Les articles du projet de loi dont la commission des affaires économiques était saisie pour avis, avec délégation au fond, visent notamment à assurer la conformité de notre droit avec les évolutions qui touchent aux domaines du droit de la consommation, de l'énergie et de l'agriculture.
Si la cohérence n'est pas à rechercher entre ces sujets ou entre les divers articles du projet de loi, dont les thèmes – c'est la loi du genre – sont disparates, il existe toutefois une cohérence d'ensemble entre ces dispositions et la politique du Gouvernement. Ainsi, je me réjouis de présenter aujourd'hui des adaptations au droit de l'Union européenne qui permettront de mieux défendre nos consommateurs, de simplifier des démarches trop lourdes pour notre monde agricole et d'avancer vers la transition énergétique et écologique souhaitée par ce gouvernement et par la plupart d'entre nous dans cet hémicycle.
Cette cohérence est une démonstration utile en ces temps où certains choisissent la facilité consistant à rendre l'Europe coupable de tout ce qui ne va pas, plutôt que la voie ardue des propositions et des constructions collectives.
Je souhaite maintenant m'attarder sur l'article 3 du projet de loi, destiné à habiliter le Gouvernement à légiférer par ordonnance pour mettre en conformité avec le droit européen la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux.
La loi dite influenceurs tient particulièrement à cœur à mon corapporteur Arthur Delaporte, à qui je souhaite un prompt rétablissement, et à moi-même. Nous avions établi une « bulle de paix » pour travailler sereinement sur ce sujet transpartisan. Je sais que ce texte vous tient également à cœur, chers collègues qui, après avoir participé à sa genèse, l'avez voté à l'unanimité. Cette loi tient aussi à cœur aux Français et aux Françaises qui l'avaient plébiscitée au moment des débats ayant précédé son vote, et enfin aux influenceurs eux-mêmes : ils ont reconnu qu'il était nécessaire d'encadrer et de professionnaliser leur activité.
Le souci de cohérence nous conduira aujourd'hui à assurer l'articulation de cette loi avec les règles européennes, notamment la règle du pays d'origine imposée par la directive sur le commerce électronique.
Pour mémoire, la loi dite influenceurs prévoit que ces derniers doivent respecter les règles françaises dès lors qu'ils travaillent pour des consommateurs français, peu important leur lieu d'établissement. Cela restera vrai pour les influenceurs de Dubaï et tous ceux établis hors de l'Union européenne. En revanche, la Commission européenne souhaite préciser que les influenceurs établis dans un État membre de l'Union européenne sont soumis à la loi de leur pays d'établissement.
S'il est légitime que l'Union européenne nous demande de respecter les règles communes autorisant nos entreprises à se développer sur le marché européen – 450 millions de consommateurs – plutôt que sur l'étroit marché français – 67 millions d'habitants –, il est tout aussi légitime que le législateur national défende ses prérogatives pour encadrer et réguler le marché français. Le respect des règles européennes inclut les dérogations qu'elles prévoient. C'est en ce sens que le Gouvernement, avec la participation active des deux corapporteurs du texte, négocie avec la Commission européenne. L'article 3 habilite ainsi le Gouvernement à légiférer par ordonnance afin de mettre notre loi en conformité avec le droit européen – ni plus, ni moins.
Il n'y a donc pas d'inquiétude à avoir malgré les rumeurs. La loi dite influenceurs, dont les effets positifs se font déjà sentir sur les réseaux sociaux depuis son entrée en vigueur – sans régler tous les problèmes –, ne sera pas abrogée. Nous préserverons son esprit et son équilibre, fondé en grande partie sur le principe de son application extraterritoriale.
Ne blâmons pas trop la Commission européenne de chercher à faire respecter les règles européennes, car c'est bien à l'échelle européenne qu'il est le plus efficace de réguler l'espace digital. N'oublions pas que le règlement du Parlement européen et du Conseil relatif à un marché unique des services numériques, dit Digital Services Act ou DSA, héritage de la présidence française de l'Union européenne, a renforcé notre capacité collective à imposer les règles européennes aux multinationales qui dominent notre espace numérique et règnent sur les réseaux sociaux.
Alors oui, vive le DSA. Néanmoins, reconnaissons que celui-ci ne couvrait pas correctement les dérives contre lesquelles lutte la loi « influenceurs ». La preuve : l'Espagne, l'Italie, la Belgique ou encore le Danemark préparent leurs propres lois sur le modèle de la nôtre. Je souhaite que celle-ci devienne caduque dès que possible, mais parce qu'elle aura été remplacée par un texte cohérent et efficace, qui régule cette activité et ses dérives à l'échelle de notre continent.
D'ici là, je me réjouis de continuer à travailler avec le Gouvernement sur ce projet d'ordonnance. Mais surtout, madame la ministre, continuons à travailler ensemble : il reste tant à faire pour que la loi soit respectée par les influenceurs et pour enfin reprendre le contrôle sur nos écrans, pour installer un système incontournable de vérification de l'âge, pour protéger notre jeunesse contre un temps d'usage excessif et contre les contenus inappropriés.