Intervention de Philippe Pradal

Réunion du mercredi 28 février 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Pradal :

Un peu plus de quarante ans après la loi du 4 août 1982 dépénalisant définitivement l'homosexualité, le groupe Horizons et apparentés salue l'initiative du groupe Socialiste, écologiste et républicain d'avoir fait inscrire à l'ordre du jour du Sénat l'examen de cette proposition de loi portant réparation des personnes condamnées pour homosexualité entre 1945 et 1982.

Cette proposition présente l'intérêt symbolique majeur de reconnaître officiellement la répression judiciaire dont ont été victimes les personnes homosexuelles.

Rappelons que la France a été pionnière en dépénalisant l'homosexualité en 1791, au lendemain de la Révolution française, devenant ainsi l'un des pays les plus progressistes sur ce sujet. En août 1942, le régime de Vichy a rétabli une discrimination fondée sur l'orientation sexuelle et est revenu en arrière en instaurant une majorité sexuelle à 21 ans pour les homosexuels, contre 13 ans pour les hétérosexuels. Cette discrimination légitima jusqu'à la fin de la guerre la persécution, l'arrestation et la condamnation de dizaines de milliers d'hommes de notre pays. Quelques centaines d'entre eux furent déportés vers les camps de concentration et d'extermination. Ce n'est que quarante ans après, à l'initiative du garde des sceaux Robert Badinter, du député Raymond Forni et de la rapporteure Gisèle Halimi, que la majorité sexuelle discriminante héritée de Vichy fut abrogée.

Le temps est venu de reconnaître la responsabilité de la République dans cette discrimination insupportable, mais elle ne doit par définition l'endosser qu'à compter de 1945. La République française ne peut être tenue comptable des agissements du régime de Vichy. Comme le rappelait le général de Gaulle, « Vichy fut toujours et demeure nul et non avenu. »

Toutefois, il ne s'agit pas d'oublier ces heures qui ont souillé notre histoire et il nous appartient de trouver le chemin qui permette de rappeler le devoir à l'égard de ceux qui ont été persécutés par l'État français, tout en reconnaissant la rupture que le régime de Vichy incarne.

Par ailleurs et dans le même esprit, notre groupe estime que c'est à raison que le Sénat n'a pas adopté l'article 2 créant un délit de contestation ou de minoration outrancière de la déportation des personnes homosexuelles depuis la France pendant la Seconde guerre mondiale. Instaurer ce délit reviendrait à considérer que ces faits ne sont pas déjà couverts par celui de négationnisme. Or, le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg cite expressément la déportation dans son ensemble comme constitutive d'un crime contre l'humanité, qu'elle ait concerné les juifs, les communistes, les résistants, les tziganes ou les homosexuels. La négation de la déportation entre, de ce fait, dans le cadre de l'article 24 bis de la loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de la presse.

Enfin, la réparation financière nous semble complexe à mettre en œuvre, pour les raisons qui ont été exposées par d'autres orateurs. Nous nous abstiendrons sur ce point.

Le groupe Horizons et apparentés votera donc en faveur de ce texte dans la version transmise par le Sénat.

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