Intervention de Blandine Brocard

Réunion du mercredi 20 mars 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaBlandine Brocard :

À la lecture de cette proposition de loi, mon étonnement a glissé peu à peu de l'incrédulité vers la dubitation. Il y a quelques jours, des gens m'ont demandé si nous allions vraiment débattre de ce texte ou s'il s'agissait de l'une de ces fake news qui peuplent notre quotidien. Avec le sérieux d'un coiffeur devant une chevelure indomptable – et je sais de quoi je parle –, j'ai dû leur confirmer que nous allions en effet démêler cette affaire.

Tant sur le fond que sur la forme, ce texte se situe à un cheveu de la perplexité. Sur le fond, permettez-moi de vous dresser un tableau qui défrise quelque peu. Nous voici une fois de plus transformés en importateurs de problématiques qui ne sont pas les nôtres, venues d'outre-Atlantique ou d'outre-Manche. Les références et les études citées sont toutes étrangères, comme si nous n'étions pas capables de produire une réflexion propre à notre contexte national. Le seul cas français qui est évoqué a déjà été tranché par la Cour de cassation, car notre arsenal juridique condamne déjà ce type de discrimination – et c'est tant mieux. Entre le code général de la fonction publique, le code du travail et le code pénal, nous disposons d'un bouquet législatif couvrant vingt-six motifs de discrimination. L'apparence physique y figure et elle englobe de facto la coiffure, sous tous ses aspects – coupe, couleur, longueur, texture, etc. Il est d'ailleurs primordial de conserver une définition très large et générale de l'apparence physique, afin d'y inclure toutes les discriminations qui en relèvent. Sinon, pourquoi ne pas ajouter les éphélides ou l'hétérochromie comme motifs de discrimination ?

Alors que l'on ne cesse, à juste titre, de se plaindre de l'inflation législative, quel besoin avons-nous de couper les cheveux en quatre ? Notre loi contient déjà tout le nécessaire : s'il faut élargir le champ des discriminations, pourquoi ne pas explorer des horizons réellement inédits, comme la discrimination liée à l'engagement dans la réserve opérationnelle, à propos de laquelle notre collègue Christophe Blanchet a déposé une proposition de loi ? Il y a pire : parce que ce texte propose de bannir du règlement intérieur des entreprises toute mention du cheveu, il sera désormais interdit d'obliger des employés à s'attacher les cheveux lorsqu'ils travaillent sur une machine potentiellement capillophage. On marche sur la tête !

Que dire aussi de la forme, et de l'image que nous donnons ! Alors que le Parlement est déjà très décrié, ces débats, certes ébouriffants, donnent quand même l'impression que nous perdons de vue l'essentiel. Je tiens nos fonctions en trop haute estime pour faire un pseudo-débat sur un problème déjà résolu.

Si la France et les Français rayonnaient de santé et de bonheur, s'il n'y avait plus aucun problème à régler, nous pourrions nous permettre de boucler quelques textes de cet acabit. Toutes les discriminations doivent être combattues avec vigueur, mais cette proposition de loi me semble tirée par les cheveux et je refuse de me perdre dans des débats capillaires, alors qu'il y a tant à faire pour les Français. Travaillons plutôt à relever les défis auxquels notre nation doit faire face. Nos cheveux, qu'on en ait trop ou pas assez, peuvent nous donner du fil à retordre, mais ils ne devraient pas dicter l'agenda de notre noble institution.

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