Intervention de Davy Rimane

Réunion du mercredi 28 février 2024 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDavy Rimane :

Il est difficile de s'opposer à une proposition de loi qui vise à combattre toute forme de discrimination. Toutefois, c'est compréhensible avec un texte qui, comme le vôtre, se limite à des mesures répressives et revient à cracher en l'air et à s'autoproclamer vigie morale.

Le renforcement du dispositif de lutte contre la provocation, la diffamation et l'injure non publiques s'inscrit dans une histoire déjà longue : loi Pleven de 1972, loi Gayssot de 1990, création de la Halde (Haute Autorité de lutte contre les discriminations et pour l'égalité) en 2004, loi de 2017 sur la liberté et la citoyenneté… Les mesures visant à renforcer l'arsenal juridique ne manquent pas.

Chaque année, plus de 1 million de personnes subissent une discrimination ou une atteinte à caractère raciste ou antisémite. Pourtant, selon la dernière enquête « Trajectoires et origines », 55 % des personnes ayant déclaré avoir été victimes d'une discrimination fondée sur l'origine, la nationalité ou la couleur de peau n'ont pas effectué de démarches, pensant que ce serait inutile ; seulement 2 % d'entre elles ont porté plainte.

Le risque serait qu'au nom d'intentions prétendument humanistes et universalistes, l'État se contente de baffer là où il serait plus utile d'accompagner les personnes. Cet accompagnement devrait se faire par des peines qui ont du sens, des mesures alternatives tels que les stages de sensibilisation à la citoyenneté, à l'image du dispositif institué en 2004 par la loi Perben 2.

Le risque serait de prendre le problème à l'envers en votant des mesures relevant plus de l'affichage que de la recherche de l'effectivité. En effet, le droit pénal sanctionne déjà la provocation, la diffamation et l'injure non publiques à caractère raciste et antisémite. Si l'efficacité des peines contraventionnelles actuelles est limitée, ce n'est pas dû à la légèreté des sanctions mais au fait qu'elles sont insuffisamment appliquées. La priorité n'est donc pas de durcir les peines mais d'identifier les raisons du développement, au sein de la société, de formes inédites de racisme, du recours à des stéréotypes, de la suspicion, de la méfiance et du mépris. Le véritable courage serait de s'attaquer à certains de ces ressorts déjà connus.

La proposition de loi fait écho à un débat ancien, qui tient à la conciliation de certaines dispositions législatives avec la liberté d'expression et les droits de l'homme. Dans un contexte marqué par le fort ancrage de l'extrême droite dans la société française, il est nécessaire de renforcer la répression des discours racistes. Il y a, d'un côté, la stratégie visant à taper dans le porte-monnaie pour restreindre une liberté que tous appelaient à sacraliser en 2015 et, de l'autre, la nécessaire condamnation des conduites racistes et antisémites.

Ce texte d'affichage, qui aura très peu d'effets concrets, est toutefois porteur d'un enjeu symbolique. C'est pourquoi, à ce stade des débats, nous comptons nous abstenir.

On assiste à l'heure actuelle à un certain nombre de controverses. L'amalgame entre antisionisme et antisémitisme est de plus en plus assumé et revendiqué. Un nombre croissant de personnes cherchent à cliver le débat sur les problématiques raciales, pour mieux fracturer la société. Rappelons que la liberté d'expression, entendue au sens large, est la liberté de s'exprimer, de penser, de croire ou de ne pas croire.

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