Intervention de Éric Martineau

Réunion du mercredi 28 février 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaÉric Martineau :

Après les commémorations, en 2022, des quarante ans de la dépénalisation de l'homosexualité et dans la lignée de lois mémorielles, nous devons reconnaître la responsabilité de la République française dans la politique de criminalisation et de discrimination envers les personnes homosexuelles entre 1942 et 1982, et nous interroger sur un droit à réparation financière pour les victimes.

Si les relations entre personnes de même sexe ont été décriminalisées lors la Révolution française en 1791, les personnes homosexuelles ont continué d'être surveillées et réprimées tout au long des XIXe et XXe siècles. Mais la loi du 6 août 1942 adoptée sous le régime de Vichy a modifié l'article 334 du code pénal pour introduire une distinction discriminatoire s'agissant de l'âge de consentement. Cette modification législative a alors servi de base juridique pour la répression policière et judiciaire dont les personnes homosexuelles ont été victimes – constitution de fichiers de police, condamnations judiciaires, dénonciations aux forces d'occupation ennemies et opprobre social. Publiées dans les journaux, ces condamnations avaient également des répercussions sur la vie professionnelle et personnelle, avec des licenciements abusifs, une vie sociale ruinée et le déshonneur pour les familles.

Alors que la plupart des lois du régime de Pétain ont été abrogées à la Libération, celle du 6 août 1942 a été maintenue par l'ordonnance du 8 février 1945. La pénalisation de l'homosexualité a perduré avec une circonstance aggravante à l'outrage public à la pudeur, la pénalisation de quiconque aura commis un acte impudique ou contre nature, et des peines encourues allant de six mois à trois ans d'emprisonnement et de 60 à 15 000 francs d'amende. Nous estimons que près de 10 000 personnes ont été condamnées du fait de leur homosexualité entre 1945 et 1982. Au cours de cette même période, 50 000 personnes auraient été également condamnées pour outrage public à la pudeur homosexuel. N'oublions pas que, jusqu'en 1978, 80 % des procès ont abouti à des condamnations à des peines de prison.

La législation évoluera grâce à la mobilisation d'intellectuels comme Michel Foucault, Gilles Deleuze ou Marguerite Duras, que nous devons saluer, ainsi qu'à l'engagement d'hommes politiques, dont Robert Badinter. La disposition relative à l'outrage public à la pudeur homosexuel est abrogée en 1980 et, en 1981, toutes les personnes condamnées pour homosexualité sur la base des articles 330 et 331 du code pénal sont amnistiées grâce à François Mitterrand.

Quarante ans après l'abrogation des lois discriminant les personnes LGBT, la France n'a pas encore admis sa responsabilité dans les discriminations et les condamnations subies par les personnes homosexuelles en raison de leur orientation sexuelle, réelle ou supposée, ou de leur identité de genre. C'est pourquoi je suis honoré d'être le porte-parole du groupe Démocrate, humaniste et libre.

Nous acceptons de revenir à une rédaction qui englobe la période allant de 1942 à 1982, mais il est très important de bien faire la distinction entre le régime de Vichy, de 1942 à 1945, et la République française. Nous reconnaissons les persécutions qui ont été commises contre les personnes homosexuelles par le régime de Vichy, mais il ne faut pas pour autant confondre ce dernier avec notre République.

Les réparations ne sont pas une question budgétaire – elles ne coûteraient pas énormément d'argent. Mais l'objet de cette proposition est de reconnaître la responsabilité de l'État et de réparer le préjudice : c'est donc une question morale et non pas financière. De plus, accorder une indemnisation à des personnes qui ont été amnistiées et qui ne sont donc plus condamnées aux yeux de la justice – même si elles ont purgé leur peine – est inconstitutionnel. Voilà pourquoi nous nous abstiendrons sur la réparation financière. Mais notre groupe sera favorable à cette proposition de loi pour reconnaître la responsabilité de la République.

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