vouloir lutter contre les ingérences étrangères alors que vous avez en réalité bradé une partie de notre patrimoine industriel et technologique ? Alors, malgré toute votre communication, nous ne doutons pas que le patriotisme économique restera, de votre part, un slogan incantatoire. C'est bien dommage car il vous serait utile pour lutter efficacement contre les ingérences étrangères.

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