Les ingérences étrangères sont au cœur de l'actualité ; en témoignent les récentes attaques informatiques récemment subies par plusieurs services de l'État. Du fait de leur multiplication en France et à l'étranger, l'action publique en est venue à se préoccuper légitimement de ces ingérences ou tentatives d'ingérences, qui prennent la forme de grandes campagnes de désinformation orchestrées par des puissances étrangères. L'essor constant de l'intelligence artificielle laisse penser qu'elles n'en sont qu'à leurs prémices, ce qui nous impose de mettre tous les outils nécessaires au service de la protection de notre souveraineté et de notre démocratie, dans le respect intransigeant des libertés fondamentales garanties à nos concitoyens.
Plusieurs leviers permettent à l'État de lutter contre les ingérences étrangères : techniques de renseignement, mesures d'ordre diplomatique ou économique, sanctions pénales, ou encore dispositif de protection du potentiel scientifique et technique de la Nation. En application de la LPM, le ministre des armées peut s'opposer au recrutement par un État ou par une entreprise étrangère de militaires français détenteurs de savoir-faire militaires ou opérationnels rares.
Le texte complète donc un arsenal préexistant en empruntant des chemins que nous approuvons pour certains, et d'autres sur lesquels nous émettons des réserves importantes. Je pense notamment à l'article 3, qui prévoit l'extension des finalités justifiant le recours à la technique de renseignement dite de l'algorithme, qui pose des questions tenant au respect des droits fondamentaux. Cette technique mobilise des traitements automatisés destinés à détecter des connexions ou des navigations sur internet susceptibles de révéler de manière précoce l'existence d'une menace – des algorithmes de suspicion en quelque sorte. Cet usage potentiellement très intrusif est restreint à la seule lutte contre le terrorisme ; le texte propose de l'étendre à la défense et à la promotion de l'indépendance nationale, de l'intégrité du territoire et de la défense nationale, à la défense des intérêts majeurs de la politique étrangère, à l'exécution des engagements européens et internationaux de la France et à la prévention de toute forme d'ingérence étrangère.
Une telle extension ne risque-t-elle pas d'aboutir à une utilisation trop massive de cette technique, à un brassage et un traitement trop importants de données touchant des citoyens qui ne cherchent aucunement à participer à une ingérence étrangère ? Si ce risque n'était pas sérieux, le texte ne proposerait pas d'expérimenter cette mesure pendant plusieurs années et sur le fondement d'un algorithme dont on ne connaît pas les contours.
Si les précisions que monsieur le rapporteur a décidé d'apporter par voie d'amendement ne répondent pas à toutes nos interrogations, elles nous permettent néanmoins de porter un regard plutôt bienveillant sur la proposition.
Nous proposerons plusieurs amendements à l'article 3, visant, pour l'un, à réduire d'une année l'expérimentation prévue, pour un autre, à soumettre les modifications devant être apportées à l'algorithme de surveillance à un avis conforme de la Commission nationale de contrôle des techniques de renseignement (CNCTR), et pour un autre encore, à préciser le contenu du rapport que le Gouvernement devra remettre au Parlement sur l'évaluation du dispositif.
D'autres éléments suscitent de la part de notre groupe des interrogations et commentaires, comme l'absence de définition de la notion de mandants étrangers, ou encore l'absence de mesures relatives au droit électoral permettant d'instaurer un régime d'autorisation en lieu et place d'un régime déclaratif sous contrôle de l'État, pour les anciens responsables politiques qui souhaiteraient travailler au service de puissances étrangères.
Notre position résultera de l'examen du texte. Nous veillerons à ce qu'il soit un outil efficace.