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Intervention de Loïc Kervran

Réunion du mardi 27 septembre 2022 à 14h00
Commission des affaires étrangères

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaLoïc Kervran, coprésident :

Je vous prie de bien vouloir excuser l'absence de M. Thomas Gassilloud, président de la commission de la défense nationale et des forces armées, qui accompagne la présidente Yaël Braun-Pivet dans son déplacement en Pologne et en Ukraine, ce qui me vaut le grand honneur de coprésider cette audition exceptionnelle.

Le rapport sur les exportations de matériels de guerre remis au Parlement met en lumière la responsabilité particulière de la France, patrie des droits de l'Homme, dans ce domaine. Notre vision et notre vocation vont bien au-delà de nos frontières.

Cette responsabilité particulière est aussi celle de notre Assemblée. Contrôler l'action du Gouvernement est l'un des piliers du mandat que nous ont conféré les citoyens français, surtout dans un tel domaine, où la décision relève de l'exécutif et où les enjeux de souveraineté nationale, de sécurité et de discrétion doivent s'articuler avec les exigences du contrôle démocratique.

Je me réjouis de cette audition commune des trois ministres concernés, qui consacre le caractère indissociable des trois enjeux — stratégique, diplomatique et industriel — soulevés par nos exportations d'armement. C'est une première et je m'en félicite. Je remercie vivement les ministres Lecornu, Lescure et Becht d'être présents ensemble devant nous. Je salue également la présence du secrétaire général de la défense et de la sécurité nationale (SGDSN), M. Stéphane Bouillon, qui vous accompagne en tant que président de la commission interministérielle pour l'étude des exportations de matériels de guerre (CIEEMG).

J'ai un autre motif de satisfaction : l'extension inédite de l'information du Parlement aux exportations de biens à double usage. Ce nouveau dispositif constitue indéniablement un progrès démocratique, car il renforce l'information du Parlement à ce sujet.

Nous ne pouvons ignorer le contexte particulier dans lequel se tient la présente audition. Notre soutien militaire à l'Ukraine a pris la forme d'importantes livraisons de matériels et d'équipements à ses forces armées. Monsieur le ministre des armées, vous aurez sans doute à cœur, dès lors que le sujet est abordé dans le rapport, de préciser les mécanismes et le financement de ces cessions, ainsi que l'articulation de ces livraisons avec les dispositifs de contrôle des exportations d'armements.

Parmi les discours parfois moroses sur la place de la France et son prétendu déclin, les succès à l'export de l'année 2021, au cours de laquelle les prises de commande ont atteint près de 12 milliards d'euros, sont une source de fierté. Je me réjouis notamment de l'augmentation des exportations à destination de nos partenaires de l'Union européenne (UE), grâce à nos partenariats avec la Grèce, qui portent sur des Rafale et des frégates de défense et d'intervention (FDI), avec la Croatie pour des Rafale et avec la Belgique pour du matériel terrestre, dans le cadre de l'accord intergouvernemental « capacité motorisée » (CaMo).

Comme souvent, se forger une opinion exige de faire preuve de nuance. Messieurs les ministres, j'aimerais donc vous interroger sur trois points.

Certaines des exportations précitées ont nécessité des prélèvements sur les parcs de nos armées, notamment les vingt-quatre Rafale d'occasion cédés à la Grèce et à la Croatie. Comment s'assurer que les exportations n'amoindrissent pas nos forces ?

S'agissant de l'évolution de l'encadrement et du contrôle de nos exportations, de nombreux industriels de défense disent craindre leur transfert à l'UE. Jugez-vous ce risque réel ? Quelle est la position de la France sur ce point ?

Enfin, les exportations sont souvent présentées comme un soutien à notre autonomie stratégique. Considérez-vous qu'il existe une dépendance aux exportations de notre base industrielle et technologique de défense (BITD), dans un marché où les acheteurs — de très beaux travaux de l'Institut de recherche stratégique de l'École militaire (IRSEM) le démontrent — n'hésitent pas à recourir au rapport de force, qui est souvent en leur faveur ? Comment peut-on s'assurer que nous exportons bien de la puissance sans importer de la dépendance ?

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