Merci de ces encouragements pour ce premier texte que je défends en tant que secrétaire d'État. Nous sommes réunis pour examiner le projet de loi portant diverses dispositions d'adaptation au droit de l'Union européenne – dit Ddadue – en matière d'économie, de finances, de transition écologique, de droit pénal, de droit social et en matière agricole. Ce texte a été examiné et adopté au Sénat en première lecture le 20 décembre 2023. Dans la poursuite de sa navette parlementaire, nous nous penchons aujourd'hui sur la version issue des travaux qui ont eu lieu dans les différentes commissions concernées par son champ d'application.
Avant toute chose, je tiens à souligner un bilan dont nous pouvons être fiers : à la fin de l'année 2023, notre pays a affiché une excellente performance en matière de transposition des directives. La France se place ainsi au premier rang du classement des États membres établi par la Commission européenne, avec des retards de transposition dans seulement 0,1 % des cas. Ce n'est pas un sans-faute, je vous l'accorde, puisqu'une directive reste en attente, mais, sur un stock de plus de 1 000 directives relatives au marché intérieur à transposer en droit interne, c'est tout de même un bel accomplissement, dont nous pouvons nous féliciter.
Le projet de loi Ddadue doit permettre à la France de disposer d'un droit national conforme aux évolutions législatives européennes récentes et de contribuer à maintenir cette exigence de bonne performance dans l'application du droit à l'échelle européenne. Sans revenir dans le détail sur les domaines variés qu'il recouvre et sans anticiper la discussion qui nous attend sur les différents amendements déposés, je veux revenir sur plusieurs points qui nous semblent revêtir une importance particulière.
S'agissant d'abord des champs économiques et financiers, les dispositions de mise en conformité visent notamment à donner leur plein effet à des mesures déterminantes en faveur de la protection des consommateurs. Elles permettront également de préciser les règles applicables aux sociétés. Différents textes nationaux sont aussi concernés dans le domaine du droit bancaire, monétaire et financier. L'application concrète de certains dispositifs supposera des travaux longs – je songe par exemple aux contrats de services financiers conclus à distance, aux contrats de crédit aux consommateurs et aux plateformes qui centralisent les informations financières –, ce qui nécessite de légiférer par ordonnance.
De même, des travaux d'ampleur ont déjà été conduits par l'Autorité européenne des marchés financiers (AEMF) pour adapter le droit aux marchés des cryptoactifs. Ils sont toujours en cours, ce qui conduit le Gouvernement à demander à la représentation nationale de reconduire l'habilitation à légiférer qu'elle lui a accordée, tant l'adaptation des différents codes à ce marché est complexe et technique.
Pour éviter tout risque d'inconstitutionnalité et en accord avec la commission des affaires économiques et son rapporteur Stéphane Vojetta, nous apporterons, à l'article 3, une précision concernant le champ de l'habilitation à légiférer par ordonnance en vue de rectifier la loi du 9 juin 2023 visant à encadrer l'influence commerciale et à lutter contre les dérives des influenceurs sur les réseaux sociaux. Ce sujet m'intéressant tout particulièrement – vous le savez –, je me permets quelques développements sur cet article relatif à la sphère numérique. Il s'agit de modifier des dispositions de la loi du 9 juin 2023 créant une définition légale des influenceurs et visant à interdire ou à encadrer la promotion de certains produits ou services. En effet, près de 42 millions de consommateurs achètent des biens et services sur internet, et les réseaux sociaux constituent un canal privilégié pour les annonceurs qui ciblent leur public – en particulier les jeunes utilisateurs – par l'intermédiaire d'influenceurs largement suivis sur diverses plateformes telles qu'Instagram, YouTube, TikTok, etc.
Comme vous le savez, ces dispositions ont fait l'objet d'échanges avec la Commission européenne au titre de la procédure de notification prévue par la directive du 9 septembre 2015 prévoyant une procédure d'information dans le domaine des réglementations techniques et des règles relatives aux services de la société de l'information. La Commission estime que plusieurs articles de la loi du 9 juin 2023 doivent être adaptés pour assurer leur conformité avec les règlements européens relatifs aux services numériques – en l'espèce, le Digital Services Act, ou DSA – et au marché des cryptoactifs. Tel est l'objet de l'ordonnance prévue à l'article 3 du projet de loi Ddadue que nous examinons aujourd'hui. Néanmoins, un amendement, adopté par la commission des affaires économiques de l'Assemblée nationale en vue d'étendre le périmètre de l'habilitation prévue dans la version issue du Sénat, fait peser un risque de non-conformité à l'article 38 de la Constitution, le Conseil constitutionnel considérant que ce point relève de la compétence exclusive du Gouvernement.
Parce qu'il approuve pleinement l'initiative de la commission des affaires économiques, le Gouvernement a donc déposé un amendement – que, j'espère, vous soutiendrez – relatif au périmètre et au délai d'habilitation, afin d'assurer la conformité du dispositif à la Constitution. La modification de l'alinéa 1er permettra d'étendre la durée de l'habilitation à neuf mois afin de garantir un délai suffisant pour mener à bien les consultations juridiques nécessaires pour mettre en conformité les dispositions visées avec le droit de l'Union européenne. Ces consultations incluent notamment la procédure de notification des nouvelles dispositions à la Commission européenne, qui prévoit le respect d'une période de statu quo d'au moins trois mois à compter de ladite notification, cette durée pouvant être prolongée à la demande de la Commission.
Dans le respect des procédures, ce délai supplémentaire de trois mois par rapport à la version issue du Sénat évitera des retards ultérieurs dans l'adoption et la mise en œuvre de la loi. Au surplus, il améliore la sécurité juridique de son contenu.
Par la modification de l'alinéa 2, il est proposé d'étendre le champ d'habilitation à l'ensemble du titre Ier plutôt que de le limiter aux seuls articles 1er , 4, 5 et 9. En effet, l'article 1er , qui définit l'activité d'influence commerciale, nécessitera des adaptations et aura très certainement une incidence sur les autres articles. Ainsi, la cohérence d'ensemble sera garantie et le découpage sera plus simple si plusieurs modalités d'application devaient être revues pour une mise en conformité.
Enfin, il est nécessaire de prévoir la création d'un article consacré aux dérogations au principe du pays d'origine – dit PPO – posé par la directive relative à certains aspects juridiques des services de la société de l'information, et notamment du commerce électronique, dans le marché intérieur, ou directive sur le commerce électronique, et la directive dite services de médias audiovisuels, ou directive SMA.
En effet, la mise en conformité des articles 4 et 5 de la loi dite influenceurs avec le droit de l'Union européenne nécessite de prévoir leur applicabilité à des prestataires de services de la société de l'information établis en France, au sein d'autres États membres de l'Union Européenne, ou bien hors de l'Union européenne, dès lors qu'ils exercent l'activité d'influence commerciale par voie électronique.
L'objectif du projet de loi Ddadue est d'apporter les précisions nationales utiles pour transposer ces textes au mieux et éviter ainsi les écueils liés à la sous-transposition ou à la surtransposition.
Je pense par exemple aux ajustements qui confortent le pouvoir de sanction de l'Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR) en matière de produits paneuropéens d'épargne retraite individuelle. Ils visent à donner une base légale à l'obligation de déclaration dans des registres centraux d'informations relatives à des bénéficiaires d'organismes philanthropiques. Il s'agit également d'obtenir que les exigences minimales de fonds propres soient bien appliquées par les grands groupes bancaires et de faciliter le renflouement de ces derniers.
Pour éviter une surtransposition et tout risque d'inconstitutionnalité en matière de représentation équilibrée entre les femmes et les hommes au sein des organes des sociétés commerciales, le projet de loi Daddue articule différents dispositifs nationaux avec ceux prévus par le droit de l'Union européenne.
Avec l'aide du rapporteur de la commission des finances, Daniel Labaronne, que je remercie, ce texte est aussi l'occasion d'adapter le code général des impôts au nouveau règlement européen relevant le plafond des aides d'État aux entreprises dispensées de notification à la Commission européenne.
En matière de transition écologique, le projet de loi prévoit la mise en place de contrôles destinés à assurer la bonne application du devoir de diligence des opérateurs économiques qui mettent des batteries sur le marché ou en service. Il comporte également des dispositions relatives au mécanisme d'ajustement carbone aux frontières. Enfin, il transpose en droit français la définition de l'hydrogène renouvelable et de l'hydrogène bas-carbone.
En matière de coopération judiciaire, les échanges entre le Gouvernement et la commission des lois de l'Assemblée nationale – que nous remercions de son soutien dans le contexte de la lutte antiterroriste – ont permis de clarifier la rédaction de plusieurs articles. Est ainsi garanti un accès équivalent des services répressifs de chaque État membre aux informations disponibles dans d'autres États. En outre, le projet de loi met le code de procédure pénale en conformité avec les dispositions européennes relatives au droit d'accès à un avocat et au mandat d'arrêt européen.
En matière sociale, plusieurs décisions de justice récemment rendues au sujet des congés payés conduisent le Gouvernement à présenter un amendement afin de remédier à l'inconventionnalité d'un article du code du travail. Avant son dépôt, l'avis du Conseil d'État a été sollicité. Nous y reviendrons au cours de nos débats.
En matière agricole, la gestion par les régions d'une partie des aides relevant du Fonds européen agricole pour le développement rural (Feader) sur la programmation 2014-2022 de la politique agricole commune (PAC) est facilitée. Le préfet pourra désormais déléguer sa signature aux autorités régionales, et ainsi sécuriser l'exercice par les établissements de l'élevage des missions qui leur sont confiées en matière de traçabilité des animaux. Cette mesure était très attendue par les régions.
Enfin, confrontées pour certaines d'entre elles, notamment dans le Nord et dans les Alpes, à des crues récentes exceptionnelles par leur durée et leur intensité, les collectivités souhaitent disposer d'un cadre simplifié pour mener les actions de prévention des risques d'inondation prévus par la directive relative à l'évaluation et à la gestion des risques d'inondation du 23 octobre 2007. En conséquence, le Gouvernement présente deux amendements pour alléger et simplifier les procédures en la matière. J'espère qu'ils recueilleront votre soutien.