Intervention de Fanta Berete

Réunion du mercredi 20 mars 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFanta Berete :

Je vous remercie de m'accueillir au sein de votre commission afin d'y présenter la position du groupe Renaissance sur la proposition de loi. Quand ce texte a été déposé, je me suis demandé – comme vous, peut-être – si nous en avions vraiment besoin. C'est alors que je suis tombée sur une archive de l'Institut national de l'audiovisuel (INA) datant de 2017, une émission de « Salut les terriens » où Thierry Ardisson recevait la comédienne et chanteuse Stéfi Celma. Avec « Couleur café » en fond sonore, il lui disait : « C'est quoi cette coiffure de ouf ? […] Ils sont en quoi, vos cheveux ? […] Pour se coiffer le matin, elle met les doigts dans la prise ! […] Est-ce que vous mettez des chapeaux, des bonnets, des bâches ? […] Vous êtes le cauchemar de toutes les coiffeuses ! » Plus question de ricaner ou de faire un bon mot sur l'objet de cette proposition de loi, comme j'ai pu l'entendre ici ou là.

La texture des cheveux est classée de 1 pour les cheveux lisses à 4 pour les cheveux crépus, avec des sous-catégories allant de A à C – ma texture de cheveux est ainsi qualifiée de 4C. Bien souvent, les personnes relevant des catégories 3 et 4 livrent une bataille quotidienne avec leurs cheveux car, laissés à l'état naturel, ils peuvent donner lieu à des qualificatifs tels que « peu professionnels », « indisciplinés » ou « négligés ».

Il y a quelques années, en Occident, on tirait les cheveux des enfants d'origine africaine et on les nouait avec du fil. Les stars des années 1980 telles que Eddie Murphy ou les frères Jackson ont prôné l'usage de produits chimiques afin de donner une texture plus souple aux cheveux. Puis les mèches synthétiques ont fait leur apparition pour protéger les cheveux et les rallonger. Les perruques ont ensuite permis d'imiter Tina Turner, entre autres, avant que n'arrive la grande époque du tissage, consistant à coudre des bandes de cheveux naturels venus principalement d'Inde sur les cheveux tressés en couronnes. La démocratisation a été totale avec le lissage brésilien au formol, largement utilisé par les types 2 à 4, avec les conséquences que l'on sait en matière d'allergies, de problèmes respiratoires, de cancers et d'alopécie.

Ce retour historique sur le classement capillaire vise à démontrer, s'il en était besoin, l'objectif fondamental, qui a animé pendant tant d'années les 20 % de la population française aux cheveux bouclés, frisés, crépus : se rapprocher le plus possible de la norme, apparaître socialement plus acceptable.

Le modèle occidental donne parfois l'impression d'être un modèle d'assimilation dans lequel le cheveu raide est universel. Le texte a vocation à tordre le cou à cette injonction sociétale et à affirmer que la multiculturalité est une richesse acceptée, voire revendiquée, et qu'il est possible d'avoir des cheveux différents.

Avec cette proposition de loi, j'émets le souhait que, désormais, lorsque je changerai de coiffure, on arrêtera de me dire que les cheveux lisses me vont vraiment mieux ou, pire, que mes cheveux, plus que le fond de mon propos, m'ouvrent le droit d'être attaquée sur les réseaux sociaux.

J'émets le souhait que certains ne changeront plus de coiffure avant un entretien professionnel, ni ne mettront leur santé en danger avec l'ensemble des produits utilisés pour traiter ou lisser les cheveux, car les dégâts sont désormais connus.

Nous, les 577 députés, représentons chacun un territoire : la Parisienne que je suis rencontre parfois avec les habitants de sa circonscription des préoccupations qui peuvent paraître très éloignées de celles de vos concitoyens, et réciproquement. Avec cette proposition de loi, j'émets le souhait que notre travail protège l'ensemble de nos concitoyens, dans toute leur diversité. Nous avons la capacité de le faire aujourd'hui avec ce texte, qui est loin d'être anecdotique et qui peut permettre à une partie des Français d'être reconnus pour ce qu'ils sont. La nature de nos cheveux ne doit pas influencer les décisions prises par autrui concernant notre emploi, notre appartement ou toute autre opportunité. De même, elle ne doit pas altérer notre estime de nous-mêmes.

C'est la raison pour laquelle le groupe Renaissance soutiendra ce texte, sans chercher à l'amender à ce stade.

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