Comme il existe en France un racisme systémique, qui frappe tant de nos compatriotes pour des motifs aussi divers que la couleur de peau, le patronyme ou la religion supposée, il existe des discriminations systémiques, fondées sur les orientations sexuelles, les identités de genre et les apparences physiques ou vestimentaires. Il ne vous étonnera pas que celles et ceux qui pâtissent du premier soient, en grande partie, les mêmes que les personnes qui subissent les secondes. Parmi toutes les formes que prennent ces discriminations, il en est une qui se manifeste essentiellement dans la sphère professionnelle ou scolaire, et qui porte sur l'apparence capillaire. Dès lors que l'on envisage l'apparence physique et l'origine supposée d'un individu se pose la question de la discrimination fondée sur le style et la texture des cheveux. Elle est liée aux discriminations raciales, puisqu'elle touche principalement les personnes non blanches.
En France, malgré l'absence de statistiques – les sondages ethniques ne sont heureusement pas autorisés –, de nombreuses études réalisées par des universitaires, des sociologues et des psychologues s'accordent pour affirmer que les cheveux jouent un rôle dans l'accès au travail, particulièrement chez les femmes. Les twists sur cheveux naturels, les dreadlocks, les cadenettes, le pétard, les papillotes, les cornrows, les vanilles en frange, les tresses plates, les rastas, les bantu knots, l'afro lâché, le high puff, le high top fade, le mohawk, les waves, le box cut, l'afro bouclé, la choucroute ou la meringue, les cheveux roux ou blonds, crépus, bouclés ou raides, les crânes chauves ou tondus sont autant d'apparences capillaires qui, au travail, suscitent des réactions s'affranchissant trop souvent de la bienveillance.
Selon la sociologue Juliette Sméralda, le cheveu crépu, qui n'est pas porté par ceux qui représentent le pouvoir et ceux qui en conçoivent les habits et les coiffures, n'est pas toléré par ceux qui se sont réservé un droit absolu sur cet espace. Les témoignages qu'a recueillis Carmen Diop, psychologue du travail et doctorante en sociologie, appuient ces constats : certaines femmes disent s'autocensurer dans leur vie professionnelle en mettant des perruques ou en posant un tissage.
Cette discrimination constitue aussi un enjeu de santé publique, physique et mentale. Des études ont en effet montré la corrélation entre l'usage de produits chimiques capillaires permettant la transformation du cheveu, notamment son défrisage, et le risque plus élevé de cancers du col de l'utérus. Pour ce qui est de la santé mentale, porter ses cheveux naturels étant facteur de confiance en soi, la discrimination capillaire crée une anxiété et une charge mentale quotidienne pouvant conduire à des complications psychologiques.
Nous pouvons ainsi nous réjouir que cette proposition de loi complète les dispositions du code pénal, du code du travail et du code général de la fonction publique s'agissant de la lutte contre les discriminations, en précisant que celles liées à l'apparence physique peuvent être relatives à la coupe, la couleur, la longueur ou la texture des cheveux. La décision de la Cour de cassation du 23 novembre 2022 montre l'importance d'inscrire cette discrimination dans la loi. Bien que reconnaissant le caractère discriminatoire du licenciement d'un steward portant des tresses, la Cour a fondé sa décision sur le fait que la compagnie autorisait cette coiffure pour les hôtesses de l'air, plutôt que sur la base légale de la discrimination raciale, complètement invisibilisée.
La discrimination capillaire mérite une attention particulière et une loi spécifique, tant ce type de discrimination gâche la vie des gens qui en sont la cible. La chevelure influence non seulement l'accès au travail, mais aussi les évolutions de carrière, quand elle n'est pas un motif de harcèlement quotidien au travail. La discrimination capillaire entraîne inévitablement des souffrances physiques ou mentales pour celles et ceux qui en sont victimes.
La France insoumise votera donc pour ce texte.